Mathieu Quéré (E98), nouveau président d’ESSEC Alumni : « Faisons rayonner la marque ESSEC »
À 47 ans, Mathieu Quérépréside désormais aux destinées d’ESSEC Alumni. Marié à une ESSEC, père de trois petites filles, cet ESSEC 98, qui a alterné entre direction de grands groupes et entrepreneuriat, nous livre aujourd’hui ses ambitions pour le futur d’une association en pleine mutation. Entretien.
Lien avec l’École
ESSEC Alumni : Comment définissez-vous votre lien à l’ESSEC ?
Mathieu Quéré : C’est un lien vraiment très fort. L’ESSEC, c’est en premier lieu une école de liberté. En tant qu’étudiant, chacun crée lui-même son propre chemin et son propre cursus. Cet esprit de liberté correspond à mes valeurs, mais aussi à mon parcours. Lorsque je suis entré à Cergy, j’avais 25 ans et déjà un vécu professionnel. Une des forces de l’École, c’est de donner un même diplôme à des profils très différents, de les encourager à sortir des sentiers trop formatés. C’est cet état d’esprit qui explique notamment pourquoi nous avons autant d’entrepreneurs dans nos rangs. Et puis, tout le monde a adoré ses années ESSEC. C’est une communauté d’affection extrêmement forte.
EA : Vous conservez des souvenirs marquants du corps professoral ?
M. Quéré : Deux professeurs m’ont particulièrement marqué. Le premier, dont j’ai oublié le nom, m’a presque traumatisé, en me faisant repasser trois fois microéconomie. Le second, Philippe Hayat (E90), est le seul à avoir réussi à me faire comprendre la finance. Je pense d’ailleurs que je ne suis pas le seul à avoir aimé les cours de Philippe… Il avait beaucoup de groupies chez les étudiantes de mémoire…
L’ESSEC aujourd’hui
EA : Comment voyez-vous l’École aujourd’hui ?
M. Quéré : En vingt ans, l’École a changé radicalement, mais qui le sait vraiment ? L’ESSEC, aujourd’hui, ce sont 6 500 étudiants, plusieurs programmes (Global BBA, Grande École, Masters, Executive Education, etc.). Ces étudiants sont aussi présents dans trois pays, en France, à Singapour et au Maroc. Parmi cette communauté d’étudiants, plus d’un tiers vient de l’étranger, c’est un énorme changement.
Les alumni savent-ils que la chambre de commerce va supprimer sa subvention dans les trois ans ? Beaucoup l’ignorent sûrement, mais ce sont huit millions d’euros qui disparaissent du budget de l’École. C’est considérable et il faudra faire face à ce défi de financement et de développement.
Parallèlement, l’École a lancé un grand plan de transformation du campus de Cergy, le plan Campus 2020. C’est bien plus qu’un simple lifting, c’est une transformation de fond en comble de l’École qui vise à créer un campus du XXIe siècle. C’est un chantier majeur pour les prochaines années.
La mission de Vincenzo Esposito Vinzi, directeur général du groupe ESSEC, est de poursuivre ces grandes mutations. À nous ESSEC Alumni de relayer sa stratégie (qu’il présentera prochainement dans notre magazine Reflets). L’École change, les alumni doivent l’accompagner.
L’association aujourd’hui
EA : En prenant la présidence d’ESSEC Alumni, quel premier regard portez-vous ?
M. Quéré : Dans mon rapport d’étonnement, je constate l’écart énorme entre le travail accompli par les équipes et la connaissance qu’en ont les alumni en général. Nous avons, c’est certain, l’amour du maillot, mais nous ne jouons pas assez collectif. Plutôt que de rester dans des réseaux personnels, nous devons nous rassembler autour de l’ESSEC en tant qu’institution.
Avec près de 57 000 alumni, dont 18 % à l’international, un chiffre qui ne cesse de croître, le réseau ESSEC représente une force colossale. Cette force connaît une mutation majeure de son modèle avec l’adhésion à vie. Nous aurons plus de moyens financiers, et donc plus de devoirs vis-à-vis des étudiants et des diplômés.
Priorités
EA : Quelles sont vos convictions pour votre mandat auprès d’ESSEC Alumni ?
M. Quéré : J’en compte trois. La première, c’est que nous devons rendre notre association réellement internationale, pour tenir compte de l’évolution du profil des étudiants (et donc des alumni). La deuxième, c’est que nous devons rendre l’association plus efficace, renforcer et mieux faire connaître notre offre de services. Et la troisième, c’est que nous devons continuer à incarner et à favoriser l’entrepreneuriat. Après tout, la devise de notre école est « l’esprit pionnier ». La communauté ESSEC ne peut pas ne pas être à l’avant-garde sur ce terrain !
EA : Le groupe ESSEC, sous l’impulsion de Jean-Michel Blanquer puis de Vincenzo Esposito Vinzi, a très nettement pris une orientation internationale. Coller à cette stratégie est donc pour vous une priorité ?
