Et si vous laissiez vos collaborateurs prendre l’initiative ?
Les dirigeants laissent rarement le champ à leurs salariés de prendre des initiatives. Konica Minolta France a décidé de prendre une autre voie. Un exemple à suivre ? Le regard de Francis Boyer, spécialiste de l'innovation managériale et fondateur de Dynesens.
Fortement impacté par l’émergence des nouvelles technologies, le top management de Konica Minolta France s’est engagé il y a quelques années dans une stratégie d’évolution de son business model pour se concentrer sur une offre d’accompagnement des entreprises dans leur transformation numérique et digitale.
Convaincue que ceux qui sont au plus proches des clients sont les mieux placés pour identifier de nouvelles façons d’agir, la direction générale a encouragé ses 220 managers à proposer des initiatives d’évolution et d’amélioration de son business model et de son organisation.
Mais il ne suffit pas d’exhorter tous les collaborateurs à prendre des initiatives pour qu’ils deviennent force de proposition, surtout lorsque beaucoup d’entre eux ont été habitués pendant des années à se conformer aux ordres. Les dirigeants ont beau se montrer sincères et authentiques dans leurs déclarations, c’est loin d’être suffisant pour changer la culture.
Le pouvoir de transformer
Chez Konica Minolta, l’encouragement de tous les salariés à prendre des initiatives a été formalisé par le biais d’une carte intitulée « Le pouvoir de transformer ».
Ce document symbolise l’autorisation qu’accorde la direction à tous les collaborateurs de contribuer de manière autonome à transformer l’entreprise et clarifie le cadre de cette autonomie. Signée du Président, elle mentionne au recto le sens que donne l’entreprise à cette démarche, ainsi que le rappel de la raison d’être et des 6 valeurs de l’entreprise ; et au verso les 4 critères d’autorisation de libre initiative, formulés sous forme de questions :
- Est-ce une bonne chose pour Konica Minolta ?
- Cela apporte-t-il une valeur ajoutée à notre client ?
- Est-ce légal et éthique ?
- Êtes-vous prêt à le partager avec la communauté des collaborateurs de Konica Minolta ?
Si le collaborateur répond par l’affirmative à chacune des questions, il est alors autorisé à agir sans demander d’accord hiérarchique préalable.
Un cadre libérateur
Soit l’idée de création de valeur ne requiert pas de moyens spécifiques, soit sa concrétisation nécessite l’obtention de ressources. Dans le premier cas, comme par exemple la création d’un fichier Excel comprenant tous les codes relatifs à des bugs, le collaborateur dispose de toute latitude d’action.
Dans le cas où l’idée requiert des moyens, financiers ou autres, le collaborateur peut solliciter un service ad-hoc pour lui exposer son projet de manière à tenter d’obtenir ce dont il a besoin. Tel fut le cas lorsqu’un collaborateur a bénéficié du soutien du siège pour financer un système de reconnaissance vocale intitulé « Eva » facilitant l’accès physique à un site pour les publics mal ou non-voyants.
Les initiatives n’ont aucun cadre prédéfini et sont de nature très variée : amélioration opérationnelle, évolution de l’offre de service…
De la mise en œuvre à la prise en main
L’appropriation de cette démarche s’est faite via l’organisation de forums dans toute la France pendant lesquels une équipe composée de membres du Comex, de la direction de la stratégie et de la direction des ressources humaines est allée à la rencontre des managers et des collaborateurs pour :
- rappeler la stratégie de transformation ;
- remettre à chaque salarié une carte « Le pouvoir de transformer » et les inviter à réfléchir sur les modalités d’utilisation de la carte à leur niveau (qui se traduit par l’élaboration d’un book spécifique à leur région) ;
- impulser des premières initiatives via l’animation d’ateliers. Cette étape a permis de mettre en pratique la démarche et de répondre à toutes les questions que se posaient les salariés.
Parce que ce type de démarche peut vite tomber dans l’oubli, l’entreprise a également organisé des « Transform’ café » pendant lesquels sont présentés quelques actions concrètes issues d’initiatives ainsi que des témoignages de salariés.
Konica Minolta organise en outre un concours annuel d’initiatives de transformation dans le but de valoriser les actions issues de cette démarche, composé de plusieurs étapes :
- La direction générale lance un appel à candidature.
- Le collaborateur candidate en présentant l’initiative qu’il a mise en place.
- La direction de la stratégie et la direction des ressources humaines se réunissent afin de sélectionner les pratiques qui peuvent être soumises au vote ; elles s’assurent que l’initiative a bien été mise en œuvre et évaluent s’il s’agit vraiment d’une action de transformation.
- Les collaborateurs découvrent les actions et votent pour celle de leur choix ; tout le monde est invité à voter, y compris les membres du Comex, sachant que le vote d’un membre du Comex a la même valeur que celui d’un collaborateur.
- En fonction des votes obtenus, une dizaine d’actions de transformation sont valorisées et présentées lors de la convention annuelle nationale.
En 2018, 44 initiatives ont été soumises au vote de plus de 600 collaborateurs et 9 gagnants ont été choisis.
Enfin, les initiatives sont mises en avant dans le journal interne au sein d’une rubrique intitulée « Transform’news ».
Les bénéfices de l'autonomie
L’autorisation et l’encouragement à prendre des initiatives sans accord hiérarchique contribuent à l’évolution progressive de la culture et des comportements. Le lâcher prise et le laisser faire que cette démarche sous-tend de la part du management a amené l’entreprise à faire évoluer sa culture managériale vers plus de bienveillance et de soutien.
L’autonomie laissée aux collaborateurs est, non seulement un signe fort de la confiance que l’entreprise leur accorde, mais a aussi permis de faire émerger plus d’idées qu’auparavant.
La liberté dont disposent à présent les collaborateurs en matière de création de nouvelles façons d’agir a renforcé l’engagement, la responsabilité, l’autonomisation mais aussi la collaboration car de nombreuses idées nécessitent d’être partagées entre collègues.
La soumission de l’initiative au cadre de référence défini dans la carte (la raison d’être, les valeurs et les 4 questions) permet d’offrir une totale autonomie et de responsabiliser les collaborateurs sur le bien-fondé et la valeur ajoutée de la proposition dès son expression.
La visibilité des initiatives a pour effet de booster les idées et de renforcer le sentiment d’appartenance et de reconnaissance mutuelle.
La carte « Le pouvoir de transformer » a fait de Konica Minolta l’un des « meilleurs employeurs 2019 », label attribué par le magazine Capital. Nul doute que cette reconnaissance renforce l’attractivité des jeunes générations en quête d’autonomie et de contribution à la création de nouvelles valeurs.
En savoir plus :
www.innovationmanageriale.com
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