Philippe Bloch (E82), auteur de Startup Academy : « Jamais l’esprit d’entreprise n’a été aussi présent en France »
Des milliers de conférences, des centaines d’émissions radio et télé, une dizaine de best-sellers, trois entreprises créées dont l’emblématique Columbus Café… Philippe Bloch (E82) enchaîne les succès. Rencontre à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Startup Academy.
ESSEC Alumni : Comment devient-on un auteur spécialiste de l’entrepreneuriat ?
Philippe Bloch : Pour parler d’entrepreneuriat, la seule légitimité qui existe est… d’entreprendre ou d’avoir entrepris ! À l’exception de trois années passées en tant que salarié au magazine L’Expansion en tant qu’éditeur dans la foulée de ma coopération à New York, je n’ai jamais fait autre chose que de créer des entreprises et d’en accompagner ou d’y investir, de PBRH Conseil à Service News, en passant par Columbus Café et Ventana Group, et aujourd’hui plusieurs start-up.
Quant à la légitimité d’auteur, elle s’acquiert ou grandit en même temps que le nombre de vos lecteurs ! J’ai eu la chance que mon premier livre Service compris (éd. Jean-Claude Lattès-L’Expansion-Hachette) publié en 1986 se vende à 500 000 exemplaires, ce qui est aussi rare que difficile à dépasser ensuite…
Par ailleurs, dix années de chroniques mensuelles au magazine L’Entreprise et quatorze années d’émission radio et télé hebdomadaires sur BFM Business renforcent forcément votre visibilité.
EA : Quelles leçons avez-vous retenu de vos années à la tête de Columbus Café, qui ont nourri vos livres sur l’entrepreneuriat ?
P. Bloch : Parce qu’elle a été la plus excitante et la plus difficile de toutes, l’aventure Columbus Café a clairement été la plus intense de mes aventures. Démarrée en 1994 avec l’ambition de créer avant l’arrivée de Starbucks la première chaîne française d’Espresso Bars (ce qu’elle est d’ailleurs devenue depuis), elle a commencé par un échec et la fermeture de nos deux premiers points de vente à Paris et Lille. Heureusement, le rêve, le projet, la persévérance et l’équipe que nous avions su constituer ont eu raison de nos erreurs initiales, et ce qui s’appelle aujourd’hui un pivot nous a permis de rebondir et de recommencer à grandir quelques années plus tard. J’ai d’ailleurs pris la plume pour raconter notre histoire et les leçons que j’en ai tirées dans un livre intitulé Bienheureux les fêlés…, sous-titré « Tout le monde peut créer son entreprise ». J’y insiste sur la nécessité pour l’entrepreneur d’avoir une vision, de ne jamais abandonner, de privilégier les valeurs plutôt que les process, de savoir importer les problèmes et exporter l’enthousiasme, d’être passionné (la passion n’a jamais fatigué personne, alors que l’ennui use n’importe qui), de penser autrement (« out of the box ») et de ne jamais oublier que l’argent ne donne aucun talent. Quand on n’a plus d’argent, l’imagination reprend toujours le pouvoir.
EA : Vous vous intéressez à l’entrepreneuriat français depuis une vingtaine d’années. Quelles ont été les principales évolutions auxquelles vous ayez assisté ?
P. Bloch : La situation a évidemment évolué dans le bon sens ! Jamais l’esprit d’entreprise n’a été aussi présent en France, des grandes écoles aux banlieues les plus difficiles. Sur 300 alumni dans ma promotion, je ne suis pas certain que l’on puisse trouver plus de dix entrepreneurs. À mon époque, les meilleurs choisissaient la finance ou le marketing, et l’entrepreneuriat était quasiment absent de notre cursus scolaire et de notre apprentissage. Rien de tel aujourd’hui, où l’entrepreneuriat est devenu la voie royale dans toutes les écoles, y compris d’ingénieurs. Acceptation du risque, recherche de sens, envie de liberté, multiplication des icônes qui donnent envie, digitalisation, tout concourt à ce que nous ne soyons qu’au début d’un mouvement qui est en train de modifier durablement notre pays.
EA : En l’occurrence, quel état des lieux dressez-vous avec le livre Startup Academy ?
