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Jean-Claude Charlet (E89), co-fondateur de Schoolab : « Nous voulons diffuser la culture de l’entrepreneuriat et de la collaboration dans toutes les strates de la population »

Interviews

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10.07.2019

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Jean-Claude Charlet (E89), a co-fondé Schoolab, studio d’innovation qui forme des étudiants, accélère des startups, et aide des grands groupes à se transformer. Un dispositif unique au monde, pour lequel il a levé 10 M € début 2019, auprès de Raise, Bpifrance et plus de 30 business angels privés de haut niveau. 

ESSEC Alumni : Comment est né Schoolab ?

Jean-Claude Charlet : L’idée m’est venue il y a 15 ans, durant mes études à Stanford. Je suis rentré en France avec l’envie de développer une approche transverse et décloisonnée de l’innovation, comme je l’avais vu faire dans la Silicon Valley. J’ai commencé avec la création du programme CPI (Création d’un Produit Innovant), en partenariat avec l’ESSEC, Centrale Paris et Strate École de Design. Le principe : chaque année, des élèves issus des trois écoles constituent des équipes transdisciplinaires et développent de nouveaux produits ou services pour de grands groupes. C’est ce qui a donné le modèle de Schoolab.

EA : Aujourd’hui, que propose Schoolab ? 

J.-C. Charlet : Nous sommes les pionniers du design thinking et le premier programme d’open innovation en France. Nos activités s’articulent autour de plusieurs métiers : former les collaborateurs d’une entreprise à l’innovation ; créer de nouveaux services et de nouvelles offres ; développer des lieux d’innovation au sein de grands groupes (déjà plus 10 000 m2 chez KPMG, L’Oréal, Sanofi, etc.) ; proposer des outils pour gérer des écosystèmes d’innovation et des projets collaboratifs ; enfin, accompagner les entreprises dans leur démarche d’innovation.

EA : Où vos activités se déploient-elles ?

J.-C. Charlet : Nous animons une communauté de 600 résidents – étudiants, entrepreneurs en phase de lancement, cadres de grands groupes en plateaux d’innovation – dans 2 lieux en propre de 2000 m2 à Paris (Sentier et Saint-Lazare) ainsi qu'à San Francisco, où nous sommes nés et où nous venons d'ouvrir un tout nouvel espace (qui est aussi là pour accueillir tous les alumni !), et plus récemment au Vietnam.

EA : Votre offre a-t-elle évolué depuis le lancement ? 

J.-C. Charlet : Nous n’arrêtons pas de remettre les choses en questions. À nos débuts, nous faisions beaucoup de pédagogie, car personne ne connaissait l’open innovation ni le design thinking. Une fois ce cap franchi, nous avons accompagné une deuxième vague, celle de l’intrapreneuriat. Et depuis quelques temps, nous parlons beaucoup de transformation des organisations sur le plan RH : il ne suffit plus d’avoir des idées innovantes, il faut emporter l’entreprise avec soi.

EA : Quel type de projet accompagnez-vous ? 

J.-C. Charlet : Côté grand groupe, nous hébergeons par exemple le laboratoire d’innovation du Groupe La Poste, avec 50 collaborateurs résidents dans nos locaux. Nous les avons notamment aidés à équiper les 100 000 postiers français de smartphones, ce qui leur permet de déployer de nouveaux services et donc de réinventer leur métier. Ou encore, nous accueillons en résidents les équipes de Google France, avec lesquelles nous collaborons pour designer des programmes de transformation digitale des entreprises.

EA : Et côté start-up ? 

J.-C. Charlet : Je citerais en particulier notre programme Le Bridge, co-créé avec UC Berkeley, et grâce auquel 50 étudiants d’Europe et d’Amérique Latine partent chaque année pendant 4 mois à Berkeley pour lancer un projet entrepreneurial, puis se font accélérer ensuite pendant 6 mois à Schoolab San Francisco ou Schoolab Paris. Un dispositif qui a permis de nombreux succès – comme celui de Doctrine ou de Tempow. Le partenariat prévoit un quota de recrutement au sein de la filière Entrepreneurs de l’ESSEC, ainsi qu’un système d’équivalence avec les UVEP et UVEI de l’école. 

