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Reflets Mag #145 | « L’ESSEC est en route vers un engagement sociétal »

Actus de l'ESSEC

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25/01/2023

Dans Reflets Mag #145, Anne-Claire Pache (E94), directrice de la stratégie et de l’engagement sociétal de l’ESSEC, présente ses actions et sa feuille de route pour que l’école intègre les enjeux sociaux et environnementaux dans toutes ses décisions. On vous met l’article en accès libre… abonnez-vous pour lire les prochains numéros !

Reflets Magazine : Quelle est votre mission et quelles sont vos responsabilités en tant que directrice de la stratégie et de l’engagement sociétal à l’ESSEC ?

Anne-Claire Pache : La mission que je mène depuis septembre 2020 est globalement d’accompagner le directeur général Vincenzo Vinzi dans la mise en œuvre des grandes orientations définies dans le plan stratégique RISE. Cela inclut notamment le déploiement de nos trois piliers stratégiques que sont l’entrepreneuriat, l’intelligence artificielle autour du Metalab et la transition écologique et sociale avec la dynamique « Together ». Je supervise également l’activité accréditations et rankings, qui est une manière de donner à voir la stratégie de l’école à des acteurs extérieurs que sont par exemple les organismes accréditeurs publics et internationaux, mais aussi les médias qui produisent les rankings. L’un des cœurs de ma mission est de porter l’engagement sociétal de l’ESSEC au sein du comité exécutif de l’école, et donc de m’assurer que les enjeux sociaux et environnementaux sont pris en compte dans toutes les grandes décisions stratégiques prises par l’école.

RM : Il ne s’agit donc pas d’une sorte d’artifice, mais bien d’un véritable engagement de la part de l’ESSEC...

A.-C. Pache : Oui, et il est important de souligner que c’est la première fois dans l’histoire de l’école qu’un poste porte formellement au sein du Comex les sujets liés à l’engagement sociétal et qu’une réelle gouvernance s’est structurée sur ces sujets. Nous avons également créé un comité d’impact sociétal au sein même du conseil de surveillance, comité qui va jouer le rôle d’aiguillon et donner une impulsion à toutes les actions menées par l’école en la matière. Et nous avons mobilisé une équipe permanente en interne autour de Chantal Dardelet. Ces actions ont été définies autour de nos trois grands métiers : la formation, la recherche et la gestion de nos campus. Elles concernent à la fois la transformation écologique, la transformation sociale et la transformation sociétale. Nous avons pris dix engagements autour de ces trois grands axes, par exemple de former 100 % de nos élèves, qu’il s’agisse de la Grande École, du BBA ou des Masters spécialisés, sur les enjeux environnementaux, et ce sur nos trois campus de Cergy, Singapour et Rabat. Depuis cette année, l’ensemble des étudiants suivent également un cursus d’une vingtaine d’heures sur les sujets de diversité et d’inclusion. Enfin, nous avons engagé un travail sur la transformation des cours fondamentaux de gestion (économie, finance, marketing, stratégie, etc.) afin qu’ils prennent en compte l’ensemble de ces sujets dans leurs contenus.

RM : Et en ce qui concerne la pédagogie ?

A.-C. Pache : En ce qui concerne la pédagogie, nous avons créé de nouveaux cursus de spécialisation. Nous avons ainsi créé une chaire « Talents de la transition écologique », une chaire sur l’économie circulaire, une autre intitulée « Shaping the future of finance » autour de la finance responsable, et enfin deux autres chaires, l’une intitulée « Food Business Challenges » sur l’alimentation durable et l’autre intitulée « Entreprises et Bien commun ». Soit un total de cinq nouvelles spécialisations qui viennent s’ajouter aux chaires historiques, la chaire « Entrepreneuriat et Innovation sociale », la chaire « Économie urbaine » et la chaire « Leadership & Diversity ». Cela nous permet de proposer une offre dédiée aux sujets de transition, pour l’instant assez inégalée en France ou en Europe. Enfin, nous avons créé deux nouveaux programmes que sont le Msc in Sustainability Transformation et le programme Bachelor Act (en partenariat avec CY Cergy Paris Université). Pour ce qui est du programme Master, qui dure une année, nous accueillons déjà 37 élèves de 19 nationalités, qui ont vocation à devenir des spécialistes de la transition durable des organisations. En ce qui concerne le Bachelor Act, il s’agit d’une formation post-bac pluridisciplinaire de trois ans, qui accueille une première promotion d’une trentaine d’élèves recrutés sur des critères d’excellence scolaire ET sur des critères d’engagement – que ce soit dans la vie associative, la vie culturelle ou citoyenne. Nous avons réellement essayé d’identifier des profils de jeunes leaders positifs.

