Reflets Mag #151 | Olivier Cantet (E87), président d’ESSEC Alumni : « Le bon moment pour se réinventer »
Dans Reflets Mag #151, Olivier Cantet (E87) dresse le bilan de cinq ans à la présidence (bénévole même s’il préfère le terme de volontaire) d’ESSEC Alumni, avant de transmettre les clés lors de l’assemblée générale du printemps prochain. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !
Reflets Magazine : Tu vas quitter la présidence quelques mois après l’installation de l’association au 11, avenue de Friedland (Paris 8e) dans des nouveaux locaux pimpants, modernes et accueillants. Mais déjà, à quoi sert une Maison des ESSEC ?
Olivier Cantet : La finalité d’une Maison des ESSEC revient à se poser la question du sens de l’association. ESSEC Alumni vient de fêter ses cent ans. Elle a fonctionné par phases. La première a commencé par la création de l’école avant la Première Guerre mondiale. Elle a alors vu nombre de ses étudiants mobilisés, morts au combat, blessés. De là a germé l’idée d’une association, née au sortir de la grande boucherie, dont la vocation était de participer à la reconstruction en aidant ses pairs. C’est un élément fondateur fort. L’Institut catholique hébergeait alors l’école et l’association rue d’Assas à Paris. La guerre a de nouveau marqué l’histoire de notre association : en 1948, un appartement est acheté grâce à la générosité de quelques diplômés au 10, rue de Copenhague. Nous avons ensuite déménagé au 34, rue de Liège, toujours dans le 8e. Vers la fin des années 1990, une nouvelle étape est franchie. Plus de 100 alumni, mobilisés autour de Jean-Pierre Scotti (E75), ont permis de financer en fonds propres une grande et belle Maison des ESSEC au 77, rue Cortambert dans le 16e (un immeuble entier, en fait). Nous y avons été installés durant quasiment 25 ans. Avec cette nouvelle Maison des ESSEC avenue de Friedland, nous sommes au commencement d’une nouvelle phase, ambitieuse, ancrée dans l’avenir et au cœur des chemins de tous les alumni.
RM : Le choix a été fait de louer des bureaux, à deux pas de la place de l’Étoile. Peux-tu nous expliquer ce choix ?
O. Cantet : Quatre années auront été nécessaires pour « bien faire le job », pour réaliser un de nos rêves et nous retrouver « à la maison ». Entre concertations, expertises, vente, location, déménagement et emménagement. L’urbanisme et les modes de travail évoluent beaucoup sur une génération. Nous souhaitions une adresse plus fédératrice pour attirer les jeunes promos et les étudiants ainsi que des espaces plus fonctionnels pour se retrouver. Après avoir constitué un comité de spécialistes au sein de l’association – dont Marc Bokobza (M88) et Jacques Bonafé (M17) –, en accord avec les fondateurs de la Maison des ESSEC nous avons opté, à la sortie du Covid, pour la vente de Cortambert. Cette première étape a été réalisée dans d’excellentes conditions.
RM : Quelle a été la deuxième étape ?
O. Cantet : Il s’est agi de rechercher un bien pour accueillir de nouveau tout le monde. Le choix s’est porté dans une zone plus centrale sur l’axe Cergy-Défense-Étoile-Auber afin de faciliter l’accès depuis les quartiers des affaires comme des campus parisiens. Nous nous sommes positionnés tant en acheteur qu’en locataire. Le réseau des ESSEC présents dans l’immobilier nous a permis de pister une très belle « maison » qui allait être mise en location au 11, avenue de Friedland, 800 m² qui correspondaient exactement à nos besoins. L’objectif à horizon 2028-2030 reste de pouvoir acheter et posséder nos murs.
RM : Comment ce lieu a-t-il été pensé et organisé ?
O. Cantet : Nous souhaitions proposer un lieu de rencontres comme de travail, et plutôt de plain-pied. Un espace où on pourrait à la fois échanger, se réunir, faire la fête, partager un café. Un espace atypique aussi, soit dans les volumes, soit dans la localisation. Avec l’avenue de Friedland et son jardin ouvert, nous cochons toutes ces cases. Le coup de cœur a été quasi immédiat.
RM : Et les projets sur cet endroit à court terme, à moyen terme ?
