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Reflets Mag #151 | Marie-Pierre Schickel (E95), directrice générale d’ESSEC Alumni : « Il ne faut pas avoir peur d’oser »

Actus d'ESSEC Alumni

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31/01/2024

Dans Reflets Mag #151, Marie-Pierre Schickel (E95) dévoile sa feuille de route, cent jours après avoir succédé à Stéphanie Bouvier Jossermoz (E94) à la direction générale d’ESSEC Alumni. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Pour que les alumni puissent faire ta connaissance, peux-tu déjà nous parler de ton parcours ?

Marie-Pierre Schickel : Je viens d’une ville de province, Châlons-sur-Marne. Bac en poche, sur les conseils d’amis, j’ai opté pour une prépa, Ginette en l’occurrence. Un peu de commerce, l’ouverture sur le monde, l’international, voilà ce qui m’attirait. J’ai donc intégré l’ESSEC et en ai profité pour saisir toutes les opportunités qui s’offraient dans le monde professionnel, les stages, et l’international en particulier. Quatre mois à Londres d’abord au bureau international chez Seagram, un échange à Chicago et dix mois au Japon. Voilà pour les études.

RM : Et côté boulot ?

M.-P. Schickel : Le côté multidisciplinaire du conseil m’intéressait. J’ai donc passé quatre ans chez Bain, notamment à Boston pendant deux ans, entrecoupés par trois mois à Londres. Puis est venu le début de la bulle internet. D’un côté, je ne me sentais pas entrepreneuse dans l’âme. De l’autre, je voulais vivre l’entreprise de l’intérieur. À l’époque, j’ai suivi un manager chargé de diriger le département stratégie du Club Med. J’y suis restée six ans. J’étais basée à Paris, mais avec une centaine de villages répartis dans le monde, mes missions m’amenaient à bouger pas mal. Et puis ma vie familiale m’a offert l’opportunité de partir en Italie pour le Club. L’idée de découvrir une culture de l’intérieur me séduisait beaucoup. J’y resterai 20 ans !

RM : En Italie, tu commences au Club Med pour atterrir finalement dans l’éducation ?

M.-P. Schickel : Oui, après trois ans comme directrice communication et marketing pour faire rayonner la marque Club Med auprès de la clientèle en Italie et un passage en freelance, j’ai décidé de retourner à l’école, mon côté « lifelong learner ». J’ai intégré la Domus Academy pour un master en business design. Avec moi, j’avais des designers qui voulaient comprendre le business. Jusque-là, j’avais fait du marketing, des études quali/quanti, des focus groups, etc. Le designer, lui, porte un tout autre regard sur l’utilisateur, pour lequel il a de l’empathie. Son focus, c’est de tenter de comprendre les personas, leurs besoins, d’utiliser si nécessaire l’ethnographie, la sociologie… Alors forcément, je suis tombée dans le chaudron du design. D’étudiante je suis passée à enseignante et puis la Domus Academy m’a demandé de lancer un master en luxury brand management, que j’ai dirigé pendant six ans.

RM : Ton parcours dans l’enseignement t’a aussi confirmée dans ta volonté de transmettre ?

M.-P. Schickel : Oui, les cinq dernières années, avant de revenir à Paris, je me suis pas mal impliquée auprès d’un incubateur d’entreprises. Je faisais du mentorat auprès des startups au sein d’une association de business angels. C’est une chose de travailler avec un entrepreneur sur sa solution, son business model, son go to-market, etc. Mais passer du côté investissement, ça t’implique plus : tu investis et tu t’investis. Transmettre est devenu un fil rouge : en enseignant, en créant des programmes ou en tant que mentor pour Young Women Network. Mon engagement auprès d’ESSEC Alumni va totalement dans ce sens. Notamment avec le pilier « Inspire », qui est de montrer aux jeunes générations des rôles modèles. Nous sommes souvent trop humbles à l’ESSEC. Or, il faut faire entendre sa voix, on n’imagine pas l’impact que cela peut avoir sur les étudiants et les jeunes diplômés.

