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« La mobilisation s’accélère à l'ESSEC contre les comportements haineux et discriminants »

Actus de l'ESSEC

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15/10/2020

Partout, la parole se libère contre les comportements et propos sexistes, racistes et homophobes. Les grandes écoles aussi font leur examen de conscience – et passent à l’action. Il en va de leur responsabilité, elles qui forment les leaders de demain. État des lieux avec Viviane de Beaufort, référente à l’ESSEC pour le respect d’autrui et engagée à titre personnel sur ces questions.

ESSEC Alumni : Quelle est votre mission en tant que référente pour le respect d’autrui ? 

Viviane de Beaufort : Depuis 2014, j’assure le mandat de référente Égalité Femmes/Hommes pour l’ESSEC à la Conférence des Grandes Écoles. En 2018, j’ai proposé à la direction générale, que je remercie pour son écoute, d’adopter une approche plus globale : le sexisme est un manque de respect parmi d’autres, et répondre à cette problématique permet d’embrasser d’autres comportements irrespectueux que notre école ne peut tolérer, étant donné ses valeurs. Un travail plus large a ainsi été mené sur la notion du respect d’autrui avec toutes les parties prenantes de l’ESSEC, dont les étudiant(e)s, qui a abouti à l’élaboration d’une Charte condamnant tout propos ou comportement haineux ou irrespectueux, ainsi que toute discrimination basée sur le sexe, le genre, la religion, l’origine ou les opinions politiques. En tant que juriste, il me paraissait essentiel d’adopter un code de valeurs communes.

EA : Comment la Charte est-elle diffusée ?

V. de Beaufort : Depuis la rentrée 2019, tous les étudiants et toutes les étudiantes de tous les programmes et de tous les campus la reçoivent dans leur dossier d’accueil et la signent. Il en va de même pour les membres du corps professoral et administratif, puisque le CSE a validé une démarche globale encore rare dans les écoles. La Charte est en outre discutée lors des séminaires d’intégration des programmes et fait l’objet de présentations aux collaborateurs.

EA : À part la Charte, menez-vous d’autres actions préventives ?

V. de Beaufort : Outre cette sensibilisation systématique, on peut citer plusieurs initiatives : séances dédiées dans le cours fondamental « Organisational Behaviour » avec les professeurs Laurent Bourgeon et Junko Takagi, groupes de réflexion avec les BBA de 1ère année tout au long du premier trimestre dans le cadre de #Together, Gender Days vers le 8 mars avec des associations militantes et des alumni, campagnes d’affichage, communication sur MyESSEC… Mon challenge personnel : faire en sorte que les associations étudiantes prennent le relais.

EA : La prévention ne suffit pas toujours. Quel dispositif proposez-vous à ceux et celles qui vous signalent des comportements problématiques ? 

V. de Beaufort : Victimes et témoins peuvent se tourner en toute confidentialité vers des référents formés, au nombre d’une trentaine (liste disponible sur MyESSEC), au sein de tous les programmes de la formation initiale comme de la formation continue. Ils peuvent faire appel à nos conseillers psychologiques, déjà présents sur le campus pour toute demande d’accompagnement, mais qui ont développé des permanences spécifiques pour ces questions. À noter, ces 3 conseillers font eux-mêmes partie du groupe de référents, ainsi que des juristes, afin de disposer de toute la palette d’expertises requise. Pour chaque cas, une commission ad hoc se tient afin de prendre les mesures les plus appropriées, dont des sanctions si nécessaire, dans le respect du principe de proportionnalité et de la présomption d’innocence. Lorsque l’affaire relève d’une qualification pénale (nous avons eu 2 cas graves depuis le lancement de ce système), la commission explique à la victime comment porter plainte, l’accompagne de son mieux ; le cas échéant, la direction générale se portera partie civile.

EA : Ce système a-t-il fait ses preuves ? 

V. de Beaufort : Il reste toujours une marge de progression, mais nous avons traité diligemment la vingtaine de plaintes reçues depuis juin 2019, pour des pratiques sexistes, des propos racistes, des discriminations, de l’humour dérapant ou des comportements déplacés, ou encore du harcèlement moral, impliquant des étudiant(e)s mais aussi parfois des intervenant(e)s. Selon les cas, les auteurs ont présenté des excuses, détruit les matériaux incriminés, ou encore accepté des mesures d’éloignement provisoire volontaire. Pour les affaires les plus graves, les coupables ont pris des engagements fermes et restent sous surveillance ; tout dérapage les conduira au conseil de discipline voire à l’éviction. Mais je crois fermement à la sensibilisation et à la prévention et l’action collective !

