Reflets Mag #145 | « Notre responsabilité : accompagner les ESSEC dans la transition »

Dans Reflets Mag #145 (in French), Stéphanie Jossermoz (E94), DG d’ESSEC Alumni, explique comment l’association amorce sa transition sociale et environnementale – et quels services elle développe pour aider les ESSEC désireux de s’engager sur la même voie. On vous met l’article en accès libre… abonnez-vous pour lire les prochains numéros !

Reflets Magazine : Pourquoi avoir fait réaliser une enquête auprès des alumni de l’ESSEC sur le sujet de la transition environnementale et sociale ?

Stéphanie Jossermoz : C’est parti d’une observation : de plus en plus d’alumni nous font part de leur inquiétude quant à l’ampleur des défis écologiques et sociaux, et de la difficulté à savoir par où commencer quand on décide de passer à l’action dans son environnement professionnel. Nous voulions quantifier ces remontées et avoir une compréhension approfondie de leurs niveaux de connaissance, d’engagement et d’attentes – notamment vis-à-vis de l’association.
Bien entendu, cette démarche s’inscrit en continuité avec la stratégie engagée par l’ESSEC (in French), notamment son axe « Together » sur la transition écologique et sociale.
Enfin, nous avons fait évoluer nos axes stratégiques depuis l’an dernier, en ajoutant un quatrième pilier aux trois piliers historiques que sont « Inspire » (communication), « Support » (accompagnement carrières) et « Connect » (animation des communautés). Il s’agit de l’axe « Together to Act », qui porte cette priorité donnée à la transition environnementale et sociale, d’autant que beaucoup de nos communautés et clubs sont déjà en action sur ce sujet.

RM : D’où l’idée de confier une vaste enquête à l’ObSoCo ; pourquoi ce choix ?

S. Jossermoz : Nous souhaitions confier cette enquête à un institut d’étude expert sur ce sujet, afin d’avoir une analyse fine et des recommandations opérationnelles, à partir d’un échantillon représentatif des diplômés. Nous avons lancé un appel d’offres auprès de plusieurs instituts d’étude et notre choix s’est porté sur l’Observatoire société et consommation, notamment pour leur expertise sociétale.

RM : Quels sont les grands enseignements qui se dégagent de cette enquête ?

S. Jossermoz : Il en ressort d’abord un large consensus : 87 % des alumni jugent la situation environnementale très préoccupante voire alarmante. Parmi les enjeux de notre époque, ils placent au premier et au deuxième rang l’environnement et le changement climatique d’une part, et les inégalités sociales d’autre part.
82 % des alumni sont convaincus que les entreprises doivent se transformer radicalement. Mais seuls 15 % d’entre eux considèrent que leur entreprise en prend le chemin, pointant du doigt comme frein principal la culture d’entreprise tournée vers la performance économique (56 %).
Ensuite, 71 % des alumni pensent avoir besoin de nouvelles compétences pour traiter des enjeux environnementaux, mais seulement 6 % se sentent véritablement accompagnés dans cette montée en compétence. Enfin, deux tiers se disent intéressés par des formations ESSEC ou sélectionnées par ESSEC Alumni, ce qui traduit une véritable attente d’accompagnement, un immense besoin – et une légitimité de l’écosystème ESSEC.

RM : En tant que directrice générale d’ESSEC Alumni, quelles sont vos convictions sur le chemin à parcourir pour l’association et pour les alumni ?

S. Jossermoz : Mon expérience passée dans les secteurs du Food et de la Santé m’ont fait prendre conscience que notre santé et celle de notre planète sont interdépendantes. Il y a 15 ans déjà, le film d’Al Gore, Une vérité qui dérange, m’avait profondément interpellée.
Le message des alumni, notamment des jeunes diplômés, est sans appel. Il est de notre responsabilité de les soutenir et de les accompagner dans ce passage à l’action, compte tenu de l’immense défi que cela représente. D’ailleurs, l’environnement médiatique bouge énormément, l’été caniculaire que nous avons vécu y est pour quelque chose, et nous sommes nombreux à observer qu’une bascule est en train de s’opérer.
Je pense également qu’il est fondamental d’être inclusif et positif : nous ne sommes pas tous au même endroit sur l’engagement environnemental et social. Quel que soit le point de départ de chacun d’entre nous, l’essentiel est de s’ouvrir à ces enjeux et d’avancer rapidement.
Et c’est là que nous avons un rôle à jouer : nous sommes un collectif, ce qui nous amène à conduire des actions collectives, c’est notre force. L’idée est d’avancer ensemble, quel que soit le stade où on en est. C’est aussi de s’inspirer des précurseurs, qui sont déjà dans la transformation : leur détermination est une invitation à les rejoindre.

RM : Quelle est l’ambition d’ESSEC Alumni ?

S. Jossermoz : Notre ambition est une réponse directe au premier enseignement de l’enquête : il s’agit d’accompagner les alumni qui le souhaitent à accélérer la transformation radicale de leur entreprise et à transformer les modèles d’affaires en intégrant les limites planétaires et les enjeux sociaux. Nous nous concentrons sur la sphère professionnelle, car c’est là que se situent notre expertise et notre légitimité.

