L’accélération de la transformation digitale à l’ensemble des secteurs économiques génère des difficultés spécifiques pour l’embauche de profils digitaux. Les explications de Denis Conaut (E91), fondateur de l’agence de conseil en transformation digitale Moonsy et directeur stratégie du Little Buddha Group.
Depuis plusieurs années, l’environnement de la transformation digitale a considérablement évolué. Le digital est omniprésent, dans tous les sujets et toutes les sphères, même les plus inattendues comme l’industrie minière. La majorité des secteurs économiques bascule aujourd’hui vers le numérique. 40 % des sociétés du CAC40 considèrent que le digital pourrait impacter en profondeur leur modèle économique et, selon le baromètre d’Idaos Lab, 91 % des entreprises envisagent la digitalisation comme un objectif stratégique.
Les entreprises repensent leur business model, leurs opérations et leur organisation, bouleversent les modes de travail et mettent ainsi en tension les emplois et les compétences. Le recrutement et l’intégration de profils différents se font dans un marché fortement évolutif et non standardisé.
Le marché du digital sous tension
Le temps exploratoire des tests est fini. Les entreprises investissent massivement dans les hommes et la construction de plateformes complexes, agiles et solides. 73 % des organisations ont investi ou projettent d’investir dans le big data d’ici deux ans (source Gartner).
Aujourd’hui, 1,5 million d’emplois concernent le digital selon l’INSEE. Les besoins sont tels qu’à ce jour on compte deux fois plus d’offres d’emploi que de recrutements effectués. Le nombre de postes ouverts a augmenté de plus de 50 % en un an.
La pénurie pour les recrutements de développeurs (Java, .Net, Ruby) ou la difficulté à trouver des data scientists est connue, mais le manque de profils expérimentés dans le marketing digital (community manager, UX design) est plus récent.
Un marché en constante évolution
Le rythme des nouveautés technologiques s’accélère, générant une technicité croissante et une évolution rapide des fonctions du digital.
Globalement, on assiste à une spécialisation des métiers. Les différentes facettes du webmaster sont par exemple devenues des métiers à part entière : web designer, SEO, développeur, intégrateur… Même chose pour les community managers, qui se spécialisent entre la stratégie globale des réseaux sociaux (social media manager) et la gestion du contenu (content manager).
L’émergence du cloud, des objets connectés et du big data remodèle les besoins IT pour la gestion et l’exploitation des données, la gouvernance et l’évolutivité globale du système d’information face à la virtualisation des systèmes d’information, et la sécurité avec la protection des données dans des systèmes de plus en plus ouverts.
L’apparition de nouveaux langages (swift pour le mobile) ou le renouveau de R ou Python pour le big data bousculent l’adéquation entre les compétences existantes et les besoins du marché. Autre paradoxe : les langages les plus recherchés par les entreprises comme Java ou .Net, plus anciens, ne sont pas les plus cotés chez les jeunes diplômés.
Un marché difficile à standardiser
La standardisation des différents métiers est difficile dans un secteur aussi évolutif. Le référentiel métier du marketing digital évolue en permanence.
De plus, les compétences attendues sont souvent à la croisée de plusieurs métiers. L’animation d’une plateforme e-commerce exigera notamment un professionnel aguerri sur la gestion de projets, attendu sur l’encadrement d’équipes techniques et créatives, orienté business avec une bonne connaissance du produit ou du service vendu sur le site.
En conséquence de ce décalage entre la formation et les besoins, 32 % des acteurs du marketing digital ne proviennent pas d’une filière de formation spécifique et sont pour la plupart formés « on the job » (étude de Microsoft sur les métiers de la transition numérique).
Des difficultés différentes selon les acteurs du digital
Les grandes entreprises issues de cette révolution comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) n’ont aujourd’hui aucune difficulté à attirer les talents, car elles sont digital natives, renommées et bénéficiant d’une forte marque employeur sur les items de dynamisme et d’innovation.
Les cabinets de conseil tarissent une partie du marché en investissant dans l’acquisition de talents opérationnels pour répondre aux besoins d’accompagnement de leurs clients dans le développement et l’exécution de campagnes digitales.
En revanche, les start-ups les plus innovantes sont confrontées à des difficultés pour attirer les meilleurs talents, par manque de moyens pour capter des profils plus expérimentés et face à la préférence des jeunes pour les entreprises les plus cotées.
L’attractivité des entreprises traditionnelles dépendra de la maturité digitale de l’entreprise, de la visibilité des projets, des moyens et de la force de sa marque employeur dans ce domaine.
Deux chiffres illustrent les difficultés pour ces dernières : l’étude de mai 2015 sur le solde migratoire des mouvements de salariés entre P&G et les GAFA était de 4 au profit de P&G contre 629 pour les GAFA.
Recrutement : être « agile »
Côté candidats, il s’agit de travailler la pratique de compétences techniques porteuses et dans le marketing digital, d’y ajouter une dimension métier forte.
Côté entreprises, en début de processus de transformation, par exemple de big data, ne pas hésiter à externaliser les ressources et compétences nécessaires.
Et lorsqu’on internalise, avoir le réflexe de s’entourer d’un cabinet de recrutement vraiment spécialisé digital qui aidera à la définition du contenu du poste et à la détection des talents. Surtout, savoir mener un process de recrutement agile et rapide. Les profils sont difficiles à capter… ne les perdons pas en route !
L’identification et le recrutement de nouveaux profils ne sont que les premiers pas. Intégrer, engager, développer et retenir ces nouveaux profils tout en accompagnant socialement la transformation digitale de l’ensemble de l’entreprise sont le défi majeur que les opérationnels et les RH doivent ensuite mettre en œuvre.
Article proposé par le Service Carrière et paru dans le n°113 de Reflets ESSEC Magazine. Pour s’abonner, cliquer ici.
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