Changer son modèle d'affaire pour l'adapter aux enjeux futurs et rester leader
24/04/2022
" Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve »
Cette formule du poète allemand Friedrich Hölderlin, citée abondamment par Edgar Morin, résume assez bien l’esprit du club Essec Sustainable Business.Il ne s’agit pas ici d’être optimiste et encore moins naïf. Il s’agit davantage d’être à l’affut des mouvements positifs qui émergent de contextes incertains.
Le climat, chronique d’une crise annoncée ? Pas si sûr au regard des experts que nous avons eu l'opportunité de rencontrer depuis le début de l'année.
Stratégie et modèle d'affaire selon Fabrice Bonnifet, Directeur RSE chez Bouygues & Celine Puff
Dans « Sapiens » de Yuval Noah Harari, l’homme est le principal responsable de son propre malheur, la communauté la source des plus belles avancées. Car les hommes sont capables du meilleur lorsque les conditions sont réunies, particulièrement celles en lien avec leur capacité à combiner des compétences et des idées pour produire de la valeur. Cette capacité à collaborer est le propre du savoir-faire des entreprises.
Transformer c'est rendre réelle l’utopie d’un développement durable du monde et ce dans les 3 ans à venir; les études climatiques récentes indiquent que nous sommes proches du tipping point qui conduira à ce que les scientifiques appellent l’emballement climatique qui rendra la planète inhospitalière pour tous à la fin de ce siècle.
Selon Fabrice Bonnifet, Sustainable Development & Quality, Security, Environment Group Director Bouygues - President C3D:
"Le management des organisations et en particulier celui des entreprises est le principal levier.
Ces dernières sont devenues plus puissantes que jamais, certaines disposent de plus de moyens que nombre d’Etats souverains. Les meilleures d’entre elles sont des modèles d’efficience par leur capacité à se réinventer en permanence pour conserver leurs clients et par voie de conséquence assurer leur survie. Ces entreprises ont aujourd’hui bien conscience que sans réaction de leur part, les dérèglements climatiques en cours et la déplétion des ressources, viendront impacter leur existence.
Les investisseurs lucides prennent conscience qu’ils n’ont plus intérêt à investir dans des affaires et des entreprises prédatrices de ressources qui conduisent à court terme à une impasse économique. Enfin, les entreprises savent que leur premier actif est leur réputation issue de leur responsabilité sociétale (RSE) qui seule nourrit la confiance.
Dès lors le défi est de passer de l’entreprise prédatrice à l’entreprise contributive grâce au changement de méthode de management.
Etre une entreprise contributive c’est :
• intégrer la contribution au bien commun dans ses statuts,
• faire de la frugalité dans la consommation des ressources une règle absolue, tout en intégrant les coûts directs et indirects de la production et de la reconstitution des ressources nécessaires au business dans l’équation économique,
• privilégier les modèles économiques de la fonctionnalité et de la circularité des matières premières,
• considérer tous les individus de l’organisation comme des apporteurs permanents de solutions.
Selon Céline Puff-Ardichvili, DG & Partner chez Look Sharp
"
"Jamais, dans les écoles de commerce, on n’a abordé le sujet de l’énergie ou des ressources, comme des paramètres fondamentaux des modèles d’affaires. On a toujours parlé du consommateur, du marketer, du prix, de la concurrence, mais de l’énergie et de la ressource, si peu. Or le contexte a changé : en deux générations, les enseignements des écoles de commerce s’avèrent inadaptés à un monde sous tension climatique et même, depuis quelques mois, sous tension géopolitique majeure. Et tout va devoir changer dans la façon d’imaginer et habiter le monde. Ceux qui s’en rendent comptent peuvent encore changer de braquet et chercher d’autres compétences, d’autres exemples de réussite, d’autres méthodes pour manager, innover, produire.