RM : Quelles actions ont déjà été menées par ESSEC Alumni ?

S. Jossermoz : Il y a eu un moment déterminant : la création du club ESSEC Transition Alumni (ETA) fin 2020, qui a mobilisé plus de 600 diplômés dès son premier événement et lancé de nombreuses actions. Je pense notamment au Forum Ambitions Transitions : forum annuel inter-associations alumni, initié en 2021 par ETA, pour aider les alumni à trouver un emploi à impact. Soulignons ici que ce forum dépasse les clivages historiques entre écoles, compte tenu de l’urgence à avancer. L’édition 2022, que nous avons soutenue financièrement, a compté 66 organisations et entreprises pour 1 100 participants.
Je pense aussi au club Sustainable Business qui se mobilise pour challenger les business models et réfléchit à la manière d’intégrer une stratégie plus sobre au sein de l’entreprise.
Pour continuer sur cette lancée, nous avons mis en place plusieurs ateliers de sensibilisation : Fresque du Climat, Atelier 2Tonnes (pour la mise en action) et maintenant Fresque de la Diversité, créée par l’ESSEC. Ils sont désormais disponibles toutes les six semaines, en présentiel et en distanciel.
Nous accompagnons également les alumni qui souhaitent mettre en place la Fresque du Climat dans leur propre entreprise.
Enfin, la première édition de l’ESSEC Alumni Day en octobre dernier, dédiée au sujet de la diversité et de l’inclusion en entreprise, a réuni 80 speakers et experts autour de conférences, ateliers et tables rondes pour plus de 1 300 participants.
Au total, les actions que nous avons menées avec l’appui de nos clubs engagés nous ont permis de sensibiliser plus de 1 000 alumni par an en 2021 et en 2022 (hors Forum Ambitions Transitions et hors ESSEC Alumni Day).
Nos alumni fresqueurs sont également des contributeurs précieux aux rentrées climat de l’ESSEC.
En parallèle, nous avons réalisé le bilan carbone de l’association cette année. Cela nous a permis d’identifier des postes d’amélioration et d’amorcer des premières actions, notamment concernant notre politique achats, les événements, les déplacements et nos pratiques numériques.

RM : De quels moyens disposez-vous pour « faire bouger » l’association ?

S. Jossermoz : Nous sommes une petite structure avec des moyens somme toute limités vu l’ampleur du sujet, mais nous pouvons nous appuyer sur le nombre : 62 000 diplômés, 200 communautés, 600 bénévoles. Nos responsables et animateurs de clubs, nos délégués de promos et nos responsables de chapters font « bouger » leurs différentes communautés.
Nous avons créé un poste de « responsable transition » en janvier dernier, pour lequel nous avons recruté Sounya Kiniffo. Sa première mission a consisté à établir un état des lieux, à lancer cette enquête et à travailler avec toutes nos parties prenantes pour établir une première version de notre feuille de route, qui a été validée par le conseil d’administration à l’unanimité en juin dernier. Je tiens à préciser que l’intérêt et l’engagement de notre conseil d’administration sur ce sujet est une pierre fondatrice de notre bonne gouvernance.
Ce premier poste va être complété par l’arrivée d’un « chef de projet transition » dans quelques jours. Nous avons volontairement choisi des profils complémentaires : l’un plus orienté environnemental et l’autre davantage social, diversité et inclusion. Je crois que nous sommes la première association de diplômés à investir aussi fortement ce sujet au sein de son équipe de permanents. En parallèle, nous provoquons des échanges réguliers avec les autres associations d’alumni sur ce sujet afin de démultiplier notre impact collectif.
Aujourd’hui, c’est 12 % de notre budget que nous consacrons directement à la transition environnementale et sociale.

RM : Quelles sont les grandes lignes du plan d’action d’ESSEC Alumni ?

S. Jossermoz : Nous avons un maître mot – l’action – parce que nous pensons que c’est le meilleur remède à l’éco-anxiété pour nos alumni. Ainsi, nous proposons aux alumni intéressés un parcours d’engagement en trois étapes, qui correspondent aux étapes clés par lesquelles on passe le plus souvent quand on s’engage sur ce chemin de transformation :
1. Être sensibilisé, c’est-à-dire développer un socle de connaissances. Nous allons compléter l’offre d’ateliers et fresques déjà en place, à commencer par la fresque du numérique, de la biodiversité, de la construction et de la finance. Nous allons également créer un centre de ressources sur notre site, centralisant les principaux ordres de grandeur et des sources référentes pour s’auto-former.
2. Être acteur, c’est-à-dire outillé et formé pour mener la transformation de son entreprise, qu’on choisisse de la transformer de l’intérieur, de rejoindre une entreprise à impact, ou de mener son propre projet entrepreneurial. Pour ce faire, nous avons deux actions complémentaires :
- Adapter nos dispositifs existants à l’enjeu de transition. Ainsi, nous allons proposer des weblunchs avec les experts du club ETA pour permettre aux alumni de creuser des sujets comme le bilan carbone, l’analyse du cycle de vie ou la société à mission. Ou encore les deux séances de coaching offertes aux cotisants pourront être consacrées à cette transformation.
- Sélectionner les formations les plus pertinentes en la matière, à commencer par celles de l’ESSEC, qui propose une vingtaine de MOOCs dédiés à la transition, dont « Entreprise et Changement Climatique », « Diversité et Inclusion sur le lieu de travail » ou encore « Impact investing ».
3. Rejoindre un collectif à impact positif pour amplifier la portée de son action individuelle. Nous espérons qu’un grand nombre d’alumni rejoindront nos clubs engagés et utiliseront ces nouveaux services… et qu’ils en seront satisfaits. Nous allons également consacrer une bonne partie de notre ligne éditoriale au partage des parcours inspirants de diplômés qui sont déjà dans la transformation.

