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Reflets Mag #140 | Jonathan Cherki (E11), fondateur de la licorne Contentsquare

Interviews

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10/11/2021

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En couverture de Reflets Mag #140, Jonathan Cherki (E11), fondateur de Contentsquare, raconte la folle décennie qui l’a mené de l’incubateur d’ESSEC Ventures à la tête d’une licorne de la French Tech valorisée à près de 3 milliards de dollars. On vous met un extrait de l’article en accès libre… abonnez-vous pour lire le reste du numéro !

Reflets Magazine : Aviez-vous le projet de lancer une start-up dès votre entrée à l’ESSEC ?

Jonathan Cherki : À dire vrai tout cela n'aurait pas dû se faire, mon avenir professionnel étant a priori tout tracé au sein de l'entreprise familiale. Il y a 70 ans, mon grand-père avait créé une entreprise d'import-export de légumes secs, pois chiches, pois cassés, haricots secs et lentilles, aujourd'hui mon père travaille avec mon grand-père, mon frère travaille avec mon père, j'aurais donc dû en bonne logique rejoindre un jour le giron familial. 

RM : Comment vous est venue l'idée de développer une technologie qui permet d'améliorer le taux de conversion des sites Internet ?

J. Cherki : J'adorais les maths et les statistiques, je suis venu à Paris pour mes études, et dans le cadre de l'incubateur d'entreprises de l'ESSEC, j'ai démarré un projet qui s'est vite transformé en projet de vie, puisque à ce jour je n'ai jamais travaillé que pour Contentsquare. À l'époque où j'ai lancé ce projet, le meilleur moyen d'améliorer les ventes en ligne consistait simplement à faire venir les gens sur les sites web, soit via Google et son moteur de recherche, soit via Salesforce avec son CRM et ses e-mails. Or les coûts d'acquisition devenaient de plus en plus élevés, cela coûte très cher de faire venir quelqu'un sur un site, et les taux de conversion étaient très faibles. Pour prendre un exemple, lorsque cent personnes entrent dans un magasin, trente d'entre elles achètent quelque chose. Sur le on-line, ce n'était que de l'ordre de 3 %. C'est en faisant ce constat qu'est venue l'idée d'essayer de trouver une solution, un outil, afin d'augmenter le taux de conversion des sites Internet.

RM : Il s'agit en fait de comprendre ce qui motive la décision d'achat…

J. Cherki : En effet, la décision d'achat peut être influencée par une multitude de critères : le parcours et la manière dont l'utilisateur navigue, le contenu et l'impact d'un visuel, le temps de chargement d'une vidéo, le prix du produit ou encore la loyauté à une marque. Tout un ensemble de facteurs qu'il faut donc analyser au plus près et agréger, afin de prioriser et d'optimiser ce qu'il y a à améliorer sur le site. Nous sommes leaders sur ce secteur grâce à une gamme de solutions dédiées à l'expérience analytics qui nous permettent de comprendre et d'optimiser l'ensemble de l'expérience digitale. Cela passe par l'identification des difficultés afin de régler les points de friction, l'amélioration de la performance des sites web, et la capacité à rendre le contenu digital accessible à tous.

RM : Comment se sont passés les débuts ?

J. Cherki : Je n'avais aucune compétence technique, le premier enjeu a donc été de m'entourer de personnes capables de m'aider à créer et à construire ce projet. On a démarré avec beaucoup de stagiaires compte tenu de nos moyens limités. Puis nous avons assez vite réussi à vendre quelques produits, ce qui a suscité pas mal d'intérêt ; nos premiers clients ont permis de financer le développement de l'entreprise, et en 2012 de réaliser une levée de fonds autour de 400 000 dollars auprès de business angels. Fin 2016, constatant que le marché était en train de mûrir et que la technologie devenait de plus en plus robuste, nous avons réalisé une deuxième levée de fonds de 20 millions de dollars, ce qui a notamment permis de nous lancer sur le marché américain. C'est comme cela que je me suis retrouvé à New York au début de l'année 2017 pour démarrer nos activités américaines. Le marché a très bien pris aux États-Unis et les levées de fonds se sont enchaînées : 40 millions de dollars, puis 60, puis 190, jusqu'aux 500 millions de dollars du mois de mai dernier levés auprès de SoftBank et de plusieurs autres investisseurs.

RM : Le projet est donc né au sein d'ESSEC Ventures. Qu'est-ce que cela vous a apporté ?