RM : Qu’en est-il de la transformation des campus ?

A.-C. Pache : C’est un grand volet du programme de transformation de l’école. Nous nous sommes notamment engagés à réduire d’un quart l’empreinte carbone de nos campus. Il faut savoir que l’empreinte carbone de l’ESSEC est composée à presque 80 % de nos seuls déplacements, et les déplacements de nos élèves représentent 80 % de ces 80 %. C’est donc une question majeure pour une école internationale qui dispose de campus à Singapour et à Rabat, et dont la vocation est aussi de sensibiliser à l’interculturel, aux différences de cultures et de pratiques. Pour cela, il nous faut désormais encourager un maximum d’ouverture à l’échelle de l’Europe ; c’est la raison pour laquelle nous avons développé un nouveau cursus, le European Management Track, qui permet de réaliser des échanges avec des partenaires académiques européens. Nous avons par ailleurs pris l’engagement de viser le plus souvent des localisations accessibles en train pour l’ensemble des voyages que nous organisons dans le cadre des chaires et des masters spécialisés, sauf cas exceptionnels bien entendu. Dans le même temps, nous sensibilisons nos élèves sur les destinations choisies pour leurs stages et leurs échanges, avec une incitation financière qui peut aller jusqu’à 100 euros par an via des chèques de mobilité durable, lorsqu’ils privilégient des modes de transport bas-carbone.

RM : Quelles sont les autres dimensions de réduction de l’empreinte carbone de l’école ?

A.-C. Pache : Comme pour toutes les organisations, la sobriété énergétique est évidemment au centre de nos préoccupations. Il y a un peu moins d’un an, nous avons par exemple investi dans un dispositif de gestion technique des bâtiments qui permet de monitorer de manière beaucoup plus fine l’utilisation du chauffage, des éclairages, du matériel informatique… Nous sommes également en train de travailler sur l’installation d’un maximum de panneaux solaires sur les toits du campus de Cergy, afin de produire notre propre électricité. Campus sur lequel nous avons aussi installé tout un système de tri et de recyclage de nos déchets. Améliorer notre performance en matière de recyclage requiert un travail de sensibilisation de longue haleine, les réflexes de tri n’étant pas encore naturels. Enfin, dernière initiative à mentionner qui contribue à notre plan vers une alimentation durable : l’introduction du « Green Monday » sur le campus de Cergy : tous les lundis, l’offre alimentaire sur le campus, pour les salariés et les étudiants, est totalement végétarienne.

RM : Êtes-vous impliquée dans le projet Campus 2023 ?

A.-C. Pache : Oui, bien sûr, dans la mesure où le projet a une forte ambition environnementale. Notamment en termes d’isolation des bâtiments, de biodiversité avec l’implantation d’espaces verts et arborés, mais aussi grâce à la piétonisation intégrale du campus. Nous nous inspirons beaucoup de notre campus de Singapour, qui est exemplaire sur l’ensemble de ces sujets. Il dispose de panneaux solaires assurant 10 % de la production d’électricité du campus. Des plantes comestibles ont été installées sur les toits, elles sont cultivées par les élèves qui peuvent ensuite les consommer gratuitement ou en faire don à des associations caritatives. C’est aussi une manière de les sensibiliser et de les impliquer pour la préservation de leur environnement.