RM : Quel est le rôle des clubs engagés, notamment ESSEC Transition Alumni ?

S. Jossermoz : ESSEC Transition Alumni est en train de formaliser sa raison d’être, à la fois parce que le club a franchi un cap de maturité, après deux ans d’existence, et aussi parce que notre engagement nécessite d’être très clairs sur nos rôles respectifs et nos complémentarités. ETA est là pour nous nourrir avec son expertise, et ses membres ont un rôle essentiel à jouer à ce titre. Je pense notamment à Alain Risbourg (EXEC MBA 00) qui a créé son MOOC « Engagez-vous dans la transition écologique », disponible sur OpenClassrooms.
Surtout, j’ai le plaisir de vous annoncer le lancement du podcast ETA « Bouge de là » le mois dernier : il donne la parole à ceux qui se mobilisent au sein de leur entreprise, ou ont fait le choix de la quitter, pour avancer vers un monde bas-carbone et respectueux du vivant.
Les clubs ETA et Sustainable Business ne sont pas les seuls clubs à s’engager sur ce sujet. Je pense notamment à nos clubs professionnels (immobilier, finance, automobile, entrepreneurs, luxe…) qui se sont emparés du sujet et qui jouent un rôle majeur, au travers de leurs événements et actions collectives, dans l’impact de nos alumni dans ces secteurs.

RM : Quelle articulation avec l’axe stratégique « Together » porté par l’école ?

S. Jossermoz : Nous sommes alignés et nous avançons ensemble, en apportant chacun notre expertise : la formation et la recherche pour l’ESSEC, l’animation de la communauté, l’action collective et la connaissance de la sphère professionnelle pour l’association.
Nous collaborons étroitement pour élaborer des formations en accord avec les attentes que les alumni ont exprimées dans l’enquête, en particulier le besoin de formations sectorielles ou de métiers. Certaines de ces formations pourront donner lieu à des partenariats avec des acteurs majeurs de la transition. Ici encore, nous sommes convaincus que l’ouverture inter-écoles et la mixité entre les profils de managers, d’ingénieurs, de designers, etc., sont sources de richesse et d’efficacité.
Enfin, je vous invite à aller visiter le site d’ESSEC Impact Initiative, qui regroupe toutes les initiatives menées par l’ESSEC depuis 2003, au service de l’impact. Plusieurs d’entre elles sont parfaitement adaptées aux besoins des alumni qui souhaitent s’engager dans la transition environnementale et sociale, comme le laboratoire E&MIS pour la mesure d’impact, ou l’incubateur Antropia ESSEC avec ses programmes Start Up et Scale Up.

RM : Comment éviter les risques d’accusation de greenwashing ?

S. Jossermoz : En dépassant la déclaration d’intention, et en donnant la preuve de notre impact et de notre influence en matière de transformation des entreprises. Ainsi, nous allons mesurer régulièrement l’évolution des items clés de notre enquête.
Nous allons également mettre en place des indicateurs de performance à l’échelle de l’association. Nous avons trois objectifs :
- en 2023-2024 : 1 500 alumni sensibilisés, outillés et formés chaque année – avec une bascule progressive de la sensibilisation vers la formation ;
- un niveau de satisfaction supérieur à 8,5/10 pour nos services ;
- en 2025 : 25 % d’alumni se déclarant activement engagés dans la transformation des entreprises(vs 18 % en 2022).

RM : Avez-vous un mot de la fin à l’attention des diplômés ?

S. Jossermoz : Le sujet est systémique et complexe, mais, vous nous l’avez dit, vous êtes très préoccupés et vous souhaitez vous former et agir. Alors, rejoignez nos clubs engagés et nos clubs professionnels ! Venez participer à nos fresques, ateliers et formations ! Challengez-nous ! Vous êtes tous les bienvenus, parce que je suis convaincue que c’est ensemble que nous arriverons à avancer et à contribuer à la transformation des entreprises.

Propos recueillis par François de Guillebon et Michel Zerr, rédacteur en chef et correspondant de Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #145. Pour voir la version digitale du numéro, exceptionnellement en accès libre, cliquer ici. Pour recevoir les prochains numéros, cliquer ici. 

Image : © Arnaud Calais