Table Ronde ~ « Le Slow Travel, mode post covid, ou tendance durable du tourisme d’aujourd’hui »
06.19.2023
Comment le voyage s’est transformé, est-ce une tendance profonde ou un simple effet de mode post-confinement, quelles sont les nouvelles offres ?
Le panel :
- Linda LAINE, Rédactrice en Chef de L’Echo Touristique
- Valérie DARMAILLACQ, Directrice de la Performance Environnementale & du Développement Durable, SNCF Voyageurs
- Éric BALIAN, Directeur Général, Terre d’Aventures
- Jérôme FAUCHEUR DE BATTISTI (E98), Président, Intermèdes, le voyage culturel
Modérateurs : Ines Delacour, Jonathan Raimbault en partenariat avec ESSEC transition
La définition du Slow Travel par Linda : c’est un Tourisme alternatif, voyage plus lent plus respectueux, où l’on se déplace en train ou en mode de transport alternatif respectueux de l’environnement (source : ministère de l’Environnement).
Si l’on se réfère à l’IA et Chat GPT, c’est un type de tourisme responsable plus lent qui privilégie les modes de transport lents, bas carbone, sans avion, de proximité, avec une consommation plus locale.
Pour Valérie (SNCF), c’est une réappropriation du temps, vivre un moment plus qu’un lieu. Adapter sa consommation avec un aspect éco-responsable. Sur le transport, c’est se poser la question de l’impact du mode choisi. Tous les déplacements en train ne sont pas nécessairement « slow » (exemple : le déplacement en Transilien ne peut pas être qualifié de slow, alors que le train de nuit l’est, …)
Jérôme, n’est pas fan du terme slow travel, en revanche il le définit par opposition au fast travel. Par exemple, le slow tourisme n’est pas la consommation d’un voyage comme un week-end à NY en partant de Paris. C’est Retrouver du sens dans le voyage et les lieux que l’on visite. Le Voyage culturel s’inscrit dans cette démarche. Pas forcément toujours dans une démarche écologique.
Éric, quant à lui le définit par opposition à la rapidité qui nous entoure et le besoin de ralentir, en opposition à l’instagramisation, à la liste des choses à faire / visiter absolument. Il faut vivre l’expérience par la simplicité. En anecdote, Un cuisinier marocain a dit à Éric un jour : « En France vous avez l’heure, ici au Maroc, on a le temps. »
Après COVID, est-ce que les choses ont changé ?
Les marques présentent qui incarnent bien le slow travel ne sont pas si jeune ! la SNCF a 90 ans, Terre d’aventure a 50 ans.
Bien sûr il y a de nouvelles offres qui émergent avec des comportements qui évoluent. Le COVID à développer le Tourisme de proximité (par la contrainte)
Des marques lancent des alternatives éco-responsables et développent des offres basées sur le train plus que l’avion. Des parcs d’attractions offrent des hébergements insolites et décarboné.
En parallèle, l’aérien repart, les destinations traditionnelles se remplissent à nouveau. Est-ce que ça a vraiment changé ?
Pour vous y a-t-il un changement post COVID ?
Pour Éric de Terre d’Aventures, pas de nouvelles offres car depuis 50 ans nous sommes dans le slow travel. 35% des clients prennent le train pour se déplacer.
Jérôme, chez Intermèdes, précise : nous avons axé nos produits sur le patrimonial, le culturel, le COVID nous a obligé à nous recentrer sur l’Europe. Mais l’Europe concentre énormément de richesses à découvrir. Le panier moyen est en diminution du fait de la baisse des long-courriers et les randonnées sont reparties le plus vite. Nous faisons peu de voyages en France, et sur l’Europe certaines destinations sont compliquées en train. A titre d’exemple, aller voir un spectacle a la scala de milan. C’est trop long en train pour être acceptable par le consommateur et pas très « slow »
La pression des jeunes générations (petit-enfants vs leur grands parents) font progressivement les habitudes.