M. Quéré : Oui, nous sommes la première école en termes d’étudiants étrangers, un tiers des étudiants aujourd’hui viennent d’autres pays que la France. Mécaniquement pour nous, cela doit poser la question de notre façon de gérer une communauté internationale. Pour répondre à cette priorité, il faudra engager des moyens, recruter. Nous devons apprendre à parler en plusieurs langues et rappeler qu’aux quatre coins du globe, nous devons être ESSEC ensemble. Nous devons dynamiser nos 73 chapters actuels et en ouvrir d’autres pour refléter au plus près la composition du corps étudiant. L’enjeu, c’est de passer d’une association d’alumni nationale à une association très internationale.
EA : Votre deuxième priorité, c’est de faire et faire savoir. En quoi cela consiste-t-il ?
M. Quéré : Il s’agit de rendre l’association encore plus efficace, plus visible. Combien d’alumni savent vraiment ce que l’association fait pour eux ? L’écart est trop grand entre ce qui est fait et ce qui est vu par la communauté. Nous devons être obsédés par l’idée de mieux animer les clubs, de mieux faire connaître le Service Carrière, installer des indicateurs de performances, déceler ce qui marche et ce qui ne marche pas, et, surtout, le corriger.
L’adhésion à vie à ESSEC Alumni a été introduite en septembre 2017 pour les étudiants, et au début de cette année pour les diplômés. C’est une véritable réussite. C’est un signe fort d’engagement, de fidélité, et c’est à nous d’utiliser ce lien nouveau pour enrichir dans la durée notre offre de services.
EA : Qu’est-ce que l’adhésion à vie change fondamentalement ?
M. Quéré : Plus de moyens ne nous donnent pas plus de droits, mais au contraire plus de devoirs vis-à-vis des alumni. Chacun doit pouvoir en bénéficier dans son quotidien. D’un côté, l’étudiant doit être accompagné par l’association pour l’aider à pratiquer la démarche réseau et à accéder plus facilement aux diplômés. De l’autre, les alumni, quel que soit le moment de leur carrière, doivent savoir qu’ils ont accès à un certain nombre de ressources.
Désormais, nous devons affirmer que les alumni sont nos clients. Que fait-on pour eux ? Comment leur fait-on savoir ? Comment être plus visible ? Comment redynamiser certains clubs ? Il faudra répondre à toutes ces questions.
EA : Vous évoquiez tout à l’heure la dimension entrepreneuriale…
M. Quéré : Valoriser et favoriser l’entrepreneuriat est effectivement ma troisième conviction. Prenez les exemples de Rodolphe Carle (E99) (Babilou) ou de Jonathan Benassaya (E06) (Deezer), ou les réussites extraordinaires que sont celles de, parmi tant d’autres, Jean-Luc Petithuguenin (E79) (Paprec), Franck Annese (E00) (So Press), Omar Benmoussa (M08) (Chauffeur privé) ou Marion Carrette (E96) (OuiCar). Ces ESSEC sont de beaux représentants de notre communauté d’entrepreneurs.
À l’heure où l’on parle de la start-up nation, où beaucoup de jeunes ESSEC souhaitent désormais créer leur propre boîte dès la sortie de l’École (voire pendant leur scolarité), à nous de les aider à travers nos réseaux, nos financements, ou notre expérience.
Et je pense par ailleurs que notre rôle, en tant qu’association, est aussi de développer une vision et une réflexion sur ce qu’est l’entrepreneuriat aujourd’hui, par exemple sur l’intrapreneuriat ou l’entrepreneuriat social. L’entrepreneuriat est dans l’ADN profond de l’ESSEC, il est logique que notre association soit à l’avant-garde de ce sujet.
Moyens
EA : Cela implique-t-il une nouvelle organisation et de nouvelles ressources ?
M. Quéré : Justement, parlons des moyens. En tout premier lieu, nous devons basculer dans le numérique et nous en servir plus efficacement pour animer notre communauté, y compris à distance. Mettre de nouveaux outils à disposition des bénévoles et donc investir dans un CRM.
Et dans le même temps, nous allons revisiter notre modèle immobilier, réfléchir à faire évoluer notre Maison des ESSEC, éventuellement même chercher un nouveau lieu plus adapté à ce que doit être notre association aujourd’hui.
Enfin, pour une organisation plus efficace au service de la communauté, il faudra renforcer l’équipe.
Ces moyens serviront une ambition partagée : hisser les couleurs de l’ESSEC au plus haut et les porter partout.
EA : Avez-vous déjà un calendrier ?
M. Quéré : Symboliquement, mon premier déplacement a été en région, auprès d’un club particulièrement actif, le club régional de Lyon, que j’ai été très heureux de rencontrer. Puis dans les mois qui viennent, avec le conseil d’administration, le bureau, les bénévoles et l’équipe de l’association, nous allons construire le plan d’action d’ESSEC Alumni au service de cette ambition.
Liens avec l’École
EA : Comment porter cette ambition ?
