Commencement Day : revivez le discours de Cécile Béliot (E97)
Chaque année, le Commencement Day marque la remise de diplômes de tous les programmes de l’ESSEC, en présence d’alumni invités d’honneur. Découvrez le discours de Cécile Béliot (E97), directrice générale du Groupe Bel, pour l’occasion.
Quand je vous regarde, je vois une grande fierté dans vos regards, je ressens tellement d’émotions sur vos visages et ceux de vos proches… Et vous avez raison car il faut savoir profiter de ces moments qui non seulement célèbrent l’aboutissement de vos études, de vos efforts, mais aussi sont pour beaucoup d’entre vous le moment pivot qui va vous faire rentrer dans la vie professionnelle et va ainsi vous faire définitivement passer à l’âge adulte et goûter aux plaisirs de l’indépendance et de l’autonomie.
Je remercie sincèrement l’ESSEC de m’avoir invitée à votre cérémonie de remise des diplômes et de permettre ainsi notre rencontre, vous qui incarnez et constituez une nouvelle génération de leaders, qui construiront, façonneront et décideront de la société et du monde de demain.
Je m’appelle Cécile Béliot, et il y a 27 ans, j’étais à votre place. Cela fait donc 27 ans que j’œuvre avec passion à construire un modèle alimentaire plus durable et plus inclusif.
27 ans que je crois à la puissance du collectif, à la force de transformation que nous avons lorsque nous œuvrons ensemble, ensemble comme ce soir.
27 ans que je crois à la bienveillance et à la gentillesse, bien plus qu’à la peur et à la contrainte, comme leviers pour mobiliser et faire bouger les hommes et les femmes qui m’entourent.
Je suis aujourd’hui CEO du groupe Bel.
Alors Bel, cela ne vous évoque peut-être rien tout de suite, mais nos marques, vous les connaissez toutes : La Vache Qui Rit, Babybel, Pom’Potes, Kiri… Qui n’a pas un souvenir d’enfance lié à l'une de ces marques qui font partie de notre patrimoine culturel français ? Et si vous ne voyez toujours pas, rassurez-vous, vous avez juste manqué les meilleures collations de votre enfance !
Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est ce qui se cache derrière ces marques.
Bel, c’est un groupe familial, conquérant, qui opère dans 130 pays, qui regroupe 12 000 collaborateurs dans le monde, qui a su traverser les époques, les guerres, puisque le groupe a 150 ans d’histoire.
Bel, c’est une réussite française comme on n’en a peu. Bel a donné naissance à des marques et produits iconiques en s’appuyant sur deux savoir-faire jurassiens.
Premièrement : le savoir-faire laitier et fromager car il y a des prairies et des vaches dans le Jura.
Deuxièmement : le savoir-faire de la micromécanique car les terres jurassiennes sont aussi riches en fer et le Jura est la région voisine de la Suisse où l’horlogerie est née. C’est ce savoir faire qui a permis de miniaturiser, de portionner, de protéger, de conserver et d’emballer, tout cela à très grande vitesse, tous nos fromages. Ce savoir-faire nous a permis jusqu’aujourd’hui d’être les seuls au monde à savoir produire du mini-Babybel par exemple.
Mais je ne suis pas là pour vous parler de Bel ou pour vous vendre du fromage, rassurez-vous. Promis, cette cérémonie ne se transformera pas en pub pour La Vache Qui Rit !
Il y a 27 ans donc, j’étais à votre place et je pouvais dire avec fierté et avec joie : « je suis diplômée de l’ESSEC ».
Il est peut-être encore trop tôt pour vous, pour le ressentir pleinement, mais vous verrez, il y a un état d’esprit qui marque et qui distingue l’ESSEC. Ce qui caractérise l’ESSEC pour moi, c’est la liberté qui vous a été offerte pendant vos études de choisir les cours, les majeures qui vous correspondent le plus, qui vous plaisent le plus, vous rendant ainsi responsables de votre parcours, sans vous faire entrer dans un moule, et sans vous contraindre à travers des figures imposées.
Ces libertés s’expriment aussi dans la gestion de votre agenda.
Certains auront alterné 3 jours à l’école et 2 jours en entreprise.
D’autres auront alterné des semestres parisiens et des échanges à l’étranger.
D’autres encore auront choisi la césure plus longue pour profiter d’une expérience de plusieurs mois en entreprise ou juste pour répondre à une envie de découverte du monde.
Quel que soit le chemin que vous aurez choisi de prendre, cela aura été le vôtre, et c’est cela qui crée cet esprit libre penseur qui différencie l’ESSEC. Cette liberté, je vous invite à continuer à la nourrir et à la chérir tout au long de votre vie et de votre carrière.
Cette liberté, c’est sans doute ce qui m’a le plus servi dans ma carrière et dans ma vie personnelle. J’ai fait des choix par passion, par amour, par sens de la responsabilité et de l’utilité, mais certainement pas par ambition, ni par envie d’être la numéro 1 ou même parce que c’est « ce que l’on doit faire ».
À votre âge et sur les bancs de l’ESSEC, mon truc, ma passion, c’était les sciences humaines, comprendre les gens et les sociétés, par tous les angles possibles : la psychologie, la sociologie, l’histoire, l’économie, la littérature… Et c’est cette passion pour l’humain qui m’a naturellement amenée vers le marketing des produits de grande consommation – car finalement, c est juste l’étude de la vie de tous les jours – mais aussi vers l’alimentation… Car quoi de plus culturel, quotidien, socialisant que l’alimentation ?
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. »
C’est comme cela que j’ai trouvé ma vocation (ce pour quoi j’étais douée) et que je l’ai croisée avec ma passion, cet amour des humanités, comme disent les Anglo-saxons.
