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Adrien Sperry (E12) : « Travailler dans une entreprise adaptée, c’est faire du management de proximité »

Interviews

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02.03.2020

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Après 4 ans à l’Ambassade de France à Alger, Adrien Sperry (E12) a intégré l’ENA. Dans le cadre de son cursus, il a intégré pour quelques mois Amploi, entreprise du milieu social et solidaire en plein développement. Une expérience qui l’a marqué. 

ESSEC Alumni : Amploi est une « entreprise adaptée ». De quoi s’agit-il ? 

Adrien Sperry : Les entreprises adaptées sont issues de la loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » du 11 février 2005, qui a opéré une refonte du secteur anciennement dit « protégé ». Elles sont agréées localement par l’administration de l’État en région. L’agrément ouvre droit pour l’entreprise à une « subvention salariale » pour chaque personne en situation de handicap employée.

Les entreprises adaptées doivent en contrepartie compter un seuil minimum de salariés reconnus travailleurs handicapés (55 % depuis la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018).

EA : Quelle différence avec les Établissements et Services d'Aide par le Travail (ESAT) ?

A. Sperry : Les entreprises adaptées relèvent de l’économie marchande et leurs salariés du droit du travail, à la différence des ESAT, structures médico-sociales dont les collaborateurs n’ont pas le statut d'employé salarié.

EA : Quelles sont les activités d’Amploi ?

A. Sperry : Amploi a été créée en 2011 sous la forme d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Implantée en Ile-de-France et dans l’Oise, son activité demeure guidée par sa finalité sociale, à savoir l’insertion sur le marché du travail de personnes en situation de handicap. Elle propose dans ce cadre une gamme de services aux entreprises (gestion électronique documentaire, gestion administrative des visites médicales, service de conciergerie) et offre en parallèle à ses employés un dispositif de formation et de développement de compétences.

EA : Quels sont les profils des personnes en situation de handicap qu’Amploi recrute ?

A. Sperry : Tous les profils. La pluralité des formes de handicap est d’ailleurs un sujet. La société française entretient une image du handicap avant tout moteur et sensoriel. On constate, et c’est heureux, une amélioration substantielle de la prise en compte de ces situations dans l’espace public depuis deux décennies. Il existe toutefois d’autres formes de handicap, moins perceptibles, mais impliquant une proportion au moins aussi importante de la population.

EA : À quelles formes de handicap faites-vous référence ?

A. Sperry : La loi du 11 février 2005 mentionne « l’altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions […] mentales, cognitives ou psychiques ». Sur cet enjeu, les avancées ont été plus limitées. Il est pourtant vraisemblable que l’insertion sociale et professionnelle emporte des effets thérapeutiques positifs sur ces catégories de handicap, qui ont longtemps été regroupées sous le seul qualificatif réducteur d’« handicap mental ».

EA : Comment se passe la mise en relation entre les clients d’Amploi et ses salariés handicapés ? 

A. Sperry : Amploi s’est donné pour objectif, dès sa création, de délivrer un niveau de service de qualité équivalente aux standards du marché « classique ». L’entreprise s’inscrit ainsi dans une démarche d’innovation, notamment technologique. Elle a dans ce cadre développé une plateforme collaborative à destination des directions des ressources humaines pour la gestion des visites médicales obligatoires en entreprise. La solution informatique, Vigiscope, suit à ce jour plus de 25 000 salariés rattachés à près de 250 services de santé au travail. Mais l’enjeu principal reste managérial. Le défi est de bâtir, de proche en proche, un environnement de confiance. Une confiance du client à l’endroit de la direction générale et des équipes d’Amploi, supposant in fine une confiance réciproque entre Amploi et ses salariés.

EA : Comment bâtir cette relation de confiance ? 

A. Sperry : La gestion des ressources humaines et plus largement les process managériaux de l’entreprise sont, eux aussi, « adaptés ».  Chaque employé est suivi de façon individuelle. Ses expériences antérieures, ses difficultés personnelles et ses aspirations professionnelles sont prises en compte dans la construction de son parcours et dans ses interactions quotidiennes avec sa hiérarchie. En résumé, nous avons là un bel exemple de management de proximité.

EA : Que tirez-vous de votre expérience au sein d’Amploi ?

A. Sperry : Il s’est agi pour moi d’une rencontre concrète avec la problématique du handicap. J’en tire un ensemble de constats sur la politique d’insertion professionnelle des personnes handicapées. Beaucoup est fait, mais l’enjeu principal reste celui de la perception, qui nous engage tous en qualité de citoyen. Or nous regardons encore aujourd’hui le handicap comme une altération, plutôt qu’une altérité.


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

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