RM : En quoi ce parcours te nourrit-il pour ta mission ?

M.-P. Schickel : Pour tout ce que l’on vient de se dire. Le pilier « Connect » résonne particulièrement en moi parce que je suis une « people person ». Je ne parle pas ici seulement de réseau mais de collectif. Face aux challenges actuels, tout seuls, nous n’y arriverons pas. Nous vivons dans une société où des gens, au top de leurs compétences, crise économique ou pas, peuvent avoir du mal à rebondir après 50 ans. Ça peut arriver à tout le monde. Et dans ces cas-là, que fait-on ? Oser demander de l’aide, c’est fondamental. Et donc, avoir aussi le pilier « Support » au cœur de notre mission ESSEC Alumni reste clé.

RM : Pourquoi as-tu eu envie de t’impliquer dans ESSEC Alumni ?

M.-P. Schickel : J’étais indépendante mais je cherchais un projet et une structure qui puissent utiliser toutes les cordes de mon arc. Comme je faisais partie du Chapter Italie, je me suis rapprochée d’ESSEC Alumni via ses services. C’est là que l’offre d’emploi s’est présentée et, franchement, en voyant la job description, c’était le rôle « that made sense ».

RM : C’est très cohérent en fait.

M.-P. Schickel : L’envie de m’impliquer dans ESSEC Alumni avait une composante « give back » extrêmement forte. Il m’a semblé que l’association pouvait faire levier sur mes différentes expériences mais aussi sur mes sensibilités : l’international, l’intergénérationnel, la connaissance et l’empathie pour le client. Je me suis rapprochée de l’association quand j’avais envie de me rapprocher de mes racines. C’est une question de timing, mais c’est aussi parce que j’ai fait marcher le réseau.

RM : Parlons d’ESSEC Alumni. En comparaison avec d’autres associations d’écoles, elle a la particularité d’être indépendante et de jouer un rôle significatif dans la gouvernance de l’ESSEC. Qu’est-ce que cela implique pour toi ?

M.-P. Schickel : C’est très sain, parce que nous sommes indépendants, mais dans un continuum. Non seulement les rapports sont excellents, mais nous avons beaucoup d’interactions. Notre président Olivier Cantet (E87) est au conseil de surveillance de l’école. Et l’ESSEC est présente à notre conseil d’administration. In fine, nous avons les mêmes objectifs. Le mien sera de faire rayonner les alumni et, en conséquence, de faire rayonner l’école.

RM : Ce rayonnement passe donc par l’animation du réseau ?

M.-P. Schickel : Nous devons développer le réseau alumni et le sentiment d’appartenance à ce réseau. C’est vraiment une question de fierté, une fierté porteuse de sens et de valeurs. Il faut susciter l’envie de le faire savoir, haut et fort. C’est un vrai challenge. Il faut optimiser nos supports de communication, et pas uniquement à destination des francophones. Il faut diffuser partout et stimuler l’envie chez nos alumni de partager ces informations.

RM : Qu’as-tu reçu comme feuille de route pour cette mission ?

M.-P. Schickel : Une chose est sûre, cette feuille de route n’est pas « ma » feuille de route, top-down. Nous sommes les héritiers d’un historique, de gens qui ont tracé la route et de leurs valeurs. N’oublions pas qu’une association comme ESSEC Alumni, qui fête ses 100 ans, est riche d’un patrimoine que nous devons valoriser. Mon équipe et nos bénévoles sont donc porteurs de tout cela. Alors dans la feuille de route, il y a déjà très clairement l’internationalisation. Autrement dit faire émerger cette part de notre network de plus en plus importante.

RM : Cette internationalisation passe par une plus grande digitalisation.