La chance que j’aie eue, c’est d’avoir réussi à les conjuguer aussi avec ma mission.
Car en travaillant chez Danone, puis chez Bel, j’ai compris très vite que l’alimentation n’était pas une marchandise comme les autres : l’alimentation, c’est beaucoup plus que cela. L’alimentation, c’est un droit humain.
Chaque individu sur Terre devrait avoir accès à 3 repas équilibrés et durables pour lui et ses enfants.
Rien ne peut arrêter ceux qui ont faim et qui voient leurs enfants avoir faim.
Rien n’a plus d’impact sur la santé des humains et celle de la planète que l’alimentation.
Et pourtant, le modèle alimentaire actuel est bien loin de répondre aux besoins des humains et de respecter les limites planétaires…
Juste pour vous donner quelques chiffres…
Toutes les 4 secondes, un individu décède car il a faim.
En 2023, plus d’1 milliard de personnes ont souffert de la famine et de malnutrition.
Mais il y a aussi plus de 800 millions d’obèses, une augmentation exponentielle des épidémies de diabètes, de maladies cardiovasculaires et de toutes les maladies chroniques directement liées à une mauvaise alimentation et à des excès de calories vides, faites de gras et de sucre…
Le modèle alimentaire actuel, c’est aussi 1/3 des émissions carbones de la planète, soit plus que l’ensemble des transports réunis.
C est plus de 60 % de l’utilisation de l’eau sur terre.
Et c’est l’une des origines principales de la perte massive de biodiversité, animale comme végétale, sur notre planète.
Enfin, et il faut bien le comprendre, le modèle alimentaire actuel est fondé sur l’appauvrissement des sols (à travers l’agriculture intensive) et l’appauvrissement de ceux et celles qui nous nourrissent, c’est-à-dire les agriculteurs, les éleveurs, les arboriculteurs…
Vous l’aurez compris, le modèle est à bout de souffle. Toutes les projections le prouvent : il est impossible à travers cette chaîne alimentaire de nourrir les 10 milliards d’individus que nous serons en 2050.
Alors je ne suis pas venue là pour vous déprimer, certainement pas et surtout pas ce soir. Juste vous dire que si l’alimentation est l’un des plus grands enjeux de notre société actuelle avec celui de la transition énergétique, c’est aussi l’une des solutions majeures aux inégalités sociales, au dérèglement climatique, et un outil formidable de prévention contre la maladie, d’amélioration du bien-être de chacun et de régénération du vivant.
Et c’est pour cela que la transition alimentaire, pour une alimentation saine, durable et accessible à tous est devenu mon combat.
C’est bien cela qui me donne l’énergie et l’envie chaque matin de me lever quels que soient les enjeux business, les difficultés et les crises à traverser…
Mon motto, c’est de prouver qu’un acteur comme Bel peut repenser le modèle et peut ouvrir la voie à une nouvelle forme de capitalisme.
Un capitalisme respectueux des ressources et limites planétaires car il les régénère.
Mais aussi un capitalisme respectueux de son écosystème et qui en amont garantit un revenu décent à ses agriculteurs et à ses éleveurs pour leur permettre de se transformer et de basculer leurs pratiques agricoles vers des pratiques d’agroécologie.
Un capitalisme qui en aval protège chaque homme, chaque femme, et chaque enfant qu’il nourrit, en leur offrant une nourriture plus saine et accessible à tous.
Enfin, un capitalisme qui s’inscrit dans le temps long, et qui ne définit pas la création de valeur à travers le profit seulement, mais bien sur deux jambes, tout aussi importantes l’une que l’autre : celle de la performance financière et celle de la durabilité.
Nous sommes la première génération de leaders à tout savoir, à avoir toutes les informations, toutes les données sur les grands enjeux sociaux et environnementaux, ainsi que leurs conséquences planétaires à court et moyen terme. L’important et l’urgent aujourd’hui, c’est donc bien de décider ce que nous allons en faire de cette conscience et de cette connaissance.
Moi, j’ai ma réponse, ma mission, en tant que CEO d’un grand groupe comme Bel, c’est de prouver que ce groupe peut ouvrir une nouvelle voie, et j’espère que vous aussi jeunes diplômés, vous qui allez continuer de façonner le monde de demain, vous continuerez de vous battre pour un monde où le vivant et l’individu sont au centre de tout et dont la valeur cardinale est celle de la bienveillance.
Et ce que je souhaite à chacun d’entre vous, ce que je vous invite à faire, c’est de vous questionner en permanence, pour tenter de trouver l’endroit qui sera pour vous, à la croisée de 3 éléments structurants : votre passion (ce que vous aimez faire) ; votre vocation (ce pour quoi vous êtes doué) ; et votre mission (ce pour quoi vous vous sentirez utile).
Ce lieu existe pour chacun d’entre vous. C’est un chemin très personnel à parcourir. Il prend parfois du temps. Mais, c’est aussi la clé du bonheur ! En tous cas, cela l’a été pour moi.
Pour finir…
Avec les années, j’ai fini par réaliser que la chose la plus précieuse au monde, c’est le temps. Ce qui a de la valeur, c’est le temps et non l’argent. Le temps ne peut s’économiser, il ne peut se rattraper et il ne fait que s’écouler…
Du coup, l’enjeu pour chacun d’entre nous, c’est bien de se demander comment chaque minute de notre vie peut servir notre « personal purpose », notre raison d’être…
Je vous laisserais donc avec cette dernière interrogation : si le temps est ce qu’il y a de plus précieux dans la vie, comment allez vous faire pour rendre chaque minute de votre vie précieuse ?
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Images : © Nicolas Launay
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