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Jean-Michel Chalayer (C09), CEO LeSalon : « Il faut faire tout le contraire d’Uber »

Interviews

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11.27.2017

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Jean-Michel Chalayer (C09) a créé LeSalon, application de mise en relation avec des professionnels de beauté freelance. Il explique pourquoi la on-demand economy n’est pas nécessairement synonyme de précarisation, et comment trouver des modèles plus justes pour les travailleurs.

ESSEC Alumni : Que recouvre au juste la on-demand economy ?

Jean-Michel Chalayer : Il s’agit d’une nouvelle façon de connecter prestataires de services et clients. La technologie se substitue aux intermédiaires pour effectuer la mise en relation. Par exemple, avant, il fallait se rendre dans un salon pour accéder à des professionnels de la beauté ; aujourd’hui, avec une application comme LeSalon, on les sollicite directement, et on les fait venir chez soi.

EA : Quel est le business model d’une entreprise de la on-demand economy ?

J-M. Chalayer : Les plateformes se rémunèrent en prélevant une commission sur les transactions effectuées par son biais. Mais leur véritable moteur de croissance, c’est le développement technologique. Alors qu’un salon de beauté est restreint par les horaires d’ouvertures, le nombre de gens qu’il peut recruter et le nombre de clients qu’il peut accueillir, une plateforme comme LeSalon peut se développer de manière quasi illimitée grâce au digital, sans que ses coûts fixes augmentent. En revanche, ces derniers sont beaucoup plus élevés : la technologie, ça change tout le temps, il faut investir en flux tendu pour rester à la page. L’enjeu est donc d’atteindre la masse critique : pour un petit volume de clients, on ne trouve pas son équilibre, mais pour un gros volume, on dégage des marges autrement plus importantes.

EA : Certains reprochent aux acteurs de la on-demand economy de tirer leurs profits de l’exploitation des travailleurs… 

J-M. Chalayer : On accuse souvent la on-demand economy de créer un nouveau prolétariat. La réalité est plus nuancée. Nos esthéticiennes ne sont pas moins bien rémunérées : elles bénéficient même d’un taux horaire 2 à 3 fois plus élevé qu’en salon. En revanche, elles préfèrent généralement n’exercer qu’à mi-temps ; c’est précisément cette liberté qui les a attirées dans le statut d’indépendant. On n’assiste donc pas à une précarisation forcée, mais à une volonté de travailler différemment. Le seul et vrai problème, c’est qu’en faisant ce choix aujourd’hui, elles doivent renoncer à leur protection sociale. C’est sur ce point que le système doit changer.

EA : Alors comment faire pour mettre de la justice sociale dans la on-demand economy ?

J-M. Chalayer : Première piste : le revenu universel. Deuxième idée : demander aux entreprises de la on-demand economy de verser une contribution à la Sécurité sociale proportionnée au nombre de travailleurs indépendants qu’elle emploie. Troisième voie : donner aux indépendants le droit au chômage ; ils contribueraient tous les mois et se constitueraient ainsi une réserve dans laquelle piocher un mois par-ci, un mois par-là. Autant de possibilités qui sont étudiées en Europe et aux États-Unis, mais qui restent à l’état de friche.

EA : Ne peut-on compter que sur l’État pour responsabiliser la on-demand economy ?

J-M. Chalayer : Certaines entreprises prennent les devants. LeSalon en fait partie. Pour attirer les meilleurs talents, nous garantissons un revenu minimum, nous accompagnons l’entrée dans le statut d’indépendant, nous mettons un back-office à disposition pour les démarches administratives et nous proposons des formations. L’idée derrière tout ça, c’est de créer une communauté. De mettre de l’humain derrière la plateforme. En somme, de faire tout le contraire d’Uber.

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11)

 

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