Oriane Sarrouy (E23) : « L’élection américaine n’empêchera pas la croissance de la cleantech »
Oriane Sarrouy (E23) a récemment rejoint Business France à San Francisco pour accompagner les entreprises françaises dans les secteurs de l'énergie et de l'environnement aux États-Unis. Un poste d’observation privilégié de la cleantech américaine.
ESSEC Alumni : Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux enjeux environnementaux ?
Oriane Sarrouy : Durant mon apprentissage chez Accenture au sein de la practice finance et risques, je me suis impliquée dans des projets de développement durable et j’ai effectué des missions qui liaient RSE et ESG. J’ai pu constater, non sans frustration, à quel point le secteur de la finance compte parmi les plus difficiles à verdir. Cette expérience a probablement contribué à me donner envie d’aller plus loin dans ce domaine.
EA : Aujourd’hui, quelles sont vos missions ?
O. Sarrouy : J'accompagne les entreprises françaises intéressées par le marché nord-américain. Mes missions incluent la réalisation d'études de marché et d'analyses sectorielles, la prospection pour trouver des partenaires locaux ou obtenir des retours sur les solutions de mes clients, l'organisation de missions commerciales, de séminaires et d’événements lors de salons professionnels locaux, ainsi que le développement et l'animation d'un réseau de contacts avec des dirigeants américains et canadiens.
EA : Depuis ce poste d’observation, quel état des lieux dressez-vous du secteur et du marché de la cleantech et des énergies propres aux États-Unis ?
O. Sarrouy : Les principales forces des États-Unis résident dans leur capacité d’innovation technologique, dans leur facilité d’accès aux financements et dans l’échelle très importante de leurs projets par rapport à des pays comme la France. En 2024, un montant record de 303,3 milliards de dollars a été investi dans la transition énergétique, incluant les technologies propres, les véhicules électriques et les investissements dans le réseau électrique. Toutefois le développement de la cleantech reste très disparate selon les États. Seuls certains, comme la Californie et le Texas, s’imposent comme des leaders du secteur, en grande partie grâce à des réglementations locales favorables.
EA : Quelles sont les principales différences du secteur entre les États-Unis et l’Europe ?
O. Sarrouy : Les États-Unis sont à la pointe de l'innovation dans les smart grids et les technologies de stockage. Ils bénéficient en outre de subventions et de crédits d'impôt significatifs grâce à l’Inflation Reduction Act (IRA). Et l'énergie y est globalement bien moins chère, ce qui favorise énormément la production. Cependant l'Union européenne adopte des politiques environnementales bien plus ambitieuses, notamment avec le Green Deal, et s’avère ainsi bien plus avancée en matière de reportings ESG et de LCA (Life Cycle Assessment). Dans le même ordre d’idées, le cadre réglementaire européen est beaucoup plus fort et harmonisé, quand les remous de la politique aux États-Unis génèrent une instabilité qui nuit aux investissements dans les infrastructures électriques.
EA : Plus particulièrement, quelle place les entreprises françaises occupent-elles aujourd’hui dans la cleantech ?
O. Sarrouy : La France joue un rôle pionnier dans le développement des énergies renouvelables, notamment dans l'éolien offshore et le solaire. EDF, Engie, TotalÉnergies et Colas occupent des positions de leaders en Europe et au-delà, et les ingénieurs français sont reconnus mondialement pour leur expertise.
EA : Ces atouts permettent-ils aux entreprises françaises de se tailler une part du marché aux États-Unis ?
O. Sarrouy : Les industriels français jouissent d’une excellente réputation aux États-Unis. Ce qui ne les dispense pas de devoir s’adapter au marché local. Les techniques commerciales diffèrent entre les deux pays : les Américains privilégient les chiffres et les pitchs percutants, là où les Français tendent à se concentrer davantage sur l'histoire et la philosophie de leur entreprise.
EA : Quelles sont les perspectives de la cleantech aux États-Unis dans les années à venir ?
O. Sarrouy : Nous observons d’ores et déjà une demande croissante. Par exemple, le Texas est en train de devenir un leader mondial de production d’électricité verte.
EA : L’élection présidentielle à venir peut-elle changer la donne ?
O. Sarrouy : On peut même dire qu’elle va jouer un rôle déterminant. Deux visions s’opposent. D’un côté, Kamala Harris, dans la continuité de Joe Biden, défend les énergies renouvelables avec ferveur, ambitionne de décarboner la production d'électricité américaine d'ici 2035 et prévoit de maintenir les subventions et les crédits d'impôt s’il est réélu. De l’autre côté, Donald Trump a toujours soutenu les combustibles fossiles. Sa politique pourrait inclure une réduction des subventions pour les énergies renouvelables et une dérégulation favorisant les industries traditionnelles au détriment des nouvelles technologies vertes. Cependant, il faut noter que même sous sa présidence, le Texas a fortement augmenté ses investissements dans l'éolien et le solaire : l'action politique a certes un impact inévitable sur le secteur mais elle n’influencera que plus ou moins sa croissance. Quoi qu’il arrive, celle-ci restera positive.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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