M. Quéré : Les trois piliers du rayonnement de l’ESSEC – car c’est bien notre objectif ultime commun – sont l’École, la Fondation et l’Association. Nous, alumni, devons être conscients des défis, des formidables changements qui s’opèrent en ce moment pour notre École car ils ont un impact énorme sur la valeur de notre bien commun : la marque ESSEC.
Tous les alumni peuvent et doivent aider à relever ces défis, chacun à sa mesure, en donnant du temps auprès de l’association, en finançant l’École via la Fondation, en aidant et recevant des étudiants. C’est notre degré d’engagement commun qui nous permettra d’emmener plus loin notre Groupe.
Propos recueillis par Philippe Desmoulins (E78), directeur d’ESSEC Publications, et par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets ESSEC Magazine
Mathieu Quéré entre dans le monde de l’édition après le bac, tout en obtenant en parallèle une maîtrise d’histoire. « J’y ai exercé presque tous les petits métiers. C’était une période très formatrice. »
Après son service militaire, il intègre l’ESSEC. « J’ai choisi l’ESSEC parce que c’était l’école la plus ouverte à des profils un peu atypiques comme le mien. Et j’y ai trouvé exactement ce que j’attendais. »
À sa sortie de l’ESSEC, il débute sa carrière dans le conseil stratégique chez Bain & Company, où il reste cinq ans. « Chez Bain comme à l’ESSEC, c’était à nous de choisir la voie vers laquelle on avait envie d’aller. C’était dense, stimulant, intense. »
À la faveur d’un LBO mené par Wendel Investissement, il retourne dans l’édition, côté direction générale cette fois, et participe à la création et au développement du groupe Editis, n° 2 du livre en France. « Des années magnifiques, un secteur passionnant, on avait l’impression que tout était possible pour créer un grand groupe d’édition. »
Il rejoint ensuite le fonds d’investissement Abénex Capital en tant que directeur opérationnel, puis le conseil de surveillance de Buffalo Grill (350 restaurants, 7 000 salariés), dont il prend la direction générale puis la présidence. « On a entièrement repositionné l’offre et relancé l’entreprise, pour en faire le leader incontesté du secteur. C’était une extraordinaire aventure humaine. »
Il est aussi le co-fondateur des éditions Kero (2012), revendues depuis à Hachette Livres. « Une très belle histoire entrepreneuriale, le plaisir d’une équipe commando et d’une sortie réussie. »
Il vient de lancer Penrith Education, pour créer un réseau d’écoles primaires bilingues sur le modèle Montessori. « C’est un marché en pleine mutation, qui commence à se structurer, et où la demande parentale est très forte. La clé du succès sera d’avoir une réelle exigence pédagogique dans la durée. »
« Afin de construire l’ESSEC de demain, une école de référence pour les étudiants, les prospects, les professeurs, les alumni, les entreprises, les institutions, ESSEC Alumni et la Fondation ESSEC sont les partenaires privilégiés avec lesquels je souhaite mener mon action », expliquait Vincenzo Esposito Vinzi en avril 2018.
Fondée en 1923, ESSEC Alumni se donne pour mission d’accompagner les alumni dans leur carrière, de les fédérer autour d’intérêts communs, de les promouvoir dans la sphère publique et de les informer sur l’actualité économique du réseau. Elle joue un rôle actif dans la gouvernance de l’École (membres présents au directoire, au conseil de surveillance). Plus d’informations ici.
Créée en 2011 par quatre anciens élèves et présidée par Thierry Fritsch(E80), la Fondation ESSEC soutient, grâce à l’engagement de donateurs individuels, les projets prioritaires de l’École indispensables à son développement (bourses sociales, digital, entrepreneuriat, fonds capitalisé, recherche, rayonnement à l’international via les campus, les doubles diplômes…). La Fondation a levé plus de 10 millions d’euros auprès de particuliers. Plus d’informations ici.
Depuis 2017, sur le modèle des universités américaines, tous les étudiants entrant à l’École deviennent automatiquement membres de l’association et bénéficient à ce titre d’un accès permanent aux services et au réseau ESSEC Alumni.
- Les anciens élèves de l’ESSEC peuvent maintenant choisir de continuer à cotiser annuellement ou devenir eux aussi adhérents à vie de l’association.
- Cette nouvelle organisation donne à l’association les moyens financiers de se concentrer sur le développement des services aux alumni et le renforcement de la marque ESSEC.
Plus d’informations ici.
L’ESSEC, c’est :
- 6 500 étudiants dont 34 % originaires de 96 pays différents
- Plus de 182 partenaires dans 45 pays
- 29 doubles diplômes dont 24 sont internationaux
- 4 campus : Cergy, Singapour, Rabat, le Cnit
ESSEC Alumni, c’est :
- 57 000 alumni dont 10 000 à l’international
- 73 chapters dans le monde
- 200 bénévoles
- 23 clubs professionnels
- 17 clubs régionaux et loisirs
- 60 correspondants d’entreprise
- 4 coachs carrière
- 2 campus managers
- 1 000 événements par an
Illustration : © Christophe Meireis
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