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Reflets #134 : Les États-Unis sur la ligne verte avec Anaïs Immas (E11) et Mathilde Godard (E17)

Interviews

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09/11/2020

Dans Reflets #134, Anaïs Immas (E11), Director Business Development chez EDF Renewables North America, et Mathilde Godard (E17), Solution Sales chez Engie North America, s’interrogent : le deuxième plus gros contributeur d’émissions de gaz à effet de serre au monde saura-t-il relever le défi climatique ? On vous met leur interview en accès libre… abonnez-vous pour lire les prochains numéros !

Reflets Magazine : Aujourd’hui, quelles sont les conséquences déjà visibles du dérèglement climatique aux États-Unis ? 

Mathilde Godard : Les États-Unis ont été frappés cet été par des événements climatiques sans précédent : ouragan Laura en Louisiane, tempête meurtrière dans l’Iowa, montée des eaux à New York, records de températures dans l’Ouest et le Sud avec 49°C enregistrés à Los Angeles … Et bien sûr, les incendies en Californie, qui ont détruit 18 000 km2 de forêts, soit une superficie supérieure à celle de l’Île-de-France. 

Anaïs Immas : C’est indéniablement une manifestation du changement climatique, l’augmentation des températures contribuant à la sécheresse des sols et de la végétation. Et les experts s’accordent à dire que la situation ne va aller qu’en s’empirant, avec des conséquences multiples : pollution atmosphérique, érosion des sols, mouvements de population… 

RM : Quelles ont été les principales évolutions de la politique environnementale américaine ces dernières années ?*

M. Godard : L’élection de Donald Trump a profondément changé la donne. Depuis 2016, l’exécutif a annulé de nombreuses règles et normes environnementales afin de favoriser les énergies fossiles et l’industrie lourde. Parmi les décisions les plus emblématiques : la levée des plafonds d’émissions de méthane pour les acteurs du pétrole et du gaz, la diminution des fonds versés à la recherche dans les énergies renouvelables et la baisse des taxes pour les entreprises exploitant des centrales au charbon. 

A. Immas : De fait, la politique environnementale se joue aujourd’hui surtout au niveau des villes et des États, qui pour beaucoup cherchent à compenser la sortie de l’Accord de Paris. Par exemple, la Californie vise la neutralité carbone d’ici 2045, et le Nouveau Mexique s’est engagé à réduire ses émissions de CO2 de 45 % d’ici 2030.

M. Godard : Ces mesures ne sont pas sans effet. Le nombre de mineurs a continué de baisser entre 2016 et 2019, et la part du charbon dans la production d’électricité a diminué de 22 %. Malheureusement, cela ne suffit pas, comme le montre la hausse continue des émissions de gaz à effet de serre sur les cinq dernières années.

RM : En parallèle, comment ont évolué les pratiques des entreprises américaines sur le plan environnemental ?
A. Immas : Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se mobiliser pour réduire leur empreinte carbone, à la fois pour des raisons d’image et de coût. Cela passe par le recours à des énergies renouvelables, l’électrification des véhicules, le contrôle de la chaîne d’approvisionnement, le soutien à des initiatives contre le changement climatique, ou encore du lobbying en faveur d’une taxation carbone. Cependant les plans d’action manquent de transparence ; on attend encore de voir la mise en œuvre et les impacts.

M. Godard : 40 % des entreprises du Fortune 500 n’ont toujours pas établi de feuille de route ni d’objectifs pour leur transition énergétique. Et celles qui s’engagent parlent principalement de verdir leur électricité. C’est insuffisant. Les défis environnementaux imposent de repenser les process industriels en remplaçant les équipements vieillissants, en contrôlant les consommations, en produisant l’énergie sur site et en la stockant… Toute la chaîne d’approvisionnement, de distribution et de commercialisation est également à revoir ; celle-ci représente en moyenne 80 % de l’empreinte carbone des entreprises.

RM : Quid de la population américaine ? Quelle est son opinion sur la transition écologique ?

A. Immas : La population américaine est très divisée sur le sujet. D’un côté, le climatoscepticisme a progressé depuis l’élection de Donald Trump, en particulier chez les Républicains. De l’autre, on assiste à une réelle prise de conscience : près de la moitié des Américains disent déjà souffrir du dérèglement climatique. Cependant les changements de comportement se heurtent à la réalité du territoire. L’utilisation de la voiture et de l’avion en particulier reste ancrée dans le mode de vie américain.

RM : Vous travaillez plus particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables. Où en est ce secteur aux États-Unis ? 

M. Godard : L’éolien a été multiplié par 10 en moins de quinze ans, le solaire a progressé d’autant en moins de huit ans. Et les perspectives de croissance sont exponentielles. Le gaz vert ou biométhane en est quant à lui toujours à ses débuts.

A. Immas : Les énergies renouvelables représentent déjà 18 % du mix énergétique du pays. Cela s’explique par leurs tarifs, qui sont aujourd’hui à parité voire moins élevés que ceux du gaz, du charbon et du nucléaire, ainsi que par la politique volontariste des États, 37 sur 50 ayant un mandat renouvelable ou des objectifs en la matière. Par exemple, New York a pour ambition d’atteindre 70 % de consommation d’électricité verte d’ici 2030. 

RM : Vous travaillez respectivement pour EDF et Engie. Quelle place les acteurs français de l’énergie ont-ils et peuvent-ils prendre aux États-Unis ?

A. Immas : Les acteurs français de l’énergie sont déjà solidement implantés aux États-Unis, en particulier les grands groupes comme EDF, Engie, Total, Veolia ou encore Suez. Ils sont bien positionnés pour gagner des parts de marché en réalisant des opérations de croissance interne ou en procédant à des acquisitions.

M. Godard : Plus largement, les acteurs européens apportent un savoir-faire reconnu dans le domaine des énergies renouvelables. Ils ont plusieurs années d’avance sur le plan technologique, avec une bonne maîtrise de l’éolien en mer, de l’énergie marémotrice, de la méthanisation, de la géothermie… 


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans le dossier « États-Unis : Fini de rêver ? » de Reflets #134. Pour recevoir les prochains numéros du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.


* Interview réalisée avant l'élection de Joe Biden et l'annonce de son souhait de réintégrer les Accords de Paris

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