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KILAFEE n°10 – Septembre 2022 : Anne Tassetto-Ducasse, l’homme complet

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Provence

09.14.2022

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Quand Anne m’a dit être sortie de l’Essec Grande Ecole en 85, j’ai pensé qu’on avait pu s’y rencontrer lors de sa première année. « Non, j’y étais seulement 2 ans, admise sur titre comme docteur en pharmacie ». « Pourquoi une école de commerce, alors ? » 

 

Anne avait tôt la vocation médicale, mais ne voulait être ni biologiste, ni dans une officine. Pas de médecin dans sa famille proche ; ils sont plutôt tous entrepreneurs, école de commerce. Alors elle vise l’industrie. Pour échapper à l’administratif règlementaire du pharmacien industriel, elle prolonge des études déjà longues avec du marketing. Projet professionnel sciemment construit…

 

A cette époque, nous, les garçons, nous devions d’abord nous débarrasser du service militaire. Elle, elle fait ses classes chez Servier. Pas tendre non plus ce laboratoire, à l’en croire, mais très formateur. Les plus futés des garçons, dont je ne fus pas, partaient à l’international, en coopération. Elle aussi goûte à l’appel du large, aux Etats-Unis, dans un secteur tellement symbole du futur que tous ceux qui rêvent aujourd’hui d’y débuter auront du mal à imaginer qu’il existait déjà en 85-86 : le capital-risque, spécialisé dans les Biotech. Elle écume le Midwest pour Agritech, filiale locale de notre Crédit Agricole national, qui défrichait là-bas. A dire vrai, elle ne m’a pas paru passionnée par les levées de fonds et cette finance qui fait rêver. Elle n’en fit pas son métier, mais elle se familiarise avec une espèce particulière : les entrepreneurs, sans savoir qu’elle coulait-là les fondations multiples de sa vie professionnelle d’aujourd’hui encore.

 

Elle est recrutée au siège d’un gros labo pharma à Chicago, comme « Strategic Planning Analyst ».

Je ne sais pas de quoi elle parle. Le plus près que je me suis approché de son univers, j’étais encore sur les bancs de l’école, je dévorais en VO « Strong Medicine » (*), le roman d’une industrie aussi compétitive que peu scrupuleuse, et de l’ascension d’une femme, avec ses valeurs à elle. Une sorte d’Erin Brokovitch du sérail. La photo de profil d’Anne me l’évoque aussi, cette Julia Roberts-là. Je garde tout ça pour moi, captivé par sa carrière. Je l’écoute plutôt, attentif et silencieux.

 

Ses responsabilités s’enchainent à un rythme effréné qui contraste avec la douceur détachée qu’elle met à la raconter. Seule française à l’horizon, la voilà propulsée dans une carrière internationale de dirigeante, dont elle poussera les feux jusqu’au tournant des années 2000. Elle enchaine Sanofi, L’Oréal, et d’autres, y compris comme DG, pour des médicaments éthiques (= « sur ordonnance » me précise-t-elle, avant que j’ai eu le temps d’exhiber mon ignorance) ou pour des produits de marques – Canderel, Dramamine, … - vendues OTC (**). Elle s’éclate dans le développement de nouveaux produits, ce pourquoi elle avait voulu apprendre le marketing.

 

Au tournant du siècle, 1999-2000, Anne tourne aussi. Un gros virage… le même que moi, au même moment, celui de l’entrepreneuriat. Elle, elle fonde une start-up web-marketing pour pousser du contenu science. Business Angel, je misais sur « Medical Performance », et « Intelligence Process » qui promettaient de faire du blé en fauchant ces mêmes platebandes. A la sortie, Anne est entrée chez Deloitte pour développer l’activité. A la sortie, je suis rentré chez moi, chez Op’n Dev Conseil, je veux dire. Doublement chez moi, puisque j’ai épousé mon associée.