RM : Vous venez d’annoncer le prochain lancement d’un StartUp Studio ; de quoi s’agit-il ?

A.-C. Pache : Le principe, c’est d’« industrialiser » la création d’entreprises. Aujourd’hui, dans notre incubateur ESSEC Ventures, nous accueillons tous les élèves qui ont une idée de création d’entreprise, ce qui donne souvent de très belles réussites. Avec l’incubateur, le point de départ est donc l’envie d’entreprendre de l’élève. Avec le StartUp Studio, le point de départ est à l’autre bout : on identifie un problème et on crée une entreprise en assemblant les ressources indispensables à sa résolution. C’est une manière de rapprocher les innovations de pointe développées par des chercheurs et les talents entrepreneuriaux de l’écosystème ESSEC. Le projet s’articule autour des ressources de l’ESSEC, d’un réseau de partenaires académiques comme CYU ou le CEREMA, et de partenaires industriels avec lesquels nous allons créer des synergies. Voilà pour la mécanique générale. En ce qui concerne les objectifs de notre futur StartUp Studio, nous avons fait le choix de cibler la cleantech, afin de développer des projets d’entreprises d’envergure qui répondent aux défis environnementaux de notre temps.

RM : Vous êtes très attachée à l’ouverture sociale de l’école ; quelles sont vos futures actions dans ce domaine ?

A.-C. Pache : Nous travaillons depuis une vingtaine d’années, via nos élèves tuteurs, à accompagner des jeunes issus de milieux populaires vers les études supérieures. Exceptionnellement, certains intégraient l’ESSEC tandis que d’autres se dirigeaient vers des études de médecine, d’ingénieurs, ou vers les métiers de l’enseignement. Ensuite, nous avons mis en place deux programmes, CAP ESSEC et CAP BBA, afin de travailler sur la diversité de nos propres recrutements. CAP BBA recrute au niveau BTS ou DUT, CAP ESSEC plutôt au niveau Master, et ces deux programmes ont permis d’augmenter de manière substantielle la part de nos élèves issus de milieux populaires dans nos cohortes d’étudiants admis sur titre. Par ailleurs, nous avons introduit au printemps 2022 un nouveau dispositif au sein du concours de la Grande École : le Double Appel à l’Oral. Il permet à une quarantaine d’élèves boursiers dont la note était de 0,2 point en dessous de la barre d’admissibilité d’être invités à passer l’oral. La barre d’admission reste la même pour tous. Et parmi les 35 étudiants appelés cette année, 24 ont ainsi réussi à intégrer l’ESSEC. Nous avons donc aujourd’hui plus de 22 % d’élèves boursiers ou équivalant boursiers au sein de la Grande École, ce qui est un taux très supérieur aux autres grandes écoles, notamment parisiennes. Pour les aider à être plus facilement intégrés dans notre écosystème, nous mettons en place le programme « Pleinement ESSEC » visant à l’inclusion de toutes les populations qui, pour une raison ou une autre, se sentiraient en minorité à l’école. Cela concerne les élèves de milieux populaires, mais aussi les élèves étrangers toujours plus nombreux.

RM : Qu’en est-il de la diversité femmes-hommes ?

A.-C. Pache : Parmi nos étudiants, nous sommes globalement à proximité des 50/50, nous n’avons donc pas d’enjeux en termes de recrutement. En revanche, nous avons récemment encore approfondi nos démarches pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, pour faire de l’ESSEC un lieu où tout le monde, quels que soient son genre, sa sexualité, sa religion ou sa culture, se sente à l’aise. La professeure Viviane de Beaufort a initié cette démarche il y a quelques années, et nous avons depuis institutionnalisé la démarche en mobilisant une petite équipe permanente sur ces sujets, coordonnée par Marion Ligonie. Nous disposons depuis deux ans d’une plateforme de signalement en ligne, qui permet à quiconque serait victime ou témoin d’un manquement à notre Charte du Respect d’Autrui de signaler la situation à l’école. Chaque signalement est instruit avec rigueur et, lorsque cela se justifie, des mesures de protection et des mesures disciplinaires sont prises, dans l’esprit d’une « Tolérance Zéro ».

