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Commencement Day : revivez le discours de Jean Moreau (E07)

Actus de l'ESSEC

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25/06/2024

Chaque année, le Commencement Day marque la remise de diplômes de tous les programmes de l’ESSEC, en présence d’alumni invités d’honneur. Découvrez le discours de Jean Moreau (E07), multientrepreneur de l'antigaspi, pour l’occasion. 

Je vais vous proposer une prise de parole articulée en 3 séquences, et ancrée dans un maximum d’authenticité et de transparence, deux valeurs qui me sont chères. 

D’abord, je vais vous parler de moi, vous partager mes réflexions quand j’étais à votre place, et mes choix de carrière par la suite.

Ensuite, je vais vous raconter mon aventure entrepreneuriale, et vous parler des deux entreprises à impact que j’ai créées : Phenix et sa petite sœur NOUS Antigaspi.

Et pour conclure je vous donnerai la vision que je porte pour le rôle de l’entreprise dans l’économie, et j’espère que vous la partagerez, et que vous la garderez dans un coin de votre tête pour vos carrières respectives.

Et j’aimerais qu’ensemble on puisse essayer de changer de vision sur la définition de la réussite professionnelle.

Il y a maintenant 17 ans, j’étais assis à votre place à me demander quelle était LA voie pour réussir ma vie. Je me souviens bien de ce qui m’animait et des personnes qui m’inspiraient à l’époque.

Premier retour d’expérience, pour vous détendre : j’ai mis, comme beaucoup d’entre vous sans doute, du temps à trouver ma voie et à dénicher ma « vocation ». J’ai erré dans le couloir des assos, j’ai fait un BDE, j’ai fait le cursus droit à l’université de Cergy en parallèle, la filière finance également.

Bref, j’ai un peu butiné, mais j’avais bien aimé les cours de finance, que je trouvais assez cartésiens et « techniques », et qui me donnaient le sentiment de développer une mini-expertise qui ne soit pas que des « soft skills ». Et j’ai fait une forme de choix « par défaut », en me disant : « allez, la banque d’affaires est probablement la voie qui , avec le conseil en stratégie, me ferme le moins de portes, et me permettra de découvrir plusieurs secteurs et différentes industries avant de faire un choix plus radical ». 

Accessoirement, je me disais aussi : « C’est un peu la ‘prépa des métiers’, et je vais apprendre à travailler. »

Dès ma sortie de l’ESSEC, j’ai choisi de rejoindre les rangs d’une grande banque d’affaires américaine, après des dizaines de candidatures en ligne, tests de logiques et entretiens, 6 mois de stage ponctués de quelques nuits blanches, j’obtenais officiellement la carte de visite tant attendue : « Investment Banking - M&A Analyst ».

J’avais atteint une forme de succès professionnel : un salaire confortable, avec les sacro-saints « bonus », du prestige, une formation d’élite, les taxis G7 Club Affaires et les plateaux de sushis, et honnêtement une équipe sympa avec qui j’apprenais à travailler vite et bien, dans un environnement à la fois stratégique, confidentiel et exigeant. Une aventure qui avait donc un côté grisant. 

Mais quelque chose clochait. 

Voir défiler des tableaux de chiffres et des liasses fiscales scannées, pondre des modèles Excel de 25 onglets, s’évertuer à faire fusionner des boîtes dont on n’a qu’une idée partielle des produits et de la réalité économique, subir les sautes d’humeur de managers ultra-zélés et dont l’état d’épanouissement ne saute pas aux yeux ; tout ça ne me rendait pas 100 % heureux.

Un jour, ces questions m’ont sauté au visage, en plein rendez-vous avec un client dans une tour donnant sur le parvis de La Défense : « À quoi je sers ? Est-ce que mon énergie est actuellement bien utilisée ? Est-ce que je dois me contenter de la perspective de mes 3 semaines de vacances estivales ? Est-ce que je veux ressembler à ces gens-là dans 10 ans ? Est-ce que je serais fier de mon parcours ? »

Ma démarche a donc été celle d’une quête de sens : comment mettre les compétences acquises à l’ESSEC puis au sein de cette exigeante structure au service d’un projet plus utile, d’une cause plus « noble » ? 