J. Cherki : En premier lieu, la confiance. N'étant a priori pas destiné à monter ce projet, le fait d'être entouré de personnes qui vous soutiennent, vous mettent des bureaux à disposition, de la logistique, vous challengent régulièrement sur le projet, tout cela permet d'y croire vraiment. Ensuite, c'est tout le réseau et les introductions support qu'a pu m'apporter ESSEC Ventures, au-delà des conseils précieux qui aident à se poser les bonnes questions et à se remettre en cause. L'incubateur a été un élément prépondérant dans notre développement, à tel point que cela m'a poussé à créer notre propre incubateur d'entreprises au sein de Contentsquare, pour soutenir, accompagner les start-up qui participent à notre développement, à les mettre en contact avec l'écosystème, comme ce qu'ESSEC Ventures avait pu faire avec moi à l'époque.

RM : Pourquoi avoir fait le choix de vous développer en même temps en France et aux États-Unis, et pourquoi avoir préféré vous installer à New York plutôt qu'en Californie ?

J. Cherki : Nous avons choisi de nous installer à New York plutôt qu'à San Francisco et la Silicon Valley d'abord parce que la très grande majorité de nos clients et de nos prospects sont sur la côte Est des États-Unis, ensuite parce que le décalage horaire de seulement six heures entre New York et Paris, contre neuf heures avec San Francisco, était plus confortable pour continuer à piloter l'entreprise. Pour ce qui est de notre développement en France et aux États-Unis quasi en même temps, c'est tout simplement parce que nous avions dès le départ l'ambition de devenir le leader mondial de l'analyse d'expérience utilisateur, et cette ambition passait par la conquête du plus grand des marchés. C'est la raison pour laquelle, après notre levée de 20 millions de dollars, j'ai décidé de partir m'y installer. Je m'étais d'abord assuré que nous avions les reins solides en France, ce qui était le cas. Nous étions sur le marché anglais depuis quelques mois, et ça prenait déjà bien. Tous les feux étaient au vert, nos équipes performaient bien en termes de développement, nos structures étaient solides, c'était donc le bon moment pour tenter l'aventure de l'autre côté de l'Atlantique.

RM : Comment expliquez-vous un tel succès, une telle croissance du chiffre d'affaires de 120 % en moyenne au cours des quatre dernières années ?

J. Cherki : C'est le marché. Le marché du content analytics est aujourd'hui de l'ordre de 7 milliards de dollars au niveau mondial, en croissance constante, et on l'estime à 20 milliards d'ici trois ans. Pendant longtemps on ne s'est pas intéressé à l'amélioration du taux de progression des sites web. Le seul focus était de faire venir les gens en nombre sur les sites sans s'inquiéter de savoir pourquoi ils achetaient ou pas. Puis à mesure que la compétition s'accroissait dans le monde digital, il est apparu qu'il fallait assez rapidement faire en sorte que les personnes qui se rendent sur un site convertissent, c'est-à-dire achètent ou souscrivent à un service. Le phénomène s'est accéléré au moment de la crise du Covid, avec une forte croissance de la digitalisation à travers le monde. Rappelons qu'en 2010, seules 8 % des ventes réalisées aux États-Unis se faisaient en ligne ; c'est passé à 16 % en 2019 et à 35 % en 2020. En 2021, les ventes en ligne ont dépassé pour la première fois les ventes traditionnelles en Chine. L'accélération fulgurante de la digitalisation a poussé à une réelle optimisation des parcours et des interfaces de sorte que l'expérience soit la meilleure possible.

RM : La pandémie aura donc été un booster de votre activité ?

J. Cherki : Comme pour tout le monde, la période a été difficile au début. Il nous a fallu nous réadapter dans notre manière de travailler, de fonctionner, échanger différemment avec nos clients, devenir plus agiles tout en prenant le parti de maintenir l'ensemble des emplois et de poursuivre nos investissements. On a essayé d'être plus à l'écoute de nos clients afin d'apporter plus de souplesse et de flexibilité, et tenté de partager les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer – je pense notamment aux secteurs du voyage, de l'hôtellerie et de l'habillement, qui ont été très impactés par la crise sanitaire. Cela a été l'occasion pour nous de mettre en place une sorte de hub pour fournir gracieusement des données sur ce qui se passait, secteur d'activité par secteur d'activité, pour permettre aux marques de mieux se situer. Nous l'avons également fait pour plusieurs services publics et plusieurs ministères afin de faciliter la performance de leurs parcours.

RM : Comment réussissez-vous à rivaliser avec les géants américains du secteur ?

J. Cherki : […] 

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets ESSEC Magazine 

Extrait de Reflets Mag #140. Pour voir un preview, cliquer ici Pour recevoir les prochains numéros, cliquer ici.

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