Valérie, à la SNCF, nous essayons d’élargir notre offre post COVID. Nous avons vu un gros changement après le COVID, avec le « Revenge travel » beaucoup de rattrapage en train sur la France. Par ailleurs, beaucoup plus d’entreprises sont sensibles à leur empreinte carbone. Il y a une volonté de questionner toutes ses consommations, y compris le voyage.
Comme ses voisins Européens, la SNCF est face à des contraintes de manque de matériel, pas assez de TGV. Pour compenser, l’entreprise remet en marche les trains de nuits, et rénove d’anciens matériels.
Les études consommateurs indiquent une part croissante des clients souhaitent des offres décarbonées, plus lentes, plus respectueuses de l’environnement. Toutefois, à l’heure des choix, d’autres critères prennent le pas sur l’acte d’achat. Le Prix reste un élément important. Il y a encore un écart entre la désirabilité et les choix qui sont réellement fait.
Linda explique pour illustrer que Misterfly a mis en place un moteur de calcul d’émission de carbone mais qu’ils ont constaté un impact encore très mineur dans le changement du comportement d’achat. FINALEMENT le prix reste le facteur décisif. A prix égal, le consommateur accepte de changer. Si l’écart est trop important, cela ne passe plus.
Pour les intervenants, Le choix entre le train et l’avion est balayé si l’écart de prix est défavorable au train. Le Yield, les problèmes de capacités et les différences de taxations en sont souvent la cause.
Autre exemple, chez Lufthansa 78% des gens aimeraient des options éco-responsables mais personne n’est prêt à payer le surcoût au moment du choix.
Le coût du slow tourisme pour Éric, n’est pas forcément qu’économique mais est aussi un coût personnel de changement de ses habitudes de consommation.
L’envers du décor du slow tourisme. Est-ce un effet de mode ?
Pour Jérôme, c’est une tendance de fond mais attention beaucoup d’entreprises sont dans le « green washing ». Il est vrai que les entreprises du voyage sont prises en tenailles entre l’augmentation des coûts, les pertes et les PGE du COVID. Rajouter des coûts supplémentaires pour compenser l’impact carbone est difficile à mettre en place en l’imposant aux clients. Il a choisi de donner priorité au redémarrage de sa boite même si ses convictions sont profondément ancrées dans la responsabilité sociétale et environnementale de l’entreprise.
Pour Éric, c’est également une tendance de fond et complète le propos en précisant qu’il y a un vrai besoin pérenne de contre poids face à l’accélération de la vie.
Tous sont d’accord pour dire que les réseaux sociaux et notamment Instagram, exacerbent cette tendance de surtourisme qui pèse lourd sur certains sites touristiques. La mise en place de quotas a été plutôt bien acceptés sur beaucoup de sites. A titre d’exemple, la Sagrada Familia le pratique depuis longtemps. Il y a une volonté de mieux gérer les flux.
Le tourisme de demain, ce n’est pas faire ce que les clients veulent mais faire ce dont les destinations ont besoin.
Si l’on regarde l’expérience vécu à Amsterdam lors de l’expo Vermeer. Pendant 6 mois, cela a été un calvaire pour les habitants avec des flux touristiques trop importants et mal anticipés.
Terre d’aventure a décidé il y a 10 ans d’arrêter l’ascension de l’Himalaya. Les acteurs du voyage ont une responsabilité envers les destinations et sites touristiques.
Slow travel et écologie
A quand la décarbonation ? Jérôme, chez Intermède, a pour objectif de le mettre en place en 3 ans. L’impact économique du COVID a été énorme 75% - 80% ou plus de perte de CA pour les entreprises du secteur. Heureusement, L’état est intervenu massivement. La transition écologique est forcément impactée.
Tous les panelistes reconnaissent toutefois que l’ambition est là, l’état a un objectif de faire de la France un leader du Tourisme responsable à horizon 2030. Un plan d’aides aux entreprises pour décarboner est à l’étude, mais le financement est difficile à mettre en œuvre après le quoiqu’il en coûte qui fut nécessaire à la survie de notre industrie pendant le COVID.
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