Je voulais arrêter de toujours « sacrifier » le présent pour préparer le lendemain. Vous voyez cette petite musique que vous avez dû connaître, où on vous rabâche : « Ok tu bosses dur en Terminale mais c’est pour atterrir dans une bonne prépa derrière ». Puis : « Ok tu bosses dur pendant 2 ou 3 ans en prépa mais c’est pour avoir une super école ensuite ». Puis : « Ok tu bosses super dur en tant qu’analyste en banque d’affaires pendant quelques années mais c’est pour mettre quelques bonus de côté et être plus tranquille par la suite ». 

Voilà. Je voulais mettre fin à cette sorte de fuite en avant. Je ne voulais pas être ce bon soldat qui fait sa prépa, sa grande école, ses classes en banques d’affaires, avec un passage à Londres ou à New-York, pour finir en fonds d’investissement et caetera. 

Je ne porte pas de jugement sur celles et ceux qui ont fait ce choix-là, que je respecte. Mais de mon côté, j’ai tenté de me construire un parcours moins balisé et plus original, en y injectant dans la mesure du possible une dose d’intérêt général.

Et je pense que l’ESSEC m’a beaucoup aidé là-dessus, bien plus que si j’avais fait une autre école. Les humanités ont toujours pris de la place, l’école a toujours valorisé les parcours atypiques, l’école était en avance sur l’entrepreneuriat social. Je trouve avec le recul qu’elle brasse plus de diversité que ses alter-egos.

Et c’est donc comme ça qu’il y a 10 ans, je décide de quitter le confort matériel de la banque d’affaires, l’année de mon mariage et avec un crédit immobilier sur le dos, pour creuser des sujets d’entrepreneuriat à impact social et/ou environnemental positif. Je regarde donc le vivre ensemble, le bien vieillir, le climat… et le monde merveilleux des invendus et des déchets.

Et c’est ainsi que je décide de créer, avec mon associé Baptiste, Phenix, une startup de l’économie circulaire qui donne une seconde vie aux invendus alimentaires et non-alimentaires. Notre mission : mettre en relation ceux qui ont trop avec ceux qui n’ont pas assez. Nous voulions faire le lien entre le monde business et le monde associatif.

10 ans plus tard, on peut dire que le pari est réussi : nous avons créé plus de 200 emplois, on vise cette année la barre des 20 millions d’euros de chiffres d’affaires, après avoir levé 30 millions d’euros auprès de fonds d’impact investing, avec une appli grand public téléchargée près de 6 millions de fois. 

Et surtout, on a la fierté d’avoir sauvé de la poubelle plus de 400 millions de repas depuis 2014, soit 200 000 repas redistribués chaque jour. Et ça, ça n’a pas de prix en termes de motivation. Avoir une mission claire et forte comme ça, c’est la clé.

Au passage, on a aussi créé une seconde entreprise, sur un business connexe, puisque notre filiale NOUS Antigaspi, dorénavant pilotée par un autre ESSEC, Charles Lottmann (E11), totalise plus de 30 points de vente et 300 employés dans toute la France.

Eh bien la vérité, c’est que je bosse et j’ai bossé autant que dans mon ancien poste, voire plus… Beaucoup de stress, d’ascenseur émotionnel, moins de confort matériel et de garanties, mais une bonne dose de satisfaction au quotidien, l’impression de prendre une nouvelle dimension et la fierté d’avoir une activité utile et dont l’impact s’avère concret et tangible.

Deux autres éléments de partage d’expérience pour vous. 