P. Bloch : Objet de tous les fantasmes à travers le monde à mesure que ses acteurs révolutionnent notre quotidien, le phénomène start-up fascine autant qu’il inquiète. Aucun secteur d’activité n’échappe plus aux audaces et aux attaques de ces nouveaux entrepreneurs, semant parfois un vent de panique dans la « vieille économie » et provoquant d’innombrables remises en cause au sein des états-majors. Aucune organisation, façon de faire ou recette ne peut plus être considérée comme définitive. Tout peut et doit être remis en question régulièrement, même et surtout quand cela commence à bien fonctionner. Si aucune entreprise ne se pose plus désormais la question du « pourquoi » accélérer sa transformation digitale (« disruptez ou soyez disrupté ! »), toutes s’interrogent sur le « quoi » accélérer, et plus encore sur le « comment » y parvenir. Parce que j’en accompagne depuis longtemps et que j’en ai reçu des centaines sur BFM Business, j’ai tenté dans ce livre d’identifier et de comprendre les clés à reproduire par quiconque souhaite s’inspirer du meilleur des start-up pour rester dans la course à l’innovation et à l’agilité dans un monde incertain où tout s’accélère.
EA : Et quelles évolutions anticipez-vous dans les années à venir ?
P. Bloch : La mort de toutes les entreprises qui n’auront pas compris qu’aucune d’entre elles ne fera le même métier de la même façon dans cinq ans, dans le même environnement concurrentiel, avec les mêmes outils et les mêmes compétences. Toutes les entreprises sont devenues mortelles, et il est urgent de comprendre que c’est quand ça va bien qu’il faut changer. Que mieux vaut réparer sa toiture quand il fait beau. Que changer un peu fait mal, mais que changer beaucoup ne fait pas beaucoup plus mal. Qu’il est temps de mettre le client au cœur, de devenir data-driven, d’apprendre à faire plus avec moins, de travailler « avec » et non plus « contre », d’échouer souvent… mais vite, et surtout de transformer chacun de nos collaborateurs en intrapreneur !
EA : Vous avez également écrit des ouvrages de développement personnel – Ne me dites plus jamais bon courage ! et Tout va mal… Je vais bien ! Pourquoi ces « pas de côté » ?
P. Bloch : Quand j’ai publié Ne me dites plus jamais bon courage ! en 2013, je m’étonnais que la France soit aussi déprimée sans aucune raison. J’ai parfois l’impression que nous n’aimons pas notre présent, que nous sommes angoissés par notre avenir et que nous nous réfugions dans notre passé. Persuadé que notre langage crée de la contagion émotionnelle, et ne supportant plus que l’on me souhaite bon courage en guise de bonne journée dix fois par jour, j’ai décidé de publier un lexique anti-déprime à usage immédiat des Français pour dénoncer l’usage d’expressions insupportables telles que « c’était mieux avant », « on a toujours fait comme ça », « vivement la retraite », « ça ne marchera jamais », « ça va comme un lundi », sans compter l’utilisation permanente de l’adjectif « petit » en toutes occasions. Le livre a très bien marché, et du coup j’ai enfoncé le clou avec Tout va mal… Je vais bien ! Après les phrases à la con, les comportements à la con !
EA : Êtes-vous en contact avec vos lecteurs ? Savez-vous quel impact vos livres ont sur eux ?
P. Bloch : Bien sûr, en permanence ! Vive les réseaux sociaux ! À l’époque de Service compris, contacter un auteur relevait de l’exploit. Rien de plus facile aujourd’hui, et je l’encourage bien évidemment, en indiquant mes coordonnées dans tous mes livres. Par ailleurs, 3 500 conférences en trente ans réunissant près d’un million de personnes vous permettent de mesurer l’impact de vos messages… Et je vous l’avoue humblement, cela fait un plaisir fou à chaque fois.
EA : L’ESSEC vous a-t-elle aidé dans votre parcours ? Comment ?
P. Bloch : Absolument – en m’aidant à révéler mes deux passions, l’entrepreneuriat et la communication ! N’est-il pas symbolique que j’ai privilégié la Présidence de Junior ESSEC et celle des Mardis de l’ESSEC aux cours de finance ou de marketing ?
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11), responsable des contenus ESSEC Alumni
En savoir plus :
www.philippebloch.com
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