Pourtant, il y a un fondement que l’on ne va pas devoir changer : la nécessaire création de valeur. La valeur c’est quoi ? De quelle valeur parle-t-on ? Qui peut la percevoir ? Qui en tire profit ? Qui décide de sa définition ? On parle alors de valeur étendue. La valeur recherchée par une entreprise, demain, devra profiter à tous. On ne pourra plus détruire de la valeur (air pur, eau potable, sols vivants, santé de ses collaborateurs, intégrité de ses sous traitants, etc.) en tentant de créer une certaine forme de valeur la valeur (monétaire, pour les actionnaires, par exemple).
Aujourd’hui les entreprises les plus riches sont celles qui surexploitent le vivant sans contre partie. La nature n’envoie pas de facture ! Et tant que la casse – du vivant ou de l’humain - d’un système repose sur la société toute entière, personne ne se sent, ni n’est, d’ailleurs, vraiment responsable. Il nous faut commencer à provisionner pour la réparation et la régénération et mettre au passif du bilan ces provisions et les investissements qui vont être nécessaire pour cela. Et puisque tout ne va pas pouvoir être « compensé », il faut sans doute commencer à parler de se limiter. Ce terme n’a jamais fait son entrée dans les manuels d’école de commerce, et ce concept ne fait pas partie de la panoplie de l’entrepreneur ni du collaborateur. Mais ce paradigme prend fin.
Apprendre à compter, mesurer et présenter la valeur autrement doit devenir la nouvelle norme. Des travaux existent pour étudier ce qui se passerait si une comptabilité devenait un outil de prise de décision pour faire apparaître conjointement les données sociales, environnementales et financières. Des entreprises pionnières testent ces modes de mesure de la performance pour démontrer leur pertinence, avec des outils pionniers. Une bataille des standards est d’ailleurs en cours pour cette comptabilité intégrée, qui va nous permettre de compter l’immatériel. Il faut s’y intéresser : le sujet est structurant pour concevoir les entreprises compatibles avec les limites planétaires et le vivant – les seules entreprises dont on aura besoin dans un monde sous tension.
Nous avons essayé de dessiner cette entreprise contributive, c’est-à-dire cette entreprise dont le bilan global est positif sur tous les fronts, environnement, économique et social, et qui créée de la valeur pour toutes ses parties prenantes. Nous avons cité des entreprises pionnières, qui, chacune dans leur domaine, s’attachent à prendre le sujet par un bout – qui par le management, qui par l’innovation. Un point commun : toutes s’emploient à respecter les limites planétaires et à compter la valeur autrement. Un autre point commun des entreprises qui s’orientent vers l’entreprise contributive : leur raison d’être. Comment la trouver ? Il s’agit de se poser une question : qu’est ce qui fait que le monde irait mieux avec mon entreprise ? Généralement, la question serait plutôt : qu’est ce qui fait que le monde irait mieux SANS mon entreprise… Évidemment, aujourd’hui, il n’y a quasiment pas d’entreprise contributive. Il y a des entreprises qui tendent vers ce modèle".
Les exemples d’entreprises qui viennent illustrer les principes du concept ne sont pas des startups biberonnées aux levées de fonds, ce sont des vraies entreprises qui inspirent, qu’elles soient « natives » ou qu’elles changent la roue en roulant. Ce sont celles qui mettent les moyens dans cette transformation non pas parce que c’est la mode mais parce que c’est vital. Ce sont aussi celles qui cherchent des personnes prêtes à mettre leurs compétences dans des projets qui ont du sens. A bon entendeur, bonne route sur votre propre chemin vers l’entreprise contributive !"
En savoir plus - les conseils de lectures
- https://www.cddd.fr/mooc-comprendre-crise-ecologique-reinventer-entreprise-c3d-pre/
- https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/les-entreprises-nous-répondent/
- https://www.cddd.fr/podcasts-c3d-le-sens-et-l-action/https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/entreprise-contributive-concilier-monde-affaires-et-limites-planetaires
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