O. Cantet : Il faut que cela soit la maison de tous et toutes. Nous pouvons désormais accueillir à la fois le matin, le midi et le soir. Espace de coworking entre l’ensemble des ESSEC de l’écosystème, c’est aussi un lieu de rencontre pour nos clubs, pour les chaires de l’école, entre diplômés, étudiants – beaucoup s’arrêtent, viennent travailler et s’y sentent à l’aise – et professeurs. Il y a encore plein de choses à imaginer, progressivement, mais c’est un vrai métier d’hospitalities que nous sommes en train de développer.
RM : Avec l’adhésion à vie, la définition d’alumni a considérablement changé. Quel bilan aujourd’hui ?
O. Cantet : L’année dernière, nous étions à 18 511 cotisants sur 62 000 diplômés. La cotisation, qui est payée une fois pour toute la vie, entraîne deux changements. Le premier, c’est qu’on devient alumni dès le premier pas sur le campus. En 2019-2020, nous y avons donc installé une permanence d’ESSEC Alumni, ainsi qu’à Singapour. Cela nous oblige aussi à être présents dans un engagement sur le très long terme (à vie) vis-à-vis des cotisants d’aujourd’hui.
RM : Et le deuxième changement ?
O. Cantet : C’est que, n’ayant plus besoin de courir après les cotisations autant qu’auparavant, 90 % du temps est désormais consacré au service des utilisateurs, vous les alumni. Stéphanie Bouvier Jossermoz (E94), qui était directrice générale de l’association pendant cette période, a pu libérer une énergie considérable pour développer les services existants, en créer de nouveaux et lancer de nouvelles initiatives.
RM : C’est plutôt un bon point ?
O. Cantet : Bien sûr, mais attention cependant. Nous comptons aujourd’hui deux fois plus de cotisants qu’en 2017. En 2030, nous devrions être entre 30 et 35 000 cotisants pour la vie. Avec ce nombre qui ne fait qu’augmenter, notamment à l’international, il va falloir trouver comment répondre à leurs demandes avec des ressources qui, elles, resteront stables.
RM : Avec 20 % de diplômés à l’international, comment ESSEC Alumni peut s’adapter ?
O. Cantet : Le nombre de nos chapters aux quatre coins de la planète a considérablement augmenté. Nous en comptons aujourd’hui 90. L’association est au service de tous les alumni, mais notre effort doit porter en premier lieu sur les volontaires bénévoles. L’association ne peut rayonner, notamment à l’international, que si on donne les moyens en ce sens à des alumni volontaires au Vietnam, aux États-Unis, à Londres ou en Afrique. Nous avons constitué pour cela une équipe permanente autour de Veary Ngy. Nous avons en outre énormément investi depuis quatre ans dans le digital avec également une équipe interne. Nous avons rassemblé toutes nos bases de données, automatisé un certain nombre de services aux bénévoles pour pouvoir organiser efficacement les manifestations.
RM : Avec ce changement de mindset, comment fait-on pour créer un sentiment d’appartenance alumni ?
O. Cantet : C’est une question importante et un enjeu croissant avec des diplômés de plus en plus internationaux, ou avec des cursus plus courts qui restent moins longtemps dans l’école. L’appartenance et la fierté se construisent avant tout sur le campus. Mais aussi grâce à toute la communication que nous activons – newsletters, site, réseaux sociaux – et à Reflets ESSEC Magazine. Vos histoires professionnelles sont diverses, variées et inspirantes. Notre équipe de journalistes a le talent pour les raconter, pour parler à toutes les générations, pour nous surprendre par les personnalités. Chacun peut se sentir proche et heureux d’être ESSEC.
RM : Que peut-on imaginer comme autre projet en termes de communication ?
O. Cantet : Nous avons essayé de développer des événements à plus forte visibilité. C’est ce qu’on a fait avec l’ESSEC Alumni Day autour de la diversité. Pendant 24 heures, l’ensemble des chapters a été impliqué autour d’une thématique, la diversité et l’égalité des chances, au sein des entreprises, de l’école, de la société civile de façon générale, avec des intervenants de très haut niveau, des débats, du contenu. C’est une très belle réalisation que nous devrions renouveler. C’est un enjeu de visibilité sur lequel on travaille main dans la main avec l’école.
RM : Justement, en parlant de l’école, peux-tu faire un point sur les relations qu’elle entretient avec ESSEC Alumni ?
