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Emmanuel Dubreuil (E91) : « La gestion des risques connaît une révolution permanente »

Interviews

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08.25.2020

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Dans Reflets #132, Emmanuel Dubreuil (E91), directeur des cessions en réassurance du Groupe Covéa, dresse un panorama de la gestion des risques et de l’actuariat, métier dans lequel il évolue depuis près de 20 ans. On vous met son interview en accès libre… cliquez ici pour lire le reste du numéro !

ESSEC Alumni : C’est dans les années 1990 que les premiers postes de gestionnaires des risques ont été créés dans les entreprises. Quelles ont été les principales évolutions du métier depuis ? 

Emmanuel Dubreuil : La gestion des risques a connu une forme de révolution permanente depuis les années 1990. D’un rôle de précaution et de prévention, les gestionnaires ont dû embrasser un point de vue holistique de l’ensemble des risques pouvant affecter l’activité d’une entreprise : risques opérationnels, risques financiers, risques techniques… Par ailleurs les outils de suivi et de pilotage ont connu des évolutions majeures, permettant par exemple de travailler sur la base de simulations et non plus de scénarios. Enfin, la réglementation a accompagné le mouvement, en encadrant les pratiques en la matière.

EA : Aujourd’hui, quels sont les principaux types de risques auxquels sont exposées les entreprises ? 

E. Dubreuil : Au-delà des risques « classiques » apparaissent aujourd’hui de nouveaux enjeux pour les entreprises : les risques cyber, les risques sanitaires, les risques de réputation ou encore les risques liés à la gestion de la chaîne logistique – récemment illustrés avec les conséquences de la pandémie du COVID-19… Ces nouveaux défis présentent tous la caractéristique d’être globaux et interconnectés, ce qui les rend particulièrement complexes à résoudre. 

EA : Et quels seront les risques de demain ?

E. Dubreuil : Si le risque climatique est dans toutes les têtes, d’autres risques viennent à l’esprit : nanotechnologies, OGM… Il ne faut pas négliger non plus la perte d’exploitation sans dommage et les ruptures indirectes de chaîne d’approvisionnement, comme l’a montré l’impact des inondations en Thaïlande en 2011 sur l’ensemble de l’industrie électronique. Autre problématique émergente, celle du « protection gap » : l’écart se creuse en effet entre les dommages économiques lors des catastrophes naturelles ou technologiques, et les dommages réellement assurés.

EA : Face à ces évolutions, comment se structure l’activité de gestion des risques ? 

E. Dubreuil : Difficile de répondre simplement, tant l’« Enterprise Risk Management », ou ERM, est devenu un enjeu majeur et transversal. Chaque industrie, chaque secteur ou entreprise a une approche différente, influée par l’histoire, par l’activité ou par la réglementation locale ou internationale. 

EA : Quels sont les principaux outils de l’ERM ?

E. Dubreuil : Là encore, ils sont multiples et propres à chaque domaine. D’abord ont émergé de nouveaux outils de simulation permettant de modéliser un nombre considérable de scénarios stochastiques, puis des outils de data analytics, et enfin des outils de visualisation et de data mining. Sans oublier les outils d’« Enterprise Resource Planning » et les technologies de workflow, qui ont largement contribué à la cartographie des processus, à la mise en place de contrôles et in fine à la réduction des risques opérationnels ou financiers.

EA : La gestion des risques nécessite-t-elle une approche globale ou locale ? 

E. Dubreuil : Au risque d’énoncer une évidence, le curseur doit être habilement positionné entre le global et le local. Une approche trop globale risque d’être perçue comme trop orientée sur le contrôle et donc trop coercitive ; une approche trop locale perdra de vue les possibles et multiples interactions entre les activités de l’entreprise et les différents risques. La gestion des risques nécessite à la fois un pilotage central et rigoureux, et des relais locaux et opérationnels dans les entités visées.

EA : Le métier d’actuaire est au cœur de la gestion des risques des entreprises. En quoi consiste-t-il ?

E. Dubreuil : On a coutume de définir les actuaires comme des professionnels de la modélisation, de l'évaluation et de la gestion des risques sous les aspects économiques, assurantiels, financiers et sociaux.

EA : Sur quels types de risques les actuaires travaillent-ils ?

E. Dubreuil : À l’origine, les actuaires étaient surtout présents dans la couverture des risques biométriques (liés à la durée de vie humaine), assurantiels ou financiers. Désormais on trouve des actuaires dans des domaines aussi variés que l’énergie, le climat ou la médecine. 

EA : L’expertise de l’actuaire est-elle purement quantitative et statistique ? Ou faut-il des compétences plus larges ?

E. Dubreuil : Si les actuaires restent avant tout des spécialistes en science appliquée, leurs compétences n’ont jamais cessé de s’élargir ; et dans la mesure où l’environnement des entreprises se complexifie, ce mouvement est appelé à s’accélérer. L’actuariat intègre désormais les sujets d’intelligence artificielle, de macroéconomie, voire de géopolitique…

EA : Quelles sont les profils recherchés dans l’actuariat ? 

E. Dubreuil : Il est aujourd’hui essentiel pour un actuaire de comprendre les enjeux globaux d’une entreprise ; aussi au-delà d’un solide cursus scientifique, une double formation s’avère un avantage certain. L’actuaire de demain devra évoluer dans un contexte incluant des enjeux d’informatique, de finance, de comptabilité, de réglementation, au-delà des purs sujets de métier.

EA : En définitive, les entreprises évoluent-elles dans un environnement plus risqué aujourd’hui qu’hier ? 

E. Dubreuil : S’il est tentant de répondre oui à la question, prenons un instant pour nous rappeler des armateurs des grandes expéditions maritimes du XVème siècle, ou des constructeurs de gratte-ciels au XIXème siècle, ou même des ingénieurs de la NASA en 1969… !


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets #132. Pour recevoir les prochains numéros du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.

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