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Rémy Gerin (E91) : « Les besoins en aide alimentaire ont doublé en 10 ans »

Interviews

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24/06/2021

Rémy Gerin (E91), président de Fonreal (Fondation pour le Renforcement de l’Aide Alimentaire) et directeur exécutif de la Chaire Grande Consommation de l’ESSEC, alerte sur l’explosion des besoins en aide alimentaire en France avec la crise du COVID-19 – et lance un appel aux alumni pour recruter son nouveau délégué général bénévole. 

ESSEC Alumni : Pouvez-vous nous présenter les activités de Fonreal ?

Rémy Gerin : Créée en 2013, Fonreal est une fondation privée et indépendante, abritée par la Fondation de France. Elle a collecté depuis son origine plus de 1,6 M €, principalement auprès de personnes privées, et a redistribué cette somme à des associations qui luttent contre le gaspillage et la précarité alimentaire. Elle a ainsi contribué à la réalisation d’une quarantaine de projets et permis d’accroître la capacité d’intervention logistique des acteurs du secteur, notamment les Banques Alimentaires.

EA : Comment fonctionnent les Banques Alimentaires en France ?

R. Gerin : Notre pays compte aujourd’hui 79 Banques Alimentaires et 31 antennes gérées par 500 salariés et 7000 bénévoles. Basées sur un modèle non lucratif et ancrées dans l'Économie Sociale et Solidaire, elles collectent les invendus de la grande distribution ainsi que les dons d'industriels, d’agriculteurs et de producteurs agricoles, et les redistribuent à plus de 6 000 associations et centres chargés de l’action sociale (CCAS). Elles font partie des quatre entités habilitées à gérer les denrées du Fonds Européen d’Aide aux Plus Démunis, avec La Croix-Rouge, Les Restos du Cœur et le Secours populaire.

EA : Leur rôle se cantonne-t-il à la distribution de produits de première nécessité ?

R. Gerin : Historiquement, l’aide alimentaire en France s’est structurée au sein des dispositifs de lutte contre la pauvreté, portée initialement par des acteurs religieux et laïcs, puis institutionnels et associatifs. Aujourd’hui, les Banques Alimentaires inscrivent leur action dans les grands défis auxquels notre société est confrontée : la lutte contre le gaspillage, le lien entre nutrition et santé, la construction de systèmes alimentaires locaux, la réduction des inégalités sociales…

EA : Quels sont les besoins en aide alimentaire aujourd’hui en France ? 

R. Gerin : Les chiffres sont édifiants : selon l’INSEE, nous sommes passés de 2,8 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire en 2008 à 5,5 millions en 2019. 

EA : La crise du COVID a-t-elle aggravé la situation ? 

R. Gerin : Au plus fort du premier confinement, les Banques Alimentaires ont fait face à une augmentation de la demande de l’ordre de 20 %. Et sur l’année 2020, le nombre de personnes accompagnées par les seules Banques Alimentaires a cru de 5 % : 2,1 millions en tout contre 2 millions en 2019 – soit plus de 220 millions de repas distribués. En cause : chômage partiel, perte d’emploi ou de revenu, fermeture des cantines scolaires et d’entreprises… 

EA : Aujourd’hui, quels sont les profils de celles et ceux qui bénéficient de l’aide alimentaire ? 

R. Gerin : L’enquête nationale de la FFBA publiée par l’institut CSA en janvier 2021 est riche en enseignements à cet égard. 51 % des personnes aidées ont déclaré avoir recours à l’aide alimentaire depuis moins d’un an, 35 % depuis moins de 6 mois. Les bénéficiaires ont 48 ans en moyenne, et plus d’un quart sont au chômage. 70 % sont des femmes : cette surreprésentation résulte des inégalités économiques que l’on connaît sur le marché du travail et de leur plus grande implication dans la gestion de l’alimentation. 30 % sont issus de familles monoparentales.

EA : Comment le secteur de l’aide alimentaire s’est-il adapté à la crise du COVID-19 ?