RM : Tout autre sujet : quel héritage laisse Thierry Sibieude, qui vient de quitter l’ESSEC après vingt ans passés à la tête de la chaire Innovation et Entrepreneuriat social que vous avez cofondée avec lui ?

A.-C. Pache : Thierry a été le père fondateur de l’engagement de l’école sur tous les sujets liés à l’innovation sociale et l’entrepreneuriat social. Il aura été un véritable intrapreneur au sein de l’ESSEC sur toutes ces thématiques. Outre la chaire que nous avons créée ensemble, c’est lui qui a initié le programme d’égalité des chances « Une grande école, pourquoi pas moi ? », lui qui a développé, avec Marie Trellu Kane (E94), l’accélérateur d’entreprises sociales Antropia, puis plus récemment le laboratoire d’évaluation et de mesure d’impact social et environnemental (Labo E&MISE), avec Jérôme Schatzman (E94) et Élise Leclerc. Il a donc créé un écosystème absolument unique au sein d’une école de commerce sur tous les sujets d’impact social et environnemental. Il a été mon mentor à titre personnel et un entrepreneur académique comme il en existe peu, capable d’établir un lien très précieux entre le monde académique et le monde de la pratique. Il va beaucoup nous manquer !

RM : Vous avez intégré l’ESSEC au début des années 1990 ; pourquoi avoir fait ce choix ?

A.-C. Pache : Je suis un pur produit du système éducatif français ! J’ai choisi de faire une prépa économique pour son caractère plus généraliste que les prépas littéraires ou scientifiques… sans vraiment savoir ce qu’était une école de commerce, ni vers quels métiers cela m’emmènerait !

RM : Un regret ?

A.-C. Pache : Absolument pas ; quelle chance j’ai eu de pouvoir intégrer l’ESSEC ! J’ai tout de suite trouvé ma famille au sein de la chaire « Économie urbaine » qu’Alain Sallez (E61) avait créée quelques années avant mon intégration. À l’époque, il s’agissait du premier cadre où l’on utilisait les sciences de gestion pour servir l’intérêt collectif : la gestion des villes. Cela m’a passionnée, et a probablement déterminé la suite de ma carrière. Je suis aujourd’hui encore très reconnaissante à l’école et à l’association ESSEC Alumni de m’avoir accordé une bourse en 1995 et en 1996 pour co-fonder l’association Unis-Cité (voir notre article) avec une jeune étudiante américaine invitée à l’ESSEC, Lisbeth Shepherd, Marie Trellu-Kane et Julie Chénot (E94). Avec Unis-Cité, nous avons en quelque sorte inventé le modèle de ce qui est aujourd’hui devenu le service civique pour les jeunes en France. Une aventure absolument incroyable, que Marie continue de porter aujourd’hui.

RM : Quel regard portez-vous sur l’école d’aujourd’hui ?

A.-C. Pache : Cela fait plus de vingt ans que je suis revenue à l’ESSEC en tant qu’enseignante et il m’est difficile de distinguer l’école d’aujourd’hui et celle d’hier, parce que tout cela constitue maintenant un continuum à mes yeux. Je retrouve dans l’ESSEC d’aujourd’hui la plupart des valeurs que j’avais perçues lorsque j’étais étudiante au début des années 1990 : son caractère humaniste et son caractère innovant et pionnier. Cela explique mon très grand attachement à l’école, et la conviction que la transition en cours est sincère, profonde, et qu’elle ne dénature en rien ce qu’est l’ESSEC depuis toujours, mais qu’elle vient au contraire réaffirmer son ADN.

 

Propos recueillis par François de Guillebon et Michel Zerr, rédacteur en chef et correspondant de Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #145. Pour voir la version digitale du numéro, exceptionnellement en accès libre, cliquer ici. Pour recevoir les prochains numéros, cliquer ici. 

 

Image : © Arnaud Calais

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