En partenariat avec le Service Carrière d’ESSEC Alumni, des chasseurs de tête vous informent sur les rouages et les actualités du marché du recrutement, pour vous aider dans votre parcours professionnel. Aujourd’hui, Claire Brizzi (E02), principal chez Boyden Suisse, explique les bonnes pratiques à adopter quand on sollicite un chasseur de tête.
On le sait tous, les candidats entretiennent une relation amour/haine avec les chasseurs. Tantôt ce sont des accélérateurs de carrière, des partenaires clés, ceux qui soignent la confiance et l’ego des candidats (le nombre de leurs sollicitations donnant le pouls de l’attractivité au marché), tantôt ils cristallisent toutes les tensions, objections, frustrations de la part de candidats à une évolution professionnelle qui font sans doute peser des attentes disproportionnées sur leurs épaules.
Comment remettre de la mesure dans cette relation ? Certainement en précisant le cadre de la mission des cabinets de recrutement.
Leur métier, rappelons-le, est d’obtenir des mandats auprès des sociétés clientes puis de sourcer le candidat idoine... En d’autres termes, le cabinet de chasse n’est pas le bureau de placement dont rêveraient (et sûrement à tort) quelques candidats. Un candidat qui contactera le chasseur sur son terrain sectoriel et dans une démarche de partenariat trouvera forcément une oreille attentive.
Une relation de partenariat
Le chasseur doit être perçu pour ce qu’il est, c’est-à-dire une ressource, parmi d’autres (offres d’emploi, coaching, outplacement, réseau...), à disposition du candidat pour booster sa mobilité. Une relation de bonne intelligence suppose d’abord d’adresser des candidatures qualifiées à l’associé identifié comme le spécialiste de son secteur et de sa fonction. Attention au « carpet bombing », aux listes de diffusion impersonnelles et non ciblées qui, en dénotant une insuffisante préparation de la prise de contact, disqualifient le candidat plus qu’elles ne le promeuvent.
Le candidat doit travailler son offre dans l’idée d’un marketing de niche, soigner sa signature, sa motivation et ses facteurs différenciants. Éviter à tout prix le « je pourrai faire n’importe quoi » qui risque surtout d’envoyer votre candidature dans le dossier « n’importe quoi » du chasseur.
C’est la qualité de cette entrée en matière, son style et sa rondeur, qui adresseront les bons messages d’ouverture et permettront d’être reçu dans l’entretien qu’on appelle « exploratoire » (hors mandat).
Réseau et chasseur : sortir des schémas classiques
Il est bien sûr adroit de faire du réseau auprès des chasseurs, à condition de mobiliser les codes de l’exercice : un échange collaboratif, professionnel et respectueux des parties prenantes.
Mobiliser, si on l’a, une recommandation, et surtout viser dans cet échange une relation gagnant-gagnant. L’idée peut être de proposer sans détour une rencontre sur un partage d’informations et de contacts de votre organisation récente. Exemple : « Je réfléchis à ma prochaine étape sans échéance urgente, cela m’intéresserait d’échanger avec vous. De votre côté, cela vous intéressera peut-être d’avoir des informations récentes sur nos enjeux, nos projets actuels, et d’être en relation avec un key stakeholder de l’organisation ».
Le candidat inverse le jeu de la relation classique par une proposition de valeur qui ouvre des opportunités de développement au chasseur, lui permettant d’approcher une entreprise en sachant vraiment si c’est un bon partenaire. Mais surtout, cette approche ouvre une discussion souple, détendue et moins stéréotypée « candidature ». Car, à la faveur de cet échange sur ces projets, le candidat va incidemment décrire de quelle manière il y a contribué, décrire son état d’esprit. Une position qui permet de diffuser des informations non seulement sur une expertise, mais aussi sur ses soft skills, créer le fit sur cet intangible de la relation.
Fit culturel et feeling relationnel
Les expertises et techniques d’une fonction, aussi solides soient-elles, ne sont pas forcément transposables d’une organisation à une autre. Un très bon parcours construit dans des structures en forte croissance ne sera pas toujours compatible avec une organisation à process très construits, par exemple. Gérer de manière intelligente la relation avec le chasseur est un bon indicateur du savoir-être du candidat, de sa culture sectorielle et de sa manière de gérer cette intelligence relationnelle dans toutes les déclinaisons de son management des parties prenantes. Or, ce qui fait finalement la différence entre deux dirigeants, c’est précisément la perception par le chasseur de la capacité du candidat à gérer l’intangible des relations complexes.
Pour un entretien réussi
Quel que soit le déclencheur de l’entretien, il faut le préparer, savoir répondre à la question portant sur la prochaine étape et décrire précisément où le candidat se projette. Montrer qu’il a compris son marché en visant des entreprises cibles.
Une relation à long terme
Côté candidat, à un certain niveau de séniorité, le nombre d’interlocuteurs sur une zone à la fois géographique et sectorielle donnée est limité. Il en est de même, côté chasseur, sur son « talent pool » et, d’évidence, chacune des parties a un intérêt mutuel à construire sur le long terme une relation soignée sur un marché très compétitif et fragmenté. Fonctionner avec éthique et soigner les candidats qui sont nos premières références sont bien sûr notre priorité.
Propos recueillis par Solveig Debray Sandelin.
1. Adresser une candidature à une personne, l’associé spécialiste de votre fonction dans un secteur donné vs. Envoyer un dossier par une mailing list impersonnelle à tous les cabinets du marché
2. Proposer une offre de service précise et motivée vs. Demander un job générique non qualifié
3. Accueillir le feedback du chasseur et savoir le décoder de manière réflexive vs. Exiger de manière comminatoire un retour, l’objecter et laisser une empreinte de colère et d’agressivité
4. Proposer un échange « marché-centré » sur les enjeux d’une organisation du secteur vs. Vouloir un entretien « auto-centré » sur le candidat
Titulaire d’un PhD, Claire Brizzi (E02) est principal chez Boyden Suisse et membre actif de la global practice consumer & retail. Après 15 ans d’expérience en multinationales (LVMH, Richemont, Nokia-Vertu) et 4 ans en start-up et sur un projet entrepreneurial, elle rejoint Boyden en 2015 et inscrit ses missions – en Suisse et à l’international hors France – en grande consommation et luxe, sur des fonctions marketing, digital, ventes et RH.
Illustration : Claire Brizzi
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