Dans Reflets #154, Jérémy Borot (E05), responsable excellence commerciale chez Ingenico, explique comment acquérir les bases de l'intelligence artificielle simplement et rapidement pour s'adapter à un monde où le no code se généralise. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !
Écolier, j’ai étudié le latin. À l’époque, cela se faisait. Et on ne se posait pas la question d’enseigner la programmation à la place. Plutôt qu’une langue morte inutile, on me demande parfois si je n’aurais pas préféré apprendre à coder. Idée intéressante, mais quel code ? Alors que le latin reste figé depuis des siècles, les langages de programmation se succèdent. COBOL (1959), BASIC (1964), PASCAL (1970), C (1972), SQL (1974), C++ (1983), Python (1991), R (1993), Java (1995), PHP (1995), C# (2000), Kotlin (2011), Dart (2011), Swift (2014), Perl 6 (2015), Xamarin (2016), Flutter (2017), SwiftUI (2019)… Dans les années 2020, quel code apprendre ?
Toute langue est code
La question se pose d’autant plus que l’expression à la mode est le no code : l’idée d’interagir avec la machine en langage naturel, presque comme entre humains. À tel point que l’on peut demander en no code aux IA génératives d’écrire des morceaux entiers de code. Essayez ! D’ailleurs, qualifier le français ou l’anglais de no code n’est pas dénué d’ironie. La syntaxe, la grammaire, la conjugaison, la sémantique, le lexique, l’orthographe, la ponctuation, les usages… Ce sont autant de codes qui forment une langue. Récemment, j’ai eu le plaisir de passer quelques heures à créer des images avec l’intelligence artificielle Mi djourney. Pour cela, je n’ai pas eu d’autre choix que d’apprendre à lui parler.
La langue du no code
Il m’a fallu comprendre les mots magiques sans lesquels on n’obtient rien. Pas s’il vous plaît ou Jacques a dit, mais /imagine et /blend. Midjourney ne sait réaliser que deux actions : créer une image ou en fusionner plusieurs. Ne lui demandez pas autre chose ! Ensuite, j’ai vite observé qu’il valait mieux que je me limite aux phrases courtes. Peut-être que je ne savais pas encore bien lui parler ou peut-être que c’est le logiciel qui se perdait. J’ai bien essayé d’enchaîner les phrases lapidaires en les séparant par des points, mais l’outil ignore la ponctuation. Inutile donc de placer des virgules et des points-virgules avec élégance. Il ne les comprend pas. C’est peut-être pour cela que des commandes permettent d’obtenir certains résultats trop complexes à décrire. Si vous lui demandiez un portrait en format paysage, l’IA se trouverait tout à fait désorientée. En revanche, Midjourney saisit très bien --ar 4:1 pour « aspect ratio 4 par 1 » et par conséquent une image quatre fois plus large que haute. En me renseignant, j’ai même découvert des sites spécialisés qui rassemblent les mots que l’IA comprend le mieux. Testez golden hour et whimsical par exemple. D’étape en étape et d’essai en essai, je parvenais de mieux en mieux à mes fins. J’avais assimilé sa langue. Quelle que soit l’IA, pour bien l’utiliser, il faudra donc apprendre son no code.
7 règles pour apprendre vite un no code
Savoir quelle IA utiliser. Tenter de planter un clou avec un tournevis reste un des meilleurs moyens de perdre du temps et de se blesser. ChatGPT écrit du texte quand Midjourney crée des images. Ils sont aussi différents que Word, Excel et PowerPoint. Première étape donc : choisir le bon outil.
Poursuivre un but. Apprendre la langue d’un pays se révèle d’autant plus facile et agréable que l’on vit sur place, que l’on connaît des personnes qui la parlent, que l’on apprécie la culture, que l’on s’en sert pour les affaires ou que l’on s’y rend en vacances. Consacrez votre temps et vos efforts à un code ou à une IA qui vous intéresse !
Tenter beaucoup. L’IA a le mérite de réagir vite. Elle répond souvent en quelques secondes et permet l’erreur. Si un prestataire externe qui facture à la journée prend trois jours à vous revenir après chaque demande, mieux vaux réfléchir avant chaque requête. Avec l’IA… demandez avant de réfléchir !
Apprendre la base. On peut savoir lire et écrire le coréen en moins d’une heure (si si, renseignez-vous sur le Hangul !). 500 mots de vocabulaire et quelques formules grammaticales suffisent à se faire comprendre dans presque toutes les langues. De même, une poignée de commandes et de principes permettent en général de bien maîtriser un outil. Trouvez-les !
Identifier des experts. Un livre. Un site spécialisé. Quelqu’un qui sait déjà faire… on trouve de tout sur Internet. Renseignez-vous quant aux personnes de référence du domaine et profitez-en pour vous asseoir sur les épaules de géants !
Développer sa culture générale. Midjourney réalise de très belles photos à la manière de Robert Doisneau ou en daguerréotype. Encore faut-il connaître Robert Doisneau, le daguerréotype et avoir l’idée de le demander. Acquerrez donc une encyclopédie de la photographie !
Choisir entre maximizer et satisfier. On peut obtenir un résultat acceptable en quelques secondes avec l’aide d’une IA. Ou on peut passer des semaines à affiner une œuvre. Tout comme on peut esquisser un dessin en quelques secondes au crayon ou s’acharner des mois sur un tableau. Souhaitez-vous réaliser une esquisse ou un chef-d’œuvre ? À vous de voir !
Le chemin de l’humain
Finalement, le latin me fut très utile… pour apprendre l’espagnol ! J’ai remarqué un jour que la conjugaison s’avérait parfaitement identique dans les deux langues. Cela m’a motivé à partir à Valencia pour m’intéresser à une nouvelle culture. Un chemin mène toujours quelque part. Apprenez donc à coder dans au moins un langage informatique… et dans beaucoup de no code ! Cela servira.
Sans oublier d’apprendre l’humain… il ne fonctionne pas comme les IA ! Un collègue n’exécutera pas nécessairement ce que vous lui demandez, pas toujours rapidement, n’aura pas la même patience qu’une machine face aux tâtonnements répétés, ne fera pas toujours l’effort de lire vos instructions jusqu’au bout… En revanche, il ou elle pourra tenter de vous comprendre, anticiper vos demandes et faire preuve de créativité.
Alors, en plus du latin et du code… et si vous approfondissiez vos bases de management humain ? Dans un univers de technologie effrénée, les humanités restent d’actualité.
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Image : © AdobeStock
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