Daniel Laury (E85), co-fondateur d’Udelv : « Une voiture autonome sera toujours moins risquée qu’un conducteur humain »
Depuis un an, les voitures sans conducteurs se multiplient sur les routes des États-Unis. Avant d’envahir le monde ? Le point avec Daniel Laury (E85), co-fondateur d’Udelv.
ESSEC Alumni : Où en est le développement de la voiture autonome ?
Daniel Laury : Les États-Unis arrivent à un tournant. La Californie vient de passer une loi autorisant le déploiement de flottes de voitures autonomes sur ses routes. Et Waymo, filiale de Google, s’apprête à lancer un service de covoiturage sans chauffeur dans l’Arizona. Un technicien restera sur la banquette arrière en cas d’urgence, mais plus personne ne tiendra le volant.
EA : D’autres pays se positionnent-ils sur ce marché ?
D. Laury : Les Chinois sont à l’offensive – notamment de grands acteurs du web, comme Baidu et Tencent, mais aussi des start-up de l’automobile, comme Nio et Faraday Future, qui se développent rapidement avec le soutien actif des autorités. En Europe, cela s’annonce plus compliqué, pour des raisons pratiques : le réseau routier est plus difficile à modéliser qu’aux États-Unis, où les voies sont droites, les marquages au sol nets, les tournants à gauche signalisés par un feu avec une flèche qui bloque le trafic venant en sens inverse. Rien à voir avec le rond-point de l’Arc de Triomphe…
EA : Qui sont les principaux acteurs de ce secteur en devenir ?
D. Laury : On assiste aujourd’hui à un passage de relai entre les universités anglo-saxonnes, qui mènent des recherches sur les véhicules autonomes depuis plus de 10 ans, et les entreprises, qui seules sont capables d’exploiter les résultats de ces travaux. C’est tout un écosystème qui se construit, avec des start-up pour développer chaque brique du système (cartographie, contrôle, intelligence artificielle…), et des grands groupes pour commercialiser le véhicule final.
EA : Quels principaux obstacles reste-t-il à lever ?
D. Laury : Les freins sont d’abord techniques : on ne maîtrise pas encore la localisation et le freinage sur les routes recouvertes de neige, la perception des objets la nuit et sous la pluie, la prise de décision dans un environnement réclamant des choix, la prise en compte des différences de codes de la route entre les pays… Et on ne dispose pas encore de systèmes de secours performants, capables non seulement de détecter une panne mais aussi de prendre le relai. Sans oublier l’enjeu budgétaire : pour l’heure, la production d’un seul véhicule autonome coûte entre 500 000 et 1 million de dollars.
EA : La mort récente d’une piétonne renversée par un prototype d’Uber a ravivé le débat sur la sécurité des véhicules autonomes…
D. Laury : Une voiture autonome sera toujours infiniment moins risquée qu’un conducteur humain. Un ordinateur ne boit pas d’alcool, a une vue à 360° en permanence, n’envoie pas des textos en conduisant… Malgré deux accidents mortels, les tests des véhicules autonomes s’avèrent déjà 40 % moins dangereux que la moyenne des tests réalisés pour les autres véhicules !
EA : À terme, croyez-vous à la généralisation de la voiture autonome ?
D. Laury : J’en suis convaincu pour certains usages – taxis, livraison. Et je pense que les voitures des particuliers suivront, dans un délai de 15 à 25 ans, soit le temps nécessaire pour renouveler le parc automobile existant. La transition sera longue, complexe, mais inexorable : comment résister à l’idée de regarder un film pendant les embouteillages ?
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11), responsable des contenus ESSEC Alumni
C’est les vacances ! L’occasion de faire le bilan de l’année écoulée, et de se replonger dans les archives de Reflets ESSEC Magazine. Cet article a été initialement publié courant 2018, dans le n°123, au sein du dossier « Nouvelles mobilités : mais où va le monde ? » consacré aux ESSEC qui inventent les transports de demain. Pour accéder à l’intégralité des contenus de Reflets ESSEC Magazine, cliquer ici.
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