M.-P. Schickel : Au-delà du mot « digitalisation », un peu fourre-tout, il y a le changement de business model avec plusieurs questions qui émergent : comment rendre plus accessibles mes services au plus grand nombre, d’une part, et comment avoir une offre de service toujours pertinente, d’autre part. Dans le luxe, un secteur que je connais bien, le plus grand risque c’est de vieillir avec ses clients. Il ne faut donc pas avoir peur de se défaire des « ball and chain of heritage ». Quand ton héritage devient le boulet que tu traînes, il faut innover. Avec une base alumni qui rajeunit, il faut comprendre comment garder la connexion avec les jeunes générations, elles qui ont une nouvelle capacité à s’auto-organiser au travers de plateformes digitales. Il faut donc savoir évoluer. L’IA, ChatGPT, les innovations technologiques ne doivent pas nous faire peur mais être vues comme des opportunités. Nous ne devons jamais perdre notre esprit pionnier. Encore une fois, ce qui doit nous rendre indispensables, c’est la connaissance intime de nos alumni et de leurs besoins.

RM : Et je suppose que dans ta feuille de route, l’offre Lifelong Learning occupe une place importante ?

M.-P. Schickel : Absolument. C’est l’un de nos services mis en œuvre récemment. Mon expérience dans le monde de l’éducation y a toute sa place. Notre rôle, c’est d’orienter. Nous possédons la connaissance du besoin, maîtrisons les réseaux et, surtout, nous sommes en contact étroit avec l’école, nous connaissons donc toutes les offres de formations fantastiques que les gens peuvent aller suivre à l’ESSEC Executive Education, les cours en ligne ou les conférences. Mais l’offre Lifelong Learning va bien au-delà, avec nos clubs professionnels notamment. Nous vivons dans un monde qui évolue tellement vite qu’il ne suffit plus d’être curieux. Il faut s’informer et se former pour ne pas avoir peur, pour garder l’esprit ouvert. L’offre Lifelong Learning, c’est ça aussi : une formation longue, des formations courtes, des conférences, des échanges de connaissances.

RM : C’est donc une manière de mettre à jour son logiciel.

M.-P. Schickel : Absolument, et plus tu montes, plus tu as besoin de le mettre à jour. Quand tu deviens DG, CEO, patron de business unit, etc., tu t’entoures d’experts mais tu as besoin de comprendre les enjeux. Sans oublier les jeunes générations qui peuvent faire du reverse mentoring envers les personnes plus expérimentées.

RM : Justement, qu’en est-il de l’intergénérationnel ?

M.-P. Schickel : Cela fait aussi partie de ma feuille de route. Comment faire en sorte que nos étudiants, nos jeunes diplômés, acquièrent un réflexe ESSEC Alumni ? Un lieu comme la nouvelle Maison des ESSEC, moderne, accueillant, peut participer à changer cet état d’esprit. Nous allons nous attacher à développer un lien entre étudiants et jeunes diplômés dans nos clubs, par exemple. Il faut réfléchir à la création de binômes, il y a tellement de choses à apprendre l’un de l’autre. Nous devons proposer des offres aux uns et aux autres, mais aussi des offres ouvertes à toutes les générations confondues.

RM : Tu es arrivée il y a plus de 100 jours. Que trouve-t-on dans ton rapport d’étonnement ?

M.-P. Schickel : Déjà, c’est tout ce que fait ESSEC Alumni, de très bien, de très qualitatif. Et son pendant : comment faire en sorte que plus de gens le sachent ? Parce que plus on fait, plus il faut communiquer. Ce sont aussi des services utiles et bien faits, avec l’appui des équipes et des bénévoles. Autre rapport d’étonnement, plus interne, c’est de bénéficier d’une équipe dévouée et passionnée. Avec un sens de la mission qu’il est important de protéger. Autre priorité, la Maison des ESSEC, c’est un formidable outil. Pour moi, c’est un outil de « mass connection », de reconnexion et de synergie. Il faut qu’on le valorise au maximum, dans tous les sens du terme. C’est un container qu’il nous faut remplir. Et puis il faut que les alumni se l’approprient. Et ça commence plutôt bien, on le constate quand on vient dans les locaux. Chacun peut y venir : c’est sa maison. Enfin, pour terminer sur le rapport d’étonnement, au bout de quatre mois et même après, je veux m’autoriser aussi à dire des bêtises. Encore une fois, on a le droit de se tromper, sinon on n’expérimentera pas.

