Kilafée N°8 -juillet 2022 : Adam DJOULDEM, Génération Durable
06.26.2022
Je me disais, voilà un portrait que je me demande pourquoi je l’ai proposé. Le gars a une double formation ingénieur ENSEIRB en Systèmes Electroniques Embarqués et Master Essec. C’est sûr que ça fait bien sur le papier. Mais à 28 ans, qu’aura-t-il déjà fait qui vaille la peine de raconter ? Il a une copine et ils vont bien ensemble. Il n’est pas encore marié. Il n’a pas créé son entreprise, non plus, il a un CDI. Le garçon est lisse, poli mais lisse, je vous dis. Les gens heureux n’ont pas d’histoires… Que raconter ? Pas de chance, que voulez-vous que je vous dise…
Nous, pas de chance ? Ce jeune homme est Poly- (je ne dis pas ça pour sa belle). Polyglotte, car sa maman lui a facilité la pratique des deux langues, castillan et catalan, à quoi s’ajoutent l’anglais et le français, que lui a appris son père. Poly-techniques, comme l’Institut de Bordeaux (INP), auquel est rattachée l’ENSEIRB, née « École de Radiotélégraphie de Bordeaux » vers 1920.
Lui aussi reconnait sa chance : « Faire des études supérieures, c’est pas standard ; Un apprentissage payé par une boite, c’est pas standard ; pouvoir se projeter à dix ans, envisager un MBA, ça non plus, c’est pas standard. » Lumineux de reconnaissance filiale : « Mes parents ont bien fait de m’encourager, j’ai des amis qui regrettent d’avoir quitté trop tôt l’école ».
Il réfléchit bien, on s’enrichit à son contact. Un pédagogue manifestement. L’hérédité ? Sa mère directrice de lycée était professeur d’Espagnol avant ; son père maître de conférences en Sciences Politiques, l’a nourri d’une forte conscience d’un certain devoir d’explicitation des enjeux, et d’engagement. Nous y reviendrons. Se revendique-t-il ce talent de pédagogue ? Ce qui est sûr c’est qu’il aime la pédagogie, et la pédagogue « Mon amie est dentiste, elle a exercé 4 ans en cabinet, en parallèle des cours qu’elle donnait. Réalisant qu’elle adore enseigner, la vocation, elle a repris des études pour devenir prof de dentaire ». Une mutation qu’à l’évidence il admire.
Un talent qu’il possède. J’ai testé pour vous. C’est sa motivation professionnelle. « Faire la synthèse de plusieurs sujets, rendre intelligibles des choses complexes ». Après 3 ans en apprentissage, chez ST Microélectronics Grenoble, à une thèse, spécialisation dans sa voie d’origine, il a préféré la diversité, un master en « Gestion des achats et Supply Chain ». Il poursuit donc, 6 mois entre l’ESSEC, et IBM aux « achats de prestations intellectuelles », puis 6 mois, IBM encore, sur des applications qui m’intriguent… Pensez-vous, le premier titre de mon premier thriller c’était « Bitcoin Blockchain, Sombre Infrastructure ». Invendable (*)
« La Blockchain, en Grande Distribution, par exemple [il me cite l’enseigne cliente], au dos des boites d’œufs, ils ont un QRCODE qui pointe sur une blockchain »… « Quel intérêt ? »… Après la pomme de Newton, la pomme d’Adam : « Ils sont aussi dans le business de la data. Toi, tu vérifies la traçabilité de tes œufs, et eux, ça leur facilite le profilage, pardon, la segmentation ».
D’un lapsus, nous avons basculé dans la 3ème dimension, sa vie professionnelle d’aujourd’hui. Cybersecurity, Threat intelligence, … » dit son Linkedin. Il est chez Airbus Helicopters – (60% du C.A. dans le militaire). J’entraperçois la cyberguerre, l’Ukraine, comment est-il arrivé là ?
« Moi, plutôt que cyberguerre, je m’occupe des risques, particulièrement l’exfiltration de données ». Peut-être que dire « le vol », pour des hélicos, c’était pas clair ? me dis-je in petto. Il était Assistant RSSI [Resp.de la Sécurité des Systèmes d’Informations]. « J’aime bien le terme d’assistant : j’aide à comprendre et à préparer les décisions structurantes pour le SI, je dois être au courant de tous les sujets globaux, y compris les attaques. » De chez CapGemini. Airbus l’a CDIsé Officier de Sécurité de l’Entreprise Etendue, ce maillage informatique de toutes les interconnexions avec leur myriade de sous-traitants. Chaque point de liaison, chaque échange est une faille potentielle. « Il faut apprendre sans arrêt, si tu crois que tu sais, tu as perdu ».
