EA : Comment procédez-vous ? Quelle est votre méthode de travail ?
S. Dupleix : Je collabore avec 80 biographes répartis sur l’ensemble du territoire français. La plupart sont issus des métiers du journalisme ou de la recherche et de l’enseignement en sociologie et en ethnographie. Je veille en effet à recruter des personnes capables de mener des entretiens, car le biographe amorce son travail en interviewant le client. Il le rencontre à plusieurs reprises, instaure une relation de confiance pour qu’émergent les souvenirs, puis aide à sélectionner ceux-ci et à les organiser. Il est aidé dans ce processus par une feuille de route que le client a renseignée en amont, dans laquelle ce dernier a défini les sujets principaux à aborder et le découpage des séances.
Ces entretiens sont enregistrés et leur contenu m’est transmis assorti des feedbacks des participants. Ainsi je m’assure du bon déroulement du projet. Je relis également chaque biographie, à l’affût des coquilles et d’éventuelles incohérences d’interprétation par rapport aux enregistrements.
La dernière étape, c’est naturellement les corrections du client lui-même : c’est lui qui valide l’épreuve définitive.
EA : Qui sont vos clients ?
S. Dupleix : Il n’y a pas véritablement de profil socio-professionnel. Tout le monde est concerné. La demande émane autant de clients indirects, c’est-à-dire de personnes faisant un cadeau à leurs proches, que de clients directs. Dans tous les cas, la dimension intergénérationnelle est centrale.
D’un côté, on a les histoires de famille. Des parents utilisent Momenteo pour raconter à leur enfant le cheminement qui les a menés à le concevoir ; une femme devenue agricultrice par amour espère communiquer à ses descendants son attachement à la terre et à l’exploitation familiale.
De l’autre côté, on a l’Histoire. Plusieurs de mes clients inscrivent leur démarche dans un devoir de mémoire. C’est d’époque : les jeunes d’aujourd’hui sont fascinés par ce XXème siècle où la marche du temps semble s’être accélérée, et dont leurs aînés ont été les témoins directs. Ainsi, un ancien prisonnier de guerre nous a relaté son internement dans un camp allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale pour ensuite diffuser son ouvrage dans des associations de vétérans… Une Arménienne nous a décrit sa vie d’exilée politique, la manière dont elle s’est intégrée en France à l’âge de 15 ans… L’histoire du XXème siècle est tellement riche que tout témoignage est passionnant.
J’ajouterai que ces récits représentent aussi pour moi un apprentissage quotidien, une manière originale et très émouvante de redécouvrir mon pays, son patrimoine, sa diversité culturelle.
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