D’abord, « anyone can be an entrepreneur » : je ne suis pas issu d’une famille d’entrepreneurs et je n’avais pas l’âme d’un créateur d’entreprise il y a 15 ans, ce n’est pas un truc « ancré en moi » depuis l’enfance. Donc ne vous auto-censurez pas. 

Deuxième chose : j’ai lancé un business dans un secteur que je ne connaissais absolument pas et où je n’avais pas une légitimité folle –la grande distribution et l’aide alimentaire. Donc là encore, ne vous mettez pas de barrières mentales, si vous êtes malins et bosseurs, et si vous êtes ici ce soir je suis sûr que c’est le cas, vous ferez votre trou et votre réseau dans cet univers et en aurez saisi les tenants et aboutissants en quelques mois.

Je ne veux pas rentrer dans la caricature, il n’y a pas d’un côté le vilain salariat et la vie rêvée d’entrepreneurs. L’entreprenariat n’est pas un long fleuve tranquille.

Je suis convaincu que les entreprises ont une énorme part de responsabilité dans l’accroissement des inégalités et la catastrophe climatique qu’on est en train de vivre, MAIS elles sont aussi les mieux placées pour changer les choses et nous en avons encore besoin !

Nous en avons besoin pour rendre nos téléphones plus réparables – pas pour rajouter une troisième caméra.

Nous en avons pour rendre nos voitures plus légères afin qu’elles consomment moins d’énergie –  pas pour les rendre encore plus puissantes.

Nous en avons besoin pour encourager la location et pas l’achat d’une perceuse qui ne servira au total que 12 minutes et finira au fond d’un placard.

Nous avons besoin d’un écosystème d’entreprises utiles qui nous permettent de repenser nos modèles de consommation. L’univers du business est souvent perçu comme le problème mais nous sommes dorénavant quelques pionniers à démontrer qu’il peut aussi être une partie de la solution. Nous souhaitons incarner une autre vision de la réussite.

Je ne me lève pas tous les jours pour acquérir une résidence secondaire, un bateau à moteur ou une voiture de collection. L’argent n’est pas mon principal « driver » de motivation.

Et d’ailleurs, quand on regarde ce que font les gens qui ont vraiment « réussi » dans la vie et qui ont gagné beaucoup d’argent : que font-ils ? La première chose qu’ils font, c’est qu’ils abandonnent leur fortune pour créer une fondation, comme Bill Gates, Marc Zuckerberg…

Donc si c’est ça le « end game », à quoi bon s’évertuer à passer par l’étape intermédiaire ?

Les levées de fonds records, le statut de licorne, les introductions en bourse sont le Graal aujourd’hui pour un entrepreneur. Mais nous devons changer notre regard, notre définition de la réussite ; qu’elle ne soit plus celle de l’argent mais de l’impact positif.

1 milliard : ce n’est pas la valorisation de Phenix mais le nombre de repas que nous souhaitons sauver à terme !

La French Tech a brillamment démontré ces dernières années qu'elle savait faire du SaaS et produire des licornes. Capitalisons dans la décennie à venir sur notre avance et notre excellence en matière d'impact, et bâtissons un récit entrepreneurial complémentaire ! Les financements sont davantage fléchés vers des projets à impact, le passage à l’échelle est possible et il a lieu en ce moment.

Saisissez votre chance et profitez du magnifique tremplin que constitue votre formation à l’ESSEC pour vous lancer dans une aventure professionnelle en lien avec vos valeurs les plus profondes et vos aspirations les plus élevées. Vous découvrirez alors la puissance de l’alignement. Ce n’est pas facile, « sometimes it takes a life to be aligned », mais quand on y arrive c’est un moteur extrêmement puissant.

Je vous souhaite de trouver au fond de vous cette énergie inépuisable, celle qui vous donne « le feu sacré », et de l’employer pour une cause qui en vaut le coup, en contribuant à « make the world a better place ».

Et si vous le faites, vous me retrouverez sur le chemin et vous aurez mon plein soutien !


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Images : © Nicolas Launay

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