Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

Reflets Mag #150 | « Les transports en commun constituent l’un des principaux leviers de décarbonation des mobilités »

Interviews

-

20/12/2023

Dans un dossier consacré aux mobilités de demain, Reflets Mag #150 questionne le lourd impact environnemental du véhicule individuel et ses conséquences : demain, prendrons-nous tous les transports en commun ? Découvrez les réponses de Claire Duthu (E14), COO de Padam Mobility, en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Aujourd’hui, quels sont les principaux modes de transports en commun existants ?

Claire Duthu : Outre les bus, le tram, le métro et les lignes de trains locales, la dénomination inclut aussi les modes de transport partagés (principalement les vélos et trottinettes en libre-service) ainsi que le transport à la demande, historiquement proposé aux personnes à mobilité réduite mais qui se démocratise, voire le covoiturage, du moins lorsqu’il est subventionné.

RM : Quelle part les transports en commun occupent-ils dans les déplacements des Français ?

C. Duthu : Les transports en commun représentent seulement 13 % des kilomètres parcourus par les Français, et 9 % de l’ensemble de leurs déplacements. Ces chiffres cachent toutefois de grandes disparités. Les transports en commun concernent 60 % des déplacements à Paris, 25 % dans l’agglomération parisienne : c’est là qu’ils sont les plus utilisés – mais aussi les plus nombreux. À l’opposé, dans les zones rurales et les agglomérations de moins de 20 000 habitants, leur part s’élève seulement à 3 ou 4 %. Il est certes logique que l’offre soit plus développée dans les territoires urbanisés et densément peuplés. Mais elle n’en reste pas moins sous-dimensionnée pour les zones périurbaines et rurales.

RM : Dans quelle mesure les transports en commun ont-ils un impact environnemental moindre que les transports individuels ?

C. Duthu : Les transports en commun permettent de diminuer le nombre de véhicules utilisés, donc de réduire à la fois la congestion routière, très polluante, et la consommation de ressources pour la production automobile. Ils ont en outre pour avantage majeur de réduire les émissions carbone par passager. Pour des trajets courte distance (moins de 80 km), en moyenne, prendre sa voiture consomme deux fois plus de gaz à effet de serre que prendre le bus, et dix fois plus que prendre le métro. Ces proportions dépendent néanmoins du niveau de fréquentation et du taux de remplissage. Pour un réel effet sur l’environnement, il ne s’agit pas simplement de développer les transports en commun mais aussi de faire en sorte que les conducteurs acceptent de les utiliser à la place de leurs véhicules individuels, en leur proposant une offre suffisamment attractive, notamment en termes de confort, de proximité et de fréquence.

RM : Les transports en commun ont-ils vraiment une chance de s’imposer face aux véhicules individuels ?

C. Duthu : Il le faudra bien : à l’heure de la crise climatique, les transports en commun constituent l’un des principaux leviers de décarbonation des mobilités. On peut agir sur plusieurs plans pour renforcer leur usage. Une couverture territoriale plus large, même dans les zones moins denses. Une plus grande fréquence de passage, adaptée aux nouveaux modes de vie. L’intermodalité, avec la combinaison de plusieurs modes de transport en commun pour desservir jusqu’au dernier kilomètre, et la facilitation des correspondances grâce à des hubs et des solutions de mobilité servicielles intégrées (MaaS). Ou encore des équipements plus inclusifs, notamment pour les personnes souffrant de handicaps physiques ou mentaux.

RM : Pour toutes ces pistes, les transports à la demande s’avèrent une solution particulièrement adaptée…

C. Duthu : Les transports à la demande adressent tous les cas où l’offre « classique » montre ses limites : quand la demande est trop faible, notamment pendant les heures creuses ; quand la demande est inégale, avec des pics en heures de pointe ; quand la demande est trop éparse, comme dans les zones périurbaines ou rurales et dans les parcs d'activités ; quand la demande est trop spécifique, avec des publics comme les seniors et les personnes à mobilité réduite mais aussi les actifs et étudiants qui travaillent à des horaires décalés… En 2019, on recensait ainsi plus de 600 réseaux dédiés en France, utilisés par environ 2 millions d’usagers.

RM : Concrètement, comment les transports à la demande fonctionnent-ils ?

C. Duthu : Caractérisés par leur souplesse d’utilisation, les transports à la demande peuvent adopter différentes configurations. La configuration en ligne fixe prévoit des arrêts prédéfinis et desservis dans un ordre et à des horaires prévisibles. La configuration en ligne virtuelle consiste à desservir uniquement les points d'arrêt réservés d’une ligne régulière ; l'itinéraire peut être suivi dans sa globalité, ou partiellement. La configuration en électron libre permet de prendre en charge le voyageur quelle que soit sa localisation pour une dépose dans une zone déterminée sans aucune contrainte horaire. La configuration multizones couvre plusieurs zones dans un ordre précis ; si l'enchaînement de ces zones est déterminé et fixe, le parcours au sein de chaque zone est flexible et optimisé. Enfin, la configuration en rabattement offre de prendre en charge le voyageur à un arrêt spécifique et de le déposer dans une autre zone, et inversement, avec des passages à heures fixes et consultables à l'avance ; on l’utilise notamment pour les navettes entre gare et aéroport ou pour les transports scolaires.

RM : Les transports à la demande vous paraissent-ils appelés à se développer dans les années à venir ?

C. Duthu : Oui – à plusieurs conditions. Primo : baisser les coûts, particulièrement à l’échelle de petites et moyennes collectivités ; il faudrait des incitations fiscales ainsi que des contributions au financement de l'achat des véhicules (de préférence électriques) et des licences d’aide à l’exploitation de transport à la demande dynamique (via l’UGAP). Deuxio : accroître la visibilité de cette solution auprès du grand public ; outre des campagnes de sensibilisation, on pourrait imaginer l’extension du chèque de 100 € aujourd’hui réservé au covoiturage. Tertio : adresser la pénurie de conducteurs en rendant de l’attractivité à ce métier en berne.  

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets Mag #150. Voir un aperçu du numéro. Recevoir les prochains numéros.

J'aime
1313 vues Visites
Partager sur

Commentaires0

Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire

Articles suggérés

Interviews

Pierre Grateau (E10) : « Nos voiliers-cargos réduisent drastiquement notre impact environnemental »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

24 janvier

Interviews

Jérôme Calot (E06) : « Votre argent à la banque peut financer des activités nocives pour l’environnement »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

05 juillet

Interviews

Reflets Mag #146 | « La France fait partie des pays pionniers de l’économie circulaire »

RM

Reflets Mag

18 avril