 

En 2003, Anne prend un autre virage. Leucodystrophie, vous connaissez ? Une atteinte génétique grave qui touche le cerveau et la motricité de son 3ème enfant. Comment lutter ? Apprendre, comprendre, aimer, ne pas baisser les bras, jamais. Anne réussit un master II de psychologie et épaule son fils, pas seulement comme mère : désormais psychologue, elle fait ses stages professionnels en psychiatrie à La Salpetrière auprès d’enfants et ados, dont on comprend à l’écouter que leurs situations pouvaient aisément être pire que celle de son petit. 

 

L’inconvénient, à interviewer une psychologue, c’est qu’elle se tait pour pouvoir écouter. Au début, j’ai presque dû y aller au forceps, pour la faire parler d’elle. Elle ne me dit rien de ses loisirs, randonnées, courses à la voile sur vieux gréements, ni n’évoque spontanément surf, funboard, ski, kitesurf, tennis, golf, jogging, autant de sports qu’elle avouera pratiquer avec assiduité. Quand elle a lâché qu’elle a été volleyeuse en division Nationale, elle illustrait le parallèle sportif de haut niveau / entrepreneur : la prise de risque, le courage, la détermination, de ténacité du quotidien. Pas pour parler d’elle. Pourtant, ce n’est pas par hasard que son 3ème est maintenant en Master à l’ESCP, quand ses 2 sœurs ainées ont pointé à l’ESSEC et à HEC… Et un, et deux, et trois, dit-on depuis un certain match.

 

Anne serait-elle une taiseuse ? Est-ce pour cela qu’elle s’exprime à travers les chansons (à textes) qu’elle écrit et dont elle compose les musiques, entre jazz et électro-pop. On lui fera volontiers une scène, non ?

 

La santé est le parent pauvre de notre généreuse fiscalité… Aucune chance d’obtenir un poste de psychologue hospitalier. Mais son bagage, loin d’être impédimenta, lui ouvre le marché des coachs pour membres de CoDir de gros, vraiment gros, groupes : Executive Coach, c’est sa spécialité la plus légitime, car elle a une offre unique née sur un vécu fertile et d’une réflexion professionnelle approfondie, pas seulement sur les comportements appropriés aux questions de politique. 

 

Elle est aussi thérapeute, auprès d’enfants, de couples, de situations complexes et difficiles. Cela, et son fils, lui a fait toucher du doigt qu’un « dirigeant » n’est pas qu’un homme en complet, pas qu’un rôle. Il est complètement un homme. Ou une femme, évidemment - l’écriture inclusive me hérisse évidemment, permettez-moi la licence poétique de l’unisexe. D’ailleurs Anne a monté des programmes de mentorat pour les femmes managers.

 

Comme manager, j’étais attentif à ne pas à me mêler des affaires perso de mes collaborateurs, les épaulant avec une attention discrète et lointaine. Anne prend le contrepied de ce que je pratiquais. Pour elle, il n’y a pas deux vies que l’individu pourrait dissocier. Les questions personnelles impactent l’efficacité. « Ils doivent maîtriser leurs composantes émotionnelles - le stress, la motivation, le doute - pour rester dans le flow. Les dirigeants exactement comme les sportifs de haut niveau, ou les jeunes créateurs ». 

 

« Jeunes ? »… « Ce n’est pas une question d’âge, mais de posture ! Ils relèvent les défis de la planète, au lieu de se poser en victimes de l’héritage… Nous leur apportons la puissance de la préparation mentale et une approche holistique du coaching, complet ». « Nous ? » … « J’ai rejoint, cette semaine, MAINPACES, un cabinet qui développe cette vision auprès des entrepreneurs » 

 

Yves Martin-Laval (E83)

depuis La Ciotat, pour KILAFEE ESSEC Alumni Provence

 

(*) “Strong medicine”, Arthur Haley, 1982, Doubleday publishing. (Je ne suis pas sûr que cela ait le moindre rapport avec la série US du même nom).

(**) Je me traduis in petto = « Où Tu Casques », sachant que les médocs éthiques sont remboursés, eux 😊.

 

 

Anne TASSETTO-DUCASSE (E85), anne.ducasse2@gmail.com - 06 43 43 48 27. 

Anne Tassetto (@anne_dcs_singer) • Photos et vidéos Instagram

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