En outre, nous nous apprêtons à lancer Le Bridge Exec, ouvert aux salariés et intrapreneurs de grands groupes. Le principe sera le même, mais dans un format allégé et court, avec une phase de démarrage puis d’atterrissage à Paris, et une phase d’accélération à San Francisco.

EA : De nombreux ESSEC sont déjà passés par vos programmes : Vincent Nallatamby (E16) avec TempowPierre-Emmanuel Saint-Esprit (E17) avec HelloZackHector Balas (E17) avec Impala… Les alumni occupent-ils une place de choix chez Schoolab ? 

J.-C. Charlet : On pourrait également citer Anne Roos-Weil (E08), qui a monté une association pour la détection des maladies infantiles en Afrique subsaharienne dans le cadre du programme CPI, ainsi que tous les alumni exerçant dans l’équipe de Schoolab. Le fait est que les ESSEC sont nombreux à nous confier leurs projets – et que nous finissons pas en embaucher certains… C’est un cercle vertueux.

EA : Vous avez récemment ouvert un deuxième lieu à Paris. A-t-il la même vocation que le premier? 

J.-C. Charlet : Le positionnement est tourné vers des projets plus matures, et vers deux secteurs en particulier : la Tech for Good – nous hébergeons notamment Live for Good pour les aider à accélérer leur projets à impact positif – et la Deep Tech – nous développons ainsi une offre de mise en relation entre acteurs de la recherche et acteurs du marché avec Hello Tomorrow.

EA : Vous avez également lancé une filiale à San Francisco. Dans quel but ?

J.-C. Charlet : Là-bas, nous travaillons sur deux tendances qui nous paraissent fortes : la « purpose driven innovation » et la « data driven innovation » – les deux étant liées. Car la data, en promettant d’impacter l’ensemble des métiers, des activités et de la société, pose beaucoup de problèmes d’éthique. Tout le monde se demande quel sens donner aux innovations d’aujourd’hui, à l’heure où la technologie paraît autant un levier qu’une menace. Nous voulons participer au débat.

EA : Prévoyez-vous d’ouvrir d’autres filiales dans d’autres pays ? 

J.-C. Charlet : Absolument. Car notre vision est forcément globale : tous les membres de notre écosystème voyagent dans le monde entier, et la transdisciplinarité implique une dimension pluriethnique, pour l’inspiration comme pour le réseau. Nous avons déjà opéré des missions en Israël, en Afrique du Sud, à Madagascar, Hanoi ou encore Singapour, dans le cadre de voyages d’études avec de grands groupes et de missions d’accélération sur des projets internationaux. Et nous avons prévu d’ouvrir un Schoolab à Madrid d’ici 2021.

EA : Comment comptez-vous soutenir ce développement ? 

J.-C. Charlet : Nous avons levé 10 millions € fin 2018 auprès d’un pool de 38 figures de l’économie – patrons de grands groupes et d’agences de conseil, experts du monde académique, entrepreneurs à succès – qui ont envie de s’impliquer personnellement, pas seulement financièrement. Cet argent va nous permettre de consolider l’équipe et de solidifier nos bases, prérequis pour accélérer notre croissance à l’étranger comme en France : nous visons également l’inauguration de nouveaux lieux à Paris, Caen et Bordeaux dans les années à venir.

EA : Quelle est votre vision pour l’avenir de l’innovation ?

J.-C. Charlet : Notre vision, c’est que la Silicon Valley reste certes le centre du monde de l’innovation, mais que ce n’est pas une fatalité d’y rester ; il faut juste être accompagné au retour pour en tirer le meilleur parti. La Silicon Valley est une sorte de poumon où l’on va s’oxygéner, et dont on peut revenir avec des graines pour les faire pousser sur les terres françaises.


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

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