« Ah ? » (Que voulez-vous que je dise de plus, je découvre !). « Le cybercriminel, ça fonctionne comme les voleurs du monde physique. Ne crois pas qu’ils entrent dès qu’ils voient une porte ouverte. Ils font d’abord de la reconnaissance : observer mamie et son caddy, madame et son jogging, combien durent leurs absences, pour estimer combien de temps ils auront. »
« Et ? » (Vous avez vu, je fais des progrès dans mes dialogues). « On les observe. On analyse la Cyber Kill Chain, les étapes préalables obligées de toute attaque, on repère les signaux faibles, comme tu dirais la voiture garée inhabituellement, les mégots au pied d’un arbre, et on met en place les contre-mesures pour les empêcher de se servir »… « De quoi ? » … « Pour des boites comme nous, les hackers ne visent pas tant les rançongiciels que l’exfiltration de la Propriété Intellectuelle, accéder à des savoirs exclusifs, qu’ils revendent à des Etats, à des concurrents. »
Un gars aussi curieux ne peut pas faire que ça, n’est-ce pas ? « Et dans la vie, tu fais quoi ? » … Oui, il a plusieurs autres facettes, brillantes aussi … « On est dans une belle région, des sites d’exception... Alors on sort entre potes, on sait qu’on est à une étape charnière de nos vies : les mariages se suivent au fil des étés, les bébés arrivent, on discute aussi de choses importantes ».
« Comme ? » (Aha ! mes questions de relance… mon psy fait des hmm). « Il y a deux problèmes qui me tiennent à cœur. L’illectronisme, j’ai envisagé une asso, pour l’éducation numérique – savoir se servir d’un ordi, pas seulement scroller les réseaux sociaux sur son smartphone, puis j’ai trouvé Emmaus Connect. L’autre, c’est l’Environnement, là, j’ai fait un an de militantisme… » … « Mais ? » … « Je suis très pessimiste ; chacun a son agenda personnel… on va droit dans le mur. Ce n’est pas un problème conjoncturel, c’est structurel, il faut donc une solution collective »…
Cet Adam est un de ces charbons sous pression tellurique, en train de devenir un diamant de la plus belle eau. Il est parti pour m’expliquer. Je l’arrête. Diamonds last forever (*). Il est de la Génération Durable. Nous en aurons bien besoin. Je vois bien ce qu’il veut dire. Il nous faut un changement copernicien sur les priorités. Vous savez, Mesdames, le partage des tâches, la charge mentale de la responsabilité. Comme dit mon épouse à ses copines : « Ne dis pas ‘mon mari est bien, il m’aide pour la vaisselle, la lessive, le ménage…’ : s’il ne fait qu’aider, c’est qu’il est à côté du problème, il n’a qu’à aller habiter une autre planète, s’il en trouve une ».
Gageons qu’il trouvera la sienne, d’épouse 😊
Pas de planète, ça, il n’y en a pas… nous n’en avions qu’une, il serait temps de le comprendre.
Yves Martin-Laval (E83)
depuis La Ciotat, pour KILAFEE ESSEC Alumni Provence
(*) rebaptisé finalement « Bitcoin Infrastructure, Sombre Déflagration » pour la 1ère édition, puis « Bitcoin Déflagration », pour les 2ème et 3ème tirages (2018) – c’est long d’écrire court 😊.
Adam DJOULDEM (M18) vous retrouve le 30 juin à La COQUE. Et vous invite à soutenir à votre manière
Emmaus Connect : https://emmaus-connect.org
Emmaus Connect (Marseille): https://emmaus-connect.org/marseille/
Présentation BFM TV : https://www.bfmtv.com/marseille/videos/emmaus-connect-a-la-belle-de-mai-un-lieu-pour-aider-les-plus-modestes-a-acceder-au-numerique_VN-202110050299.html
Adam DJOULDEM, Adam.djouldem@protonmail.com
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