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Stéphane de Freitas (E14), multientrepreneur du lien social

Interviews

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27/08/2020

Concours d’éloquence pour les jeunes, application d’entraide et de solidarité, documentaire sur l’entrepreneuriat social… Dans Reflets #132, Stéphane de Freitas (E13) explique comment créer du lien pour impacter positivement la société. On vous met son portrait en accès libre… cliquez ici pour lire le reste du numéro !

À 18 ans, Stéphane de Freitas veut devenir joueur professionnel de basket. Originaire d’une commune populaire de la Seine Saint Denis, il est placé dans un établissement privé de la porte d’Auteuil pour se rapprocher de son club à Rueil-Malmaison, banlieue chic de Paris. « Ça m’a changé de milieu social ! »

La différence se révèle tout particulièrement en classe. « J’avais l’habitude de répondre aux professeurs. J’ai dû apprendre à me taire face à l’autorité et à lever le doigt pour parler. » Il découvre ainsi une ambiance plus propice à l’apprentissage, mais qui forge moins l’esprit critique. « J’en ai gardé la conviction qu’il fallait trouver le juste équilibre entre les deux, et la conscience que la fracture sociale passait aussi par le langage. »

La chance de l’éloquence

Cette idée le poursuit durant ses études de droit à Assas puis à l’ESSEC. Inspiré par les cours de la Chaire Innovation & Entrepreneuriat social, il mûrit peu à peu son projet, qu’il lance à la sortie de l’école : Eloquentia. « Il s’agit d’un programme éducatif d’intérêt général permettant à la jeunesse de s’exprimer librement et de gagner confiance en soi. »

L’action de la structure se déploie sur deux axes. D’une part, des formations à la prise de parole, au collège, au lycée et à l’université. « Depuis notre création, nous avons délivré 10 000 heures de cours à 3000 élèves. » D’autre part, le plus grand concours d’éloquence en langue française, rassemblant chaque année 1000 participants issus d’une trentaine d’établissements scolaires sur tout le territoire. « Rap, slam, poésie, rhétorique… Peu importe la forme choisie, l’important est de défendre son idée. À la première étape du concours les candidats sont seuls face à leur classe, à la dernière les finalistes se retrouvent à la Philharmonie de Paris devant 3000 spectateurs et un jury avec des personnalités comme Edouard Baer et Grand Corps Malade. »

La voix des autres

Objectif de ces initiatives : faciliter le dialogue en société. « Le besoin est pressant et profond en France. Nous sommes une terre d’immigration historique, où le métissage de la population, déjà important, est appelé à se généraliser. Je pense que c’est une chance, mais qu’elle reste à saisir. Pour relever ce défi, il faut apprendre à échanger, à partager, à débattre – à comprendre l’autre et à se faire comprendre des autres, et ce dès le plus jeune âge. »

C’est pour servir cette ambition que Stéphane de Freitas co-réalise avec Ladj Ly le documentaire À voix haute, qui suit le parcours d’une classe inscrite au concours Eloquentia. Le tournage a lieu en 2015. « J’ai voulu donner plus de visibilité à nos actions, en plein débat sur Charlie Hebdo. »

Mission accomplie : d’abord diffusé sur France 2, le film connaît finalement une diffusion en salles et décroche le Grand Prix du Festival de Valenciennes ainsi qu’une nomination aux Césars. « Le succès a été tel qu’il m’a ouvert les portes du Ministère de l’Éducation nationale, où j’ai pu défendre le retour de l’art oratoire dans les cursus scolaires. Je me réjouis d’ailleurs du Grand Oral, même si sa mise en œuvre pose beaucoup de questions. Eloquentia propose d’ailleurs son savoir-faire aux rectorats et aux professeurs pour les aider à s’approprier le sujet. »

Un réseau vraiment social

Si l’éducation est un champ d’action privilégié pour agir sur la société, ce n’est pas le seul. Stéphane de Freitas s’engage également sur le front de la crise environnementale et de la crise sociale, en développant Indigo, application mobile géolocalisée où chacun peut offrir ou demander des objets ou des services. « Vous avez besoin d’une perceuse ? Au lieu de l’acheter, trouvez quelqu’un pour vous prêter la sienne. Vous ne savez pas comment effectuer une démarche administrative ? Faites appel à un membre du réseau pour qu’il vous explique. »

Derrière ces interactions du quotidien, c’est un modèle de société alternatif qui se dessine. « Avec le réemploi d’objets, on mobilise moins les chaînes de production, donc on réduit l’empreinte carbone. Avec l’entraide citoyenne, on évite certaines dépenses aux plus démunis, donc on réduit les inégalités sociales. Et dans les deux cas, on crée du lien en favorisant la rencontre et la solidarité. »

Officiellement lancée depuis 6 mois, la plateforme compte déjà près de 70 000 utilisateurs réguliers et vient de boucler sa deuxième levée de fonds. Objectif en 2020 : tripler le nombre de membres de la communauté. « Je recrute sur des postes en marketing digital et en commercial. Les profils ESSEC sont les bienvenus, n’hésitez pas à postuler ! »

Tous pour tous

Autre projet : la réalisation d’un nouveau documentaire, intitulé Solidarité, qui sortira sur Netflix dans le courant de l’année. « Ça parle d’entrepreneurs sociaux qui agissent à leur échelle, aux quatre coins du monde. Objectif : inciter à s’engager, défendre l’idée que chacun peut faire un geste à son niveau, à sa manière. On doit tous œuvrer pour l’intérêt général ! »

Une nouvelle façon de marteler toujours le même message : nos différences font notre force. « La fragmentation de la société, c’est les médias, l’inconscient collectif. Ce n’est pas le réel. Moi-même, je ne suis pas que banlieusard, que diplômé d’école de commerce ; je me revendique tout à la fois. Car cette pluralité que je porte en moi, cette diversité que nous avons dans notre société, elle est source d’idées, d’innovations, de solutions. C’est en l’écoutant et en l’embrassant qu’on peut répondre à la complexité du monde. »


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets #132. Pour recevoir les prochains numéros du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.

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