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Reflets Mag #156 | Cécile Moroni Engevik (E08) : Drôle de dame

Interviews

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04.14.2025

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Reflets Mag #156 met sous les projecteurs Cécile Moroni Engevik (E08) qui compte aujourd’hui parmi les humoristes les plus en vue de Norvège. Pourtant, elle est née en France et elle travaillait encore en entreprise il y a deux ans… Découvrez son portrait en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

« À 8 ans, j’écrivais déjà des sketches et des spectacles pour mes marionnettes. Ça devait être bien pourri ! » Il n’empêche. Par la suite, Cécile Moroni Engevik ne lâche pas sa passion. « Pendant l’ESSEC, j’ai rejoint Comedia, l’association de théâtre, et j’ai lancé Les Impro’visibles avec Guillaume Villon de Benveniste (E07). » Et, à la sortie de l’école, elle intègre le Cours Florent à Paris. « J’ai fait ma Tanguy, je suis retournée vivre chez mes parents. J’hésitais encore entre une carrière en entreprise et une carrière artistique. » Elle adore l’expérience. « J’ai rencontré des gens dont je n’aurais jamais croisé le chemin ailleurs. Et, bien sûr, j’ai appris le jeu, la scène, le rapport au public… Le travail du texte aussi, particulièrement de la littérature contemporaine. »

Changement de décor

Pourtant, au bout d’un an, Cécile Moroni Engevik tire le rideau et bifurque vers le conseil en stratégie, d’abord chez Bain puis chez Roland Berger. « Je ne l’ai jamais regretté. J’ai acquis une crédibilité et des compétences en gestion de problèmes complexes qui m’ont servi par la suite. » Notamment quand elle décide de s’installer en Norvège auprès de son futur mari. « J’ai décroché mon premier poste là-bas avant même de partir. » 

Le changement n’en reste pas moins significatif. « J’ai vécu un vrai culture clash, pour ne pas dire crash. D’abord, je n’aime pas beaucoup la neige. Ensuite, les Scandinaves ont le cœur chaud mais la main froide : ils mettent du temps à vous ouvrir leur porte. Sachant qu’ils passent la moitié de l’année chez eux à cause de la météo… C’est pour ça qu’ils ont des beaux meubles ! »

Cependant elle a l’habitude du dépaysement. « Lors de mes études, j’ai effectué un échange avec l’université de Mannheim, et les différences entre l’Allemagne et la France étaient telles – par exemple, lorsque vous cherchez un emploi, les recruteurs peuvent vous refuser un entretien si vous avez eu des mauvaises notes en cours – que j’en ai fait l’objet de mon mémoire. »

Elle s’adapte donc à Oslo, prenant la présidence du Chapter Norvège d’ESSEC Alumni et gravissant les échelons en marketing chez Carlsberg puis Nespresso. « Je suis passée de l’univers de la bière pour l’apéro au monde du café avec George Clooney. »

Rentrée en scène

En parallèle, Cécile Moroni Engevik renoue avec le stand-up. « Faire des blagues dans une langue étrangère auprès d’un public dont on ne partage pas les références constitue un sacré défi. Au début, je me suis pris des bides. » Elle se dote d’un co-auteur, prend le pli de tester ses idées avec des proches français et norvégiens. « J’ai pu constater qu’ils ne réagissaient pas aux mêmes passages. Mais au moins, ils riaient. »

Ce qui ne constitue d’abord qu’un loisir se mue bientôt en activité à part entière. « La véritable bascule a eu lieu après un passage à la télévision nationale. Je me suis mise à remplir de grandes salles, à me produire en dehors de la capitale, à remporter des récompenses : Stå opp Prisen, Trophée des Français de l'étranger… » De quoi se lancer à temps plein dans l’aventure. « Je me donnais six mois pour essayer. Deux ans plus tard, j’en vis. »

Elle alterne entre son propre spectacle Allo Norge!, un show en duo avec sa comparse Pernille Haaland intitulé Norway for Beginners, et des collaborations ponctuelles avec d’autres figures du milieu. « Je peux aussi bien traiter de politique, en me moquant des gens qui détiennent le pouvoir, que du quotidien, en tournant en dérision la parentalité et le comportement parfois étrange des enfants. Dans tous les cas, je m’efforce de rester bon esprit. »

Et, bien sûr, elle s’amuse des disparités entre la Norvège et la France. « J’ai même publié un livre sur la question, Where Babies Sleep Outside: Raising Children in Norway. Le titre évoque une spécificité locale : on laisse son bébé dormir dehors dans une poussette même par – 10 °C ! » Dans la même veine, elle anime aussi le podcast Hvorfor Norge? où elle invite des personnes qui ont réussi leur intégration en Norvège. « J’assume de jouer à fond la carte de l’expatriée : quand je partage une vidéo avec un bon vieux béret sur la tête, le post cartonne. »

Car elle assure également une présence sur Instagram, TikTok et même LinkedIn. « Il faut des followers pour rassurer les salles sur notre capacité à attirer des spectateurs. » L’exercice n’a pourtant rien à voir. « Pour atteindre le ton juste, j’ai ranimé la consultante en moi : j’ai analysé le temps d’attention moyen sur chaque plateforme et j’ai ajusté mes blagues en conséquence. »

Une « déformation professionnelle » qui transparaît aussi dans sa méthode d’écriture. « Je rédige tout sur Excel ! Simplement parce que ça me permet de compter les mots entre chaque punchline. Or l’art du stand-up consiste à réduire au maximum l’énoncé qui mène à la chute. Un principe qu’illustre cette citation hyper efficace de Wanda Sykes : "If you voted Trump and you came to my show, you fucked up twice". Deux vannes en une phrase ! » 

De l’open mic à l’open space

Cécile Moroni Engevik n’a pas totalement coupé avec son passé de manager. « Je suis régulièrement sollicitée pour des interventions dans des événements corporate. » Souvent, on lui demande de commenter la vie de l’entreprise avec humour. « Je passe du temps au siège pour comprendre l’activité et m’imprégner de l’ambiance. Et à la cantine : les menus donnent toujours matière à plaisanter. »

Mais elle peut prendre la parole sur des enjeux plus sérieux. « J’ai élaboré une conférence sur les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion. Et je développe des contenus autour de l’égalité femmes-hommes – j’ai d’ailleurs récemment participé à un TEDx autour des dirigeantes d’origine étrangère en Norvège. Je pense qu’il est utile d’aborder ces thématiques sous un angle drôle. Non pas que je prenne le sujet à la légère : les acquis dans ce domaine sont insuffisants et fragiles, l’actualité le rappelle. Mais parce que le rire aide à réfléchir. » 

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

Paru dans Reflets Mag #156. Voir le numéro exceptionnellement en accès libreRecevoir les prochains numéros.

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