Le conseil lecture de Sébastien Henry (E94) : The Triple Bottom Line
Tous les mois, Sébastien Henry (E94), spécialisé dans l’accompagnement de dirigeants souhaitant concilier performance et quête de sens, recommande aux lecteurs d’ESSEC Alumni un ouvrage sur le rôle du business dans la lutte conte la pauvreté et pour la protection de l’environnement. Aujourd’hui : The Triple Bottom Line, par Andrew W. Savitz (pas de traduction française).
Ce livre, qui s’adresse essentiellement à des dirigeants et managers, est une des références sur le thème de la triple performance, ou triple bottom line en anglais.
Le terme bottom line évoque la dernière ligne d’un compte d’exploitation. Traditionnellement, les dirigeants d’entreprise ont tendance à se focaliser sur cette ligne, puisqu’elle indique s’ils ont pu dégager ou non un profit. Les partisans de la triple performance soutiennent que bien que cette attention soit parfaitement justifiée, la contribution sociale et environnementale d’une entreprise doit avoir le même niveau de priorité afin de rendre son entreprise durable. Cette approche est parfois résumée par la formule suivante : « Le profit, les hommes, la planète » (en anglais, les 3P : « Profit, People, Planet »).
Le livre se scinde en deux parties : « L’exigence de durabilité », qui explicite le concept de triple performance, et une partie plus concrète intitulée « Comment rendre son entreprise durable ? ».
Tout d’abord, les auteurs encouragent leurs lecteurs à mener leur propre évaluation : quelle est aujourd’hui la contribution sociale et environnementale de leur entreprise ? Quel degré de durabilité présente-t-elle ? Leurs produits ou services sont-ils eux-mêmes durables ?
Ensuite, ils affirment avec force que se pencher sur l’impact social et environnemental d’une entreprise ne devrait pas être considéré comme une distraction par rapport aux objectifs de l’entreprise, ni comme une corvée. Cela devrait aussi être clairement distingué de la philanthropie (faire des dons et continuer son activité sans rien changer en profondeur).
Au contraire, les dirigeants doivent rechercher la zone où la recherche du profit se combine harmonieusement avec la poursuite du bien commun, zone que les auteurs appellent le « sustainability sweet spot ».
Cette recherche du sweet spot peut potentiellement conduire à :
- de nouveaux produits et services
- de nouveaux process
- de nouveaux marchés
- de nouveaux modèles de business
Potentiellement, tous les services de l’entreprise peuvent être impliqués (R&D, informatique, ventes, RH etc.).
Évidemment, trouver le sweet spot ne se fait pas si facilement. Cela doit faire l’objet d’une recherche déterminée, idéalement au plus haut niveau (bien qu’il soit toujours recommandé de commencer avec le top management, les auteurs présentent tout de même des cas où le management intermédiaire a été à l’initiative d’un changement profond).
Les auteurs sont réalistes et conviennent qu’il y a aussi des cas où le sweet spot s’avère difficile à trouver – par exemple lorsqu’un effort de durabilité s’accompagne dans un premier temps de coûts supplémentaires ou conduit à des incohérences, comme dans le cas des supermarchés Wal-Mart qui annoncent créer de la valeur sociale avec des prix bas mais qui compriment les salaires et benefits de leurs employés.
C’est précisément dans ces situations qu’il devient crucial d’identifier des stakeholders (parties prenantes) non financiers dans l’activité de l’entreprise (des ONG par exemple) et d’engager avec eux un dialogue au lieu de les combattre. Ces stakeholders, grâce à leur regard décalé, peuvent en effet aider à la recherche du sweet spot (les auteurs donnent ici plusieurs exemples intéressants).
Au delà du dialogue, il s’agit même d’essayer impliquer ces stakeholders dans les activités de l’entreprise. Par exemple chaque unité opérationnelle de Shell doit aujourd’hui, selon les auteurs, créer et mettre en place un plan pour associer les stakeholders à leur activité.
Il y a aussi dans ce livre un chapitre important qui répond aux discours des « cyniques » (il n’y a pas assez d’entreprises qui s’engagent, la plupart des actions ne sont que de la com’, par conséquent les gouvernements devraient imposer des régulations plus strictes plutôt que d’attendre que les entreprises initient le changement) et des « sceptiques » (le concept même de durabilité appliqué à l’entreprise est erroné, les dirigeants ne devraient pas s’attacher à apporter une contribution à la société car c’est la poursuite même du profit par chaque entreprise qui sert le mieux la société).
Ce livre présente de nombreux exemples (tirées de Grande-Bretagne et des États-Unis) et est suffisamment concret pour apporter une valeur immédiate aux dirigeants et managers qui le liront. On peut y trouver une véritable inspiration.
The Triple Bottom Line, How Today's Best Run Companies Are Achieving Economic, Social and Environmental Success and How You Can Too
Andrew W. Savitz
Éd. John Wiley & Sons
352 pages
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Découvrez le précédent conseil lecture de Sébastien Henry ici.
Illustration : www.essecalumni.com
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