O. Cantet : La gouvernance du groupe ESSEC est très originale. C’est une association loi de 1901, plus que centenaire, qui réalise plus de 130 millions de chiffre d’affaires dans plusieurs pays. La gouvernance de l’école tient avec un bel équilibre entre le comité de direction de l’école, présidé par Vincenzo Esposito Vinzi, la CCI Île-de-France, l’Institut catholique de Paris et les alumni. Nous avons donc un rôle déterminant dans la gouvernance. C’est le président des alumni qui nomme le président du conseil de surveillance, organe qui valide les décisions essentielles de l’école. Nous avons la chance que Pierre-André de Chalendar (E79) remplisse cette mission depuis cinq ans avec énormément d’implication. Et, je le crois, de plaisir. Nous sommes présents au sein du directoire que préside Annick Schwebig avec Jean-Luc Decornoy (E75). Jean Arvis (E74) dirige le comité financier. ESSEC Alumni remplit une double mission : garantir la pérennité et soutenir des projets ambitieux et pionniers qui vont changer la donne.
RM : Les choses ont beaucoup évolué ces dernières années avec l’ESSEC ?
O. Cantet : Depuis cinq ans, nous sommes parfaitement alignés. D’abord le Groupe ESSEC va très bien, tant académiquement que dans sa solidité financière. De grands projets sont possibles, comme la magnifique rénovation du campus de Cergy et d’autres initiatives qui sont travaillées avec Vincenzo Vinzi et son équipe. Je voudrais aussi rappeler que la cotisation unique pour la vie n’aurait pas pu exister sans elle – et sans Charles Bouaziz (E85), mon prédécesseur. Ce modèle-là a été co-développé car c’est un modèle qui est gagnant. La réputation de l’ESSEC est bien sûr liée à la qualité des étudiants, à celle des professeurs, mais aussi à celle des diplômés qui sont autant de promesses tenues dans les entreprises !
RM : Comment vois-tu le continuum étudiants-alumni ?
O. Cantet : Je te disais qu’on est alumni dès le premier pas à l’ESSEC. Mais on est aussi étudiant jusqu’au dernier jour de sa carrière. Nous pouvons facilement mobiliser l’expertise et l’intelligence collective à l’école, mais aussi à la sortie de l’école. Historiquement, il y avait deux lieux différents : l’école à Cergy pour les étudiants, et la Maison des ESSEC à Paris pour les diplômés. Tout cela existe toujours, mais on est venu ajouter une couche, digitale. On peut être étudiant, s’installer avenue de Friedland et suivre un cours de l’ESSEC. On peut être chez soi et suivre un cours ou une vidéo de l’ESSEC Executive Education. La temporalité a beaucoup changé, mais aussi l’espace physique a explosé. Le digital permet de nourrir toutes ces situations-là, sans frontières, sans barrière physique.
RM : Pour toi, c’est un pari réussi ?
O. Cantet : Je crois sincèrement que nous avons aujourd’hui une association très solide et efficace qui dégage une belle énergie et la joie d’être toujours ensemble. Elle remplit tellement de missions avec ouverture. En cinq ans, ESSEC Alumni a su s’adapter à la situation du Covid, à la digitalisation, à un changement de modèle économique. Avec Stéphanie Bouvier Jossermoz et les équipes permanentes, nous avons d’abord installé de multiples services autour de trois piliers : « Inspire », « Connect », « Support ». Puis ce qui germait s’est tout à coup cristallisé durant le Covid. On ne travaillait pas uniquement pour garder des liens, orienter les uns et les autres, ou faire rayonner l’ESSEC. Nous travaillons aussi pour le bien commun. Nous avons redécouvert notre capacité d’impact collectif qu’il fallait mobiliser. C’est là qu’est arrivé le dernier pilier, « Together to Act », qui œuvre pour accélérer la transition environnementale mais aussi sociale, dont la diversité et l’égalité des chances. C’est une mobilisation qui se met aussi au service de la Fondation ESSEC présidée par Thierry Fritsch (E80), qui se développe rapidement et finance la majorité des bourses d’étudiants.
RM : C’est aussi collectivement que tu souhaites que l’on réfléchisse à l’avenir de l’association, au moment où l’ESSEC fait aussi appel à la co-construction ?
