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Estelle Peyen (M99) : « La crise de l’eau est mondiale »

Interviews

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23/04/2024

Depuis 3 ans, Estelle Peyen (M99) porte l’initiative XCSS Climate Can’t Wait, qui mêle compétition sportive et échanges avec des populations particulièrement impactées par le changement climatique pour sensibiliser aux enjeux environnementaux. Thème de l’édition 2024 organisée entre la France et le Kazakhstan : la crise de l’eau. 

ESSEC Alumni : Quelles actions menez-vous dans le cadre de XCSS Climate Can’t Wait ?

Estelle Peyen : XCSS Climate Can’t Wait utilise le vecteur fédérateur et moteur du sport pour pousser à l’action face à l’urgence environnementale. Chaque édition s’articule autour d’une semaine de ski de fond sur sable dans un pays d’accueil, prétexte à des rencontres avec des populations particulièrement impactées par le changement climatique qui partagent leurs bonnes pratiques pour s’adapter, ainsi qu’à des opérations de sensibilisation, dont la réalisation d’un documentaire. Mais au-delà de cet événement, nos activités se déploient tout au long de l’année dans le cadre d’une association à but non lucratif, XCSS Cross Country Skiing Sand, agréée 1% for the Planet : organisation de conférences, de projections, de débats, d’ateliers et de formations, participation à des forums ou des congrès internationaux… Nous nous inscrivons ainsi dans la Décennie des Nations Unies pour la Restauration des Écosystèmes et sommes reconnus comme organisation d'observation par le Secrétariat sur les Changements Climatiques des Nations Unies. Le soutien du champion de patinage artistique Gwendal Peizerat, parrain du projet, nous rattache en outre aux valeurs de l’olympisme.

EA : Quel bilan tirez-vous des deux premières éditions de XCSS Climate Can’t Wait ?

E. Peyen : Les éditions 2022 et 2023 portaient sur le Maroc, en coopération avec le village oasien et saharien Hassilabiad pour lequel nous avons mené plusieurs actions concrètes et de proximité : valorisation de l’artisanat local pour freiner l’exode rural, accompagnement des femmes vers l’autonomie financière via le développement d’activités génératrices de revenus, formation des habitants et habitantes à des pratiques agroécologiques pour appuyer leur sécurité alimentaire, contribution à la réhabilitation de l’écosystème naturel et à la restauration du couvert végétal pour lutter contre la progression du désert et l’appauvrissement des sols… Des avancées que nous nous efforçons de pérenniser depuis, notamment en prolongeant nos partenariats avec les institutions qui nous ont soutenus sur place : INRA Maroc, Engie North Africa, ESSEC Afrique…

EA : Quel est le programme de la troisième édition de XCSS Climate Can’t Wait ?

E. Peyen : Cette fois, nous nous tournons vers le Kazakhstan qui partage une année dense et symbolique avec la France dans le domaine du sport comme dans celui de l’environnement. D’une part, Paris organise ses Jeux Olympiques tandis qu’Astana accueille les Jeux mondiaux nomades. D’autre part, les deux pays coordonnent ensemble le One Water Summit. Une occasion toute trouvée de consacrer cette nouvelle édition de XCSS Climate Can’t Wait, qui par nature porte sur les milieux arides et désertiques, à la thématique de l’eau et de la préservation des écosystèmes aquatiques. Et pour illustrer notre propos, notre semaine sportive et solidaire aura lieu cette fois sur les rives du Lac Balkhach, du 16 au 24 mai. N’hésitez pas à me contacter pour recevoir le programme précis. 

EA : Quel message souhaitez-vous faire passer sur le thème de l’eau ?

E. Peyen : La crise de l’eau est mondiale. Les évolutions du climat combinées aux impacts anthropiques entraînent des conséquences multiples sur l’accessibilité et la disponibilité de cette ressource : perturbation du cycle naturel de l’eau, dégradation du couvert végétal et appauvrissement des sols, pollution et assèchement des réserves… Selon l’Aqueduct Water Risk Atlas du World Resources Institute, un quart de la population mondiale est aujourd'hui concernée par un stress hydrique annuel extrême et la moitié au moins un mois par an. Et certaines estimations indiquent que ce chiffre pourrait atteindre les 60 % à l’horizon 2050. L’eau devrait pourtant constituer un droit, non un privilège. 

EA : Face à ce constat, quelles réponses souhaitez-vous mettre en avant avec XCSS Climate Can’t Wait ?

E. Peyen : D’abord, nous voulons vulgariser le concept d’empreinte hydrique, trop rare dans le narratif du changement climatique, alors qu’il nous paraît aussi important que l’empreinte carbone. Ensuite, nous allons mobiliser des acteurs de l’agroécologie, l’agroforesterie et l’agrotourisme, de l’alimentation et du développement durable, de la géographie et des sciences environnementales, et coordonner des coopérations locales et internationales. Enfin et surtout, conformément à notre ADN, nous nous inspirerons des expériences des communautés qui (sur)vivent depuis des décennies en milieux arides. Je pense par exemple aux « khettaras », systèmes traditionnels et séculaires d’irrigation souterraine sous le Sahara pour alimenter les oasis et les villages en eau, qui reposent non seulement sur des techniques ingénieuses mais aussi sur la solidarité et l’esprit de partage, sur la responsabilisation de chaque membre de la communauté pour la viabilité du groupe. Nos civilisations urbaines gagneraient à appliquer les mêmes principes dans leurs modèles de gestion et de gouvernance des ressources naturelles. 

EA : Les événements sportifs eux-mêmes sont régulièrement pointés du doigt pour leur impact environnemental. Quelles mesures prenez-vous pour réduire au maximum l’empreinte de XCSS Climate Can’t Wait ?

E. Peyen : Nous intégrons dans nos KPI les Objectifs de développement durable de l’ONU n°2, 3, 5, 11, 12, 13 et 17, ainsi que le n°6 – « garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable » – auquel nous prêtons forcément une attention particulière. Ainsi nous privilégions des équipements conçus avec des artisans ou intégrant des matériaux recyclés et/ou bios. Nos skis en bois sont de taille unique et utilisables avec tout type de chaussures afin de limiter le matériel. In situ, nous consommons des denrées locales, non transformées, brutes et cuisinées traditionnellement afin de réduire les emballages et les déchets. Nous privilégions aussi les gourdes, en indiquant aux participants les sites où ils peuvent s’approvisionner dans les zones où l’eau n’est pas toujours potable. Plus largement, nous menons systématiquement une concertation systématique avec les communautés locales sur la préservation de leurs milieux naturels.

EA : Au-delà de la troisième édition à venir, quelles sont vos ambitions pour XCSS Climate Can’t Wait ?

E. Peyen : Parmi nos prochains projets : intervenir en milieu scolaire et inciter l’ensemble des acteurs du sport à adapter ou réinventer leur pratique et leurs équipements dans l’idée de préserver la ressource en eau – par exemple, nous voudrions que le milieu du ski renonce à la neige artificielle. Et bien sûr, nous préparons déjà notre quatrième édition pour 2025. 

EA : Comment les alumni peuvent-ils soutenir XCSS Climate Can’t Wait ?

E. Peyen : Vous pouvez nous apporter vos compétences, nous soutenir financièrement en nous proposant du sponsoring avec votre entreprise ou en nous faisant un don (déductible des impôts) à titre personnel, ou encore relayer nos actions et adhérer à notre association. Merci à vous !

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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