R. Gerin : La crise a révélé la grande capacité d’adaptation et d’innovation de ce réseau, amplifiant souvent des transformations déjà engagées : distribution directe, achats de produits locaux diversifiés et de qualité, distribution de produits d’hygiène, prévention santé, dispositifs pour les étudiants…

EA : En l’occurrence, comment les Banques Alimentaires ont-elles répondu à la forte augmentation du nombre d’étudiants parmi leurs bénéficiaires ?

R. Gerin : Près de 30 associations dédiées aux étudiants et jeunes de 18-25 ans ont vu le jour depuis mars 2020 – et en tout, près de la moitié des Banques Alimentaires comptent des associations étudiantes parmi leurs partenaires. Exemple : Le P’tit Kid, nouvelle épicerie solidaire étudiante montée par la Banque Alimentaire de Tours et la Croix Rouge, qui propose aux étudiants du département des denrées et des produits d’hygiène à 10 % maximum de leur valeur marchande. 

EA :  Pourrait-on améliorer l’aide alimentaire en France ? 

R. Gerin : Les Banques Alimentaires françaises remettent régulièrement en question le modèle de l’aide alimentaire pour la rendre plus juste, plus accessible, plus diversifiée, et pour l’adapter aux évolutions générales de l’accompagnement social. C’est aussi l’approche portée depuis plus de 30 ans par la European Food Banks Federation (FEBA) qui représente ses membres au niveau européen et international, leur propose des formations et des bonnes pratiques, développe des partenariats, et initie la création de nouvelles Banques Alimentaires.

EA : De son côté, quelles actions mène Fonreal ?

R. Gerin : Nous avons examiné plus de 70 projets depuis 2013, et soutenu financièrement 39 d’entre eux pour un montant cumulé supérieur à 1,6 M €. Nous avons notamment contribué à la création de nouvelles antennes de Banques Alimentaires pour accroître la couverture territoriale des collectes et redistributions de denrées ; au déménagement et à la relocalisation de Banques Alimentaires pour répondre à des enjeux de modernisation, d’augmentation de volume des denrées traitées ou de mise en conformité ; à l’installation, au remplacement et à l’extension d'équipements (salles de tri réfrigérées, chambres froides…) ; à l’achat et au renouvellement de véhicules (camions réfrigérés, épiceries mobiles…) ; ainsi qu’à des missions d’utilité sociale et d’exemplarité – par exemple la construction par l’association Fruits et Légumes Solidarité de Marseille d’un atelier pour récupérer des fruits et légumes frais, les transformer en produits conditionnés et les écouler par des canaux associatifs.

EA : Comment les alumni peuvent-ils soutenir Fonreal ? 

R. Gerin : Tout simplement en faisant un don à la Fondation, à hauteur de votre envie et de vos moyens, viaPayLib ou carte bancaire sur notre site

EA : Vous souhaitez également mobiliser un ou une ESSEC bénévole au poste de délégué général… 

R. Gerin : Vous aurez 4 missions en tant que délégué général bénévole de Fonreal. Primo, contribuer au développement du cercle des donateurs, et entretenir la relation avec ceux-ci. Deuxio, mettre en œuvre une stratégie de communication et développer l’image et la notoriété de Fonreal au service d’un objectif de levée de fonds. Tertio, rechercher auprès des Banques Alimentaires et d’autres associations de même nature des projets d’investissements entrant dans la mission de Fonreal, en examiner l’éligibilité, et les soumettre au Comex dans un format normé. Enfin, organiser la vie de la Fondation, en particulier la préparation des Comex et les relations avec la Fondation de France. Le poste est basé à Paris (Montparnasse), dans les locaux de la Fédération Française des Banques Alimentaires (FFBA) pour faciliter les rencontres avec les parties prenantes, et pourra s’exercer à temps partiel (2 à 4 journées par semaine) et, en partie, en distanciel. Des déplacements en France pourront s’avérer nécessaires pour rencontrer des associations porteuses de projets. Vous serez secondé par un jeune collaborateur, que vous aurez à recruter. Pour postuler, contactez-moi !

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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