EA : Quel rôle les membres de la communauté étudiante jouent-ils dans l’évolution des pratiques et des mentalités sur le campus ?

V. de Beaufort : Essentiel ! Pour qu’il y ait un changement de culture, il faut que les étudiant(e)s s’approprient ces questions et agissent eux aussi, plutôt que de subir les règles de l’institution qui peuvent être détournées sans que l’école ne le sache, notamment lors des évènements festifs… Plusieurs associations ont joué un rôle moteur dans la rédaction de la Charte Respect d’autrui : Divercity contre l’homophobie, Melt contre le racisme… L’école a en outre mis en place des formations aux risques obligatoires pour les bureaux d’association. Cela fonctionne : certains bureaux ont mené des initiatives intéressantes récemment. Cette appropriation collective est la clé pour arriver à l’objectif tolérance 0, avec eux et par eux. D’où l’importance de pouvoir cranter et capitaliser sur  les progrès d’une année à l’autre.

EA : N’oublions pas en outre les actions de l’association étudiante HeForShe… 

V. de Beaufort : HeforShe a une particularité : c’est l’antenne ESSEC de la fédération internationale du même nom, soutenue par ONU Femmes. L’école devait accueillir leur 1er colloque en mars 2019. Le coronavirus en a voulu autrement, mais ce n’est que partie remise, d’autant que j’ai intégré l’association dans la Commission Égalité Femme/Homme, ce qui lui donne la légitimité d’agir sur le campus pour l’égalité des sexes. Il faut aussi citer Melt et Unite, qui sont les deux autres associations référentes avec lesquelles je peux travailler. Leurs président(e)s ont un accès direct auprès de moi, sont membres du Conseil de la Vie Étudiante et vont à partir d’octobre travailler avec Elisabeth Forget, référente handicap et racisme, dont on étend le scope afin qu’elle puisse apporter son soutien.

EA : Les comportements contre lesquels vous agissez se cantonnent-ils aux portes de l’école ? 

V. de Beaufort : Par essence, notre travail vise en premier lieu les événements de la vie étudiante et les cours, ainsi que les réunions et les échanges par messagerie entre membres de la communauté ESSEC. Mais les étudiants interagissent aussi sur les réseaux sociaux, donc nous nous efforçons d’être également présents sur ce terrain, même si ce n’est pas évident à suivre. Heureusement, les étudiant(e)s sont de plus en plus nombreux à avoir le réflexe de nous signaler les posts haineux, ou simplement maladroits. Nous sommes en outre vigilants sur les éventuels problèmes rencontrés dans le cadre de stages, d’apprentissages ou d’échanges universitaires, même si nous n’avons pas un pouvoir direct sur ces périmètres. Dans tous les cas, l’ESSEC ne se défausse pas.    

EA : D’autres mesures sont-elles au programme ? 

V. de Beaufort : Oui, il ne faut rien lâcher et nous avons un programme très ambitieux, monitoré au millimètre près avec un comité de pilotage mensuel sous la direction de Vincenzo Vinzi. Parmi les projets qui me semblent les plus importants : le lancement d’un système de signalement digitalisé, qui à priori sera opérationnel début 2021 ; l’intégration dans le cursus de plusieurs sessions sur les stéréotypes et le respect de l’autre ; un projet sur les rites de socialisation et les phénomènes de groupe ; des travaux sur l’exclusion avec une task force alumni créée il y a quelques mois, dont j’espère beaucoup… J’entame en outre une collaboration avec le réseau PWN et Arborus sur la parentalité, les rythmes de vie et le travail nomade, qui devrait intéresser les alumni. Enfin j’aimerais également déployer plusieurs événements pour les Gender Days de mars-avril prochains – un en recherche, un avec HeForShe, et un avec des diplômées.


En savoir plus : 
http://gender.vivianedebeaufort.fr/category/egalite-femmes-hommes-a-lessec/

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

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Image : © Gaël Dupret - Photographe

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