RM : Où en sommes-nous côté transition ?

M.-P. Schickel : Nous avons ce pilier « Together to Act » en commun avec l’école qui a été décidé et sanctuarisé il y a deux ans. Vincenzo Esposito Vinzi, directeur général du Groupe ESSEC, citait, à l’occasion du classement de ChangeNOW / Les Échos START où notre école se hisse au premier rang des écoles de commerce les plus engagées dans la transition écologique et sociale pour la deuxième année consécutive, le fait que 58 % des ESSEC travaillent de près ou de loin dans la transition. De notre côté, nous avons d’abord mené une enquête pour comprendre les attentes de nos alumni sur le sujet. Depuis, nous avons été très actifs sur la sensibilisation, entre les Ateliers 2tonnes, les Fresques du Climat et de la Diversité. En parallèle, notre communauté regorge d’alumni déjà engagés, ceux qui ont créé des entreprises à mission, ceux qui sont dans des jobs RSE, les entrepreneurs à impact, etc. C’est sur cette crédibilité qu’il va falloir davantage s’appuyer. C’est une grosse piste de réflexion pour 2024 : comment capitaliser sur ces alumni déjà engagés ? Quand on parle de communauté, ce n’est pas juste des gens qui portent un même badge. C’est aussi partager des expériences, parce qu’il est toujours plus facile de croire ses propres pairs. Ici encore, c’est tout à fait lié au Lifelong Learning. Les ESSEC portent cette thématique. Avec les clubs notamment. Je pense au Club ETA (ESSEC Transition Alumni) ou au Club Sustainable Business mais également au Club Travel, qui a récemment fait des conférences sur le slow travel et sur l’inclusivité au niveau RH, ou encore au Club Digital & Technologie, qui va parler d’impact numérique. Comment mieux faire émerger tout ce mouvement pour inciter les autres à aller dans cette direction ? Voilà une question.

RM : Un mot sur la santé financière de l’association ?

M.-P. Schickel : La cotisation à vie a pérennisé et accru nos moyens d’action. Grâce à elle, l’association s’est donné les moyens de mettre en place un certain nombre de services nécessaires et adaptés aux besoins d’aujourd’hui. En termes de ressources, nous sommes ainsi parvenus à ce fameux rythme de croisière que nous avions anticipé. Autrement dit, avec une communauté qui se développe fortement en volume, il faudra chercher des ressources supplémentaires pour développer de nouveaux services.

RM : Cela passe donc par des arbitrages ?

M.-P. Schickel : C’est certain, dès lors que le nombre d’utilisateurs augmente, il faudra faire des choix, là où ça a de la valeur. Le tout gratuit ne valorise pas ce que l’association réalise. Or les services que nous proposons sont à forte valeur ajoutée. La santé financière nous oblige à bien gérer. En termes de gouvernance, nous continuerons à être prudents. Nous pouvons prendre des risques sur ce que nous voulons expérimenter, mais zéro risque au niveau financier.

RM : Pour terminer, quel message souhaites-tu faire passer aux alumni ?

M.-P. Schickel : Je pense que ce qu’on doit imaginer pour l’association demain devra être porté par les alumni. Je souhaite donc co-construire notre futur plan stratégique avec eux et ça, on s’y attachera en 2024. Côté école, 2024, c’est l’atterrissage de la stratégie RISE. Elle vient de faire appel à son staff, à ses élèves et à ses diplômés pour co-construire et se poser la question de ce qui rend l’ESSEC unique et de ce qui est important pour l’avenir. Les alumni ont ainsi été sollicités pour le plan stratégique des quatre prochaines années. J’aimerais avoir la même approche que je trouve saine. Et nos bénévoles, ces alumni qui animent 139 clubs et groupes et 90 chapters, auront un rôle capital à jouer.

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #151 . Lire le numéro (exceptionnellement en accès libre). Recevoir les prochains numéros.

 

Image : © Christophe Meireis

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