2 ESSEC s’engagent pour les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance
70 % des jeunes passés par l’Aide sociale à l’enfance n’obtiennent pas de diplôme et 40 % des SDF de moins de 35 ans en sont issus. Une situation à laquelle veut remédier l'association Les Ombres grâce à un programme de mentorat académique et professionnel personnalisé. Explications d’Antoine Marvier (E23), cofondateur, et Florence Provendier (IMHI 88), directrice.
ESSEC Alumni : Comment en êtes-vous venus à vous intéresser aux jeunes de l’Aide sociale à l’enfance ?
Antoine Marvier : Lors de mes études, j’ai cofondé une première entreprise spécialisée dans le conseil en orientation scolaire pour tenter de rétablir l’égalité des chances au niveau du bac et de Parcoursup. À la suite du décès de mon associé et ami, j’ai voulu mettre le savoir-faire que nous avions acquis dans le cadre de nos activités au service de celles et ceux qui en avaient le plus besoin à mes yeux – en l'occurrence les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance. Mon frère et un autre ami se sont joints à l’aventure pour accompagner ce pivot. Ensemble, nous sommes parvenus à un stade de croissance qui exigeait le recrutement d’une personne expérimentée capable de piloter notre structuration et notre développement, mais aussi de gérer la dimension politique et les liens avec les pouvoirs publics inhérents à notre action. C’est pourquoi nous avons recruté Florence Provendier.
Florence Provendier : Je me suis déjà engagée à plusieurs reprises pour les droits de l’enfant, notamment comme directrice de l’association Un Enfant Par La Main puis lors de mon mandat de députée. Rejoindre Les Ombres, c’est prolonger mon combat de longue date contre le déterminisme social et pour un monde plus juste, qui ne laisse personne de côté, conformément aux objectifs de développement durable de l'Agenda 2030.
EA : Quelles sont les missions et actions de l’Aide sociale à l’enfance ?
A. Marvier : L’Aide sociale à l’enfance constitue le versant administratif de la Protection de l’enfance (le versant judiciaire incombant à la Protection judiciaire de la jeunesse). Depuis les lois de décentralisation de 1983, elle est placée sous la responsabilité de chaque département. Sa mission essentielle consiste à venir en aide aux enfants « en danger » dans leur famille, aux pupilles de l’État et aux mineurs non accompagnés par des actions de prévention, de protection et de lutte contre la maltraitance. Près de 340 000 jeunes lui sont confiés ; la moitié environ est placée dans des établissements, l’autre moitié bénéficie d’un accompagnement à domicile.
EA : Quels sont les parcours des jeunes pendant et après l’Aide sociale à l’enfance ?
F. Provendier : Quand vous savez qu’à votre majorité, ou au mieux à 21 ans, vous ne recevrez plus d’aide de personne, vous vous demandez dès le collège comment vous allez vous en sortir… Et pour cause : 70 % des jeunes passés par l’Aide sociale à l’enfance n’obtiennent pas de diplôme et 40 % des SDF de moins de 35 ans en sont issues ! Il existe des exceptions, mais elles restent encore trop rares.
EA : À quelles problématiques ces jeunes font-ils face au moment de leur orientation ?
A. Marvier : Dans la majorité des cas, la prise en charge prend fin dès 18 ans, ce qui pousse la plupart à suivre des formations courtes. De surcroît, ces jeunes n’ont généralement ni le capital social, ni les codes, ni le réseau pour s’insérer dans le monde professionnel. Beaucoup n’ont même pas accès à un ordinateur ou à un réseau wifi, voire ne savent pas comment répondre à un e-mail professionnel ou remplir un formulaire de candidature.
EA : Face à ce constat, quelles solutions propose l’association Les Ombres ?
A. Marvier : Notre association propose aux jeunes de l’Aide sociale à l’enfance un mentorat personnalisé pour les accompagner dans leur insertion académique, professionnelle et numérique. Chaque jeune peut, de sa propre initiative ou accompagné d’un ou plusieurs référents, formuler une demande d’accompagnement via un formulaire sur notre site co-construit avec plusieurs centres de l’Aide sociale à l’enfance. Nous assurons ensuite la mise en relation avec un ou une bénévole qui correspond au profil du jeune, à la nature de sa demande mais aussi aux recommandations du ou des référents.
F. Provendier : À noter, notre action répond à un droit établi par la loi Taquet du 7 février 2022 relative à la protection des enfants qui, entre autres, instaure l’obligation de proposer systématiquement un ou une mentor aux jeunes accueillis à l’Aide sociale à l’enfance. C’est pourquoi nous avons une démarche « d'aller vers » les structures, à la rencontre des jeunes comme des éducateurs.
EA : Quels résultats avez-vous obtenus jusqu’ici ?
A. Marvier : En 2022, nous avons mentoré 662 jeunes. Depuis la création de l'association, c'est plus de 800 jeunes qui ont été accompagnés, grâce à l’engagement de 300 mentors dont beaucoup sont issus de grandes écoles.
EA : Et quels sont vos projets et ambitions pour Les Ombres dans les mois et années à venir ?
F. Provendier : Nous voulons permettre à chaque jeune de l’Aide sociale à l’enfance d'accéder au mentorat partout sur le territoire. Nous voulons en outre faire connaître notre cause auprès du grand public et devenir l'acteur de référence dans le domaine. À horizon 10 ans, nous espérons ainsi suivre au moins la moitié de ces jeunes « comme leur ombre » grâce à une approche systémique et collaborative.
EA : Comment les ESSEC peuvent-ils soutenir vos activités ?
A. Marvier : Tout d’abord en faisant connaître notre cause ! Parlez-en autour de vous, pour qu’enfin on cesse de surnommer les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance « les oubliés de la République »…
F. Provendier : Ensuite, vous pouvez nous aider à nouer des partenariats avec le monde de l’entreprise. Nous recherchons des partenaires corporate pour contribuer à notre financement, nous apporter du mentorat de compétences ou encore proposer des emplois à nos jeunes. Nous avons déjà la chance de pouvoir compter sur le soutien de la Société Générale, de Capgemini et d’Elevation Capital Partners, et nous espérons que la liste s’allongera bientôt. Chacun et chacune peut participer. Le sort des enfants placés relève de notre responsabilité à toutes et à tous !
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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