O. Cantet : Exactement. Je pense qu’il y a une concordance des calendriers. Chaque année, 27 000 alumni utilisent nos services. Mais nous sommes face à un écueil, parce que nous en avons considérablement élargi la palette. Le risque de s’éparpiller est réel. Quels seraient les grands projets à fort impact et à forte visibilité à pousser pour développer le potentiel individuel de chaque ESSEC, pour augmenter l’impact collectif de nos groupes, pour l’école ? On va orienter ce travail collaboratif sur les six prochains mois pour se concentrer sur moins et mieux. Je pense que nous pouvons aller beaucoup plus loin, à condition de miser sur les synergies avec notre communauté, l’école et la Fondation.
RM : Qu’est-ce qui t’a rendu le plus fier pendant ces cinq ans ?
O. Cantet : C’est d’abord un plaisir. Le plaisir de donner. La bienveillance, ça paye. Le collaboratif, ça paye. Et justement, ESSEC Alumni est un espace privilégié où la bienveillance et le collectif ont tout le temps de s’exprimer et de donner des fruits puissants. Ça ne participe pas au calcul du PIB et à la croissance, mais ce n’est vraiment pas grave. Ce plaisir se combine avec un grand devoir qui m’anime ainsi que de nombreux ESSEC. Pour agir vite pour la transition et réinventer nos entreprises, il faut que nos jeunes générations prennent rapidement le pouvoir dans le monde économique, social ou politique. Grâce à leur formation et avec notre appui, ils développeront des expertises innovantes ainsi que des valeurs positives et humanistes. Ils gagneront en expérience et en confiance pour être pionniers dans tous les domaines. L’ESSEC, avec les professeurs, avec la direction, avec la Fondation, avec ESSEC Alumni, a beaucoup de cartes en main pour que cette génération fasse la différence.
RM : Comment as-tu vécu le mélange vie perso, vie pro et engagement ?
O. Cantet : Ce n’est pas toujours simple. Ça fait des soirées ou des week-ends parfois bien occupés. Ce sont des moments extraordinairement riches en rencontres pour qui est curieux de la nature humaine, et en particulier dans sa version ESSEC. Je n’ai jamais eu de choix difficiles à faire entre chacune. Naturellement (je crois), l’envie est là. L’énergie suit et le temps se crée. J’ai toujours pensé avoir une chance rare de pouvoir vivre plusieurs vies en une seule.
RM : Pour terminer, comment est-ce que tu vois la suite ?
O. Cantet : Nous sommes aujourd’hui bien installés dans la Maison des ESSEC, dans la relation avec l’école, avec une nouvelle directrice générale talentueuse, Marie-Pierre Schickel (E95). Nous bénéficions d’une belle organisation et d’un bon équilibre, nous sommes clairs sur nos visions. Et c’est justement parce que nous sommes bien installés que le moment est sans doute venu de se réinventer.
RM : Et ta suite, en termes de présidence ?
O. Cantet : Tu le mentionnais quand je suis arrivé, j’ai parlé beaucoup de collaboratif et d’intelligence collective. Je pense que le président ou la présidente doit être au service des alumni, du collectif et du projet. L’idée que nous avons, c’est d’abord de préciser le projet, pour ensuite piloter la transition de présidence avec le conseil d’administration, le comité d’éthique et les anciens présidents, qui veillent à l’équité et la transparence, et bien sûr avec Marie-Pierre Schickel.
RM : Quel souvenir gardes-tu en particulier de ces cinq ans ?
O. Cantet : Certainement l’inauguration du Sports & Recreation Center à Cergy. Un souvenir personnel parce qu’il concerne mon parcours dans l’univers du sport, et mon implication dans le Club Sport Business d’ESSEC Alumni. C’était un moment extrêmement fort pour la Fondation, qui a réussi à mobiliser la communauté sur le financement de ce campus. Ça a aussi été un moment détendu et joyeux réunissant tout ce qui fait du sens dans mon engagement : le collectif, la diversité, le dépassement. Toutes les générations étaient réunies au Foy’s autour des anciens du BDS. On y croisait bien sûr Vincenzo Vinzi, mais aussi son prédécesseur Jean-Michel Blanquer et Amélie Oudéa-Castéra (E02), alors récemment nommée Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques. Un incroyable moment donc, où se retrouvaient réunis dans notre gymnase des champions olympiques, des dirigeants et créateurs d’entreprises, des leaders politiques, des innovateurs sociaux : que des « phénomènes » réunis par le sport et sa valeur éducative, par le goût pour un enseignement supérieur ouvert, par des valeurs humanistes et une recherche de l’intérêt général.
Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag
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Image : © Christophe Meireis
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