Geoffroy Didier (E00), député européen et vice-président Île-de-France : « Pour s’engager, il faut être libre ! »
Geoffroy Didier (E00), député européen et vice-président Île-de-France, fait la couverture de Reflets #126. Il raconte son parcours exemplaire entre États-Unis – Columbia, Harvard, cabinet Skadden Arps Slate Meagher & Flom à New York – et France – ESSEC, Sciences Po, cabinets Veil-Jourde puis Carbonnier Lamaze Rasle à Paris – ainsi que sa deuxième vie en politique, à partir de l’élection de Nicolas Sarkozy. On vous offre quelques extraits de son interview… Abonnez-vous pour lire le reste !
ESSEC Alumni : Vous affirmez que pour s’engager dans la chose publique, il faut être plus formé qu’avant. De quelle manière ?
Geoffroy Didier : La politique a besoin d’hommes et de femmes charpentés. Je n’ai jamais milité durant ma jeunesse parce que je sentais qu’il fallait se structurer avant de s’engager. Plutôt que de coller des affiches et d’assister aux meetings, j’ai fait le choix d’un parcours académique relativement long, puis d’exercer un métier afin d’être libre statutairement, psychologiquement, financièrement, par rapport à un système politique dont le maître mot est l’aléa. Pour s’engager, il faut être libre !
EA : Est-ce qu’il était vraiment nécessaire de faire l’ESSEC ?
G. Didier : Oui ! J’ai, d’ailleurs, choisi de ne candidater qu’à l’ESSEC tant l’état d’esprit de l’école, de par sa tradition humaniste, correspondait à mes attentes. Pour devenir un responsable politique, c’est une force d’avoir reçu une formation complète en macroéconomie, finance, comptabilité et droit. Comment peut-on gérer l’économie sans connaître le monde de l’entreprise ? Il n’y a qu’en France que de telles évidences restent des combats politiques.
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EA : Cela vous sert d’avoir fait l’ESSEC et d’être avocat, pour vos missions d’aménagement du territoire ?
G. Didier : La région Île-de-France, dont je suis le vice-président, pèse un poids colossal. Avec 12 millions d’habitants et en représentant un tiers de l’économie du pays, elle est la première région d’Europe et est aussi puissante économiquement que la Suède. Surtout, c’est une région qui gagne chaque année 60 000 nouveaux habitants, qui devront se loger et trouver un emploi. Chargé plus spécifiquement du logement aux côtés de la présidente Valérie Pécresse, je mets en œuvre une politique d’aide à la construction de nouveaux logements, notamment sociaux, en diversifiant l’offre pour tenter de répondre aux besoins très différents des Franciliens. Si nous finançons, par exemple, du logement intermédiaire, nous avons aussi décidé de stopper le financement de logements très sociaux dans les villes qui en comptent déjà 30 % ou plus. Nous voulons ainsi casser cette spirale infernale de ghettoïsation qui consiste à empiler les difficultés aux mêmes endroits. Nous aidons aussi, par exemple, la réhabilitation de copropriétés dégradées par l’incapacité de leurs copropriétaires à payer leurs charges.
EA : Quelle est la mission de l’Établissement public foncier d’Île-de-France dont vous êtes président du conseil d’administration ?
G. Didier : Notre rôle est avant tout d’aider les maires à réaliser leurs projets immobiliers en assurant un portage foncier provisoire des terrains nécessaires. Un exemple : nous avons récemment acquis les terrains qui deviendront demain les villages olympiques, celui des athlètes aussi bien que des médias. Nous sommes également propriétaires des 100 hectares de l’ancienne usine PSA d’Aulnay-sous-Bois qui se transformeront demain en un immense quartier de logements et commerces. Nous sommes, au total, les premiers propriétaires fonciers d’Île-de-France avec 12 millions de m² au sol. Concrètement, nous acquérons des terrains sur délégation de droit de préemption du maire, puis les cédons à des promoteurs ou aménageurs. Nous sommes ce sas indispensable entre les acteurs publics et privés qui permet de fluidifier le marché immobilier et de donner jour à des projets parfois immenses et particulièrement complexes.
EA : Et en matière de mal-logement ?
G. Didier : En plus d’être un outil économique puissant, l’EPFIF s’est doté d’une vocation sociale. De plus en plus d’élus sont confrontés à des situations de logement indigne qui prennent la forme de divisions pavillonnaires clandestines. Des délinquants n’hésitent pas à exploiter des publics très fragiles – travailleurs pauvres, parents isolés, personnes âgées… – qui n’ont pas toujours accès au logement social et se voient contraints de payer des sommes très importantes pour un logement indécent. Au sein de l’EPFIF et en partenariat avec Action Logement, nous investissons 80 millions d’euros pour racheter des pavillons susceptibles d’être acquis par des marchands de sommeil et les transformons en accession sociale à la propriété. Nous avons ainsi décidé de nous placer sur le marché immobilier pour faire directement concurrence aux délinquants. Dans la sixième puissance économique du monde, je ne me résous pas à ce qu’il puisse encore exister des zones de non-droit dans le logement. Ce combat me tient particulièrement à cœur.
EA : Le marché n’aurait pas pu faire ça ? Il faut vraiment un opérateur public ?
G. Didier : Oui, parce que les prix s’envolent en Île-de-France. Nous avons pour mission de réguler les prix de l’immobilier, notamment où ils peuvent faire l’objet d’une grande spéculation. Un exemple : nous avons créé une filiale commune avec la Caisse des dépôts et consignations afin d’acquérir les terrains situés autour des 68 gares du futur Grand Paris Express (métro du Grand Paris), en les conservant le temps suffisant pour les céder seulement une fois les chantiers de transports terminés. Nous aurons ainsi freiné les spéculations immobilières sur ces territoires stratégiques, spéculations dont les premières victimes auraient été les Franciliens à travers l’envolée des coûts d’acquisition des logements. De par cette action de régulation du prix, nous sommes un acteur invisible mais déterminant du Grand Paris.
EA : Vous êtes pourtant considéré comme un libéral ?
G. Didier : […]
Propos recueillis par Philippe Desmoulins (E78), directeur d’ESSEC Publications, François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets ESSEC Magazine, et Guy Stievenart (E68), président du comité éditorial
Paru dans Reflets #126. Pour accéder à l’intégralité des contenus du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.
Illustration : © Arnaud Calais
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