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François Belin (E85) : « On peut accélérer la recherche du vaccin anti-COVID »

Interviews

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08.13.2020

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Exceptionnel : ESSEC Alumni vous offre l'accès au n° spécial COVID-19 de Reflets ! Au sommaire, une cinquantaine d’articles de diplômé(e)s et de professeur(e)s ESSEC – parmi lesquels François Belin (E85), directeur général adjoint de l’International Vaccine Institute (IVI), qui fait le point sur les avancées et les enjeux de la recherche du vaccin anti-COVID. 

ESSEC Alumni : Quelles actions l’IVI a-t-il menées face au COVID ?

François Belin : L’IVI s’est très rapidement engagé sur plusieurs fronts. Primo, évaluer en laboratoire la réponse immunitaire avec des candidats vaccins développés pour le SARS-CoV-2 avec des partenaires coréens. Deuxio, tester dès le mois de juin à Seoul le candidat vaccin d’Inovio chez des volontaires sains. Tertio, effectuer une surveillance épidémiologique sur le continent africain, qui manque de tests diagnostiques, pour mieux détecter les cas de COVID-19.

EA : Où en est la recherche sur le vaccin anti-COVID ? 

F. Belin : On dénombrait fin mai 176 candidats vaccins de 5 types : vaccins à base d’ADN or d’ARN ; vaccins vivants atténués ; vaccins inactivés ; vaccins avec vecteur viral réplicant ou non réplicant ; vaccins à base de sous-unités protéiques. 164 candidats vaccins étaient encore au stade des tests sur animaux, et 12 au stade clinique – qui comporte habituellement une phase I portant sur l’innocuité, une phase II sur la tolérance, et une phase III sur la réponse immunitaire avec protection. 176 candidats vaccins, cela peut sembler beaucoup, mais il faut compter avec un taux d’échec de plus de 90 % en moyenne. 

EA : Quels sont les enjeux spécifiques au développement du vaccin anti-COVID ? 

F. Belin : Il reste encore énormément de questions à éclaircir sur la maladie elle-même et son mécanisme d’action pour les formes symptomatiques et sévères, avec de multiples complications que nous voyons émerger de jour en jour, et un impact particulièrement fort sur les populations vulnérables telles que les personnes âgées. Mais la particularité de ce virus tient surtout à sa rapidité de propagation, imposant une accélération des délais qui s’accommode mal des lois du marché. Le nécessaire « architecte » de cette réponse globale s’appelle la Coalition for Epidemic Preparedness Innovation (CEPI). Créée après l’épidémie d’Ebola en 2015, la CEPI est dotée d’une enveloppe de 2 milliards de $ levée auprès des États et des institutions philanthropiques. Cela permet de lever les contraintes financières habituelles au développement d’un vaccin, et de miser sur des résultats probants en seulement un an et demi.

EA : À quoi tiennent les délais de développement d’un vaccin ? 

F. Belin : En temps normal, il faut 5 à 10 ans pour développer un vaccin : 2 à 5 ans pour identifier le virus et son antigène ; 1 à 2 ans pour effectuer les tests sur animaux permettant d’évaluer la toxicité du candidat vaccin ; 4 à 8 ans pour réaliser les tests sur humains. Les autorités règlementaires comme la FDA aux États-Unis ou le MFDS en Corée du Sud ont cependant mis en place une procédure accélérée. On peut en effet comprimer la phase I et II dans un même protocole d’étude si les critères de tolérance et d’innocuité sont bien définis pour passer d’une phase à la suivante. On génère ainsi des données plus rapidement, tout en préservant les droits et la sécurité des participants aux essais cliniques.

EA : Il ne suffit pas de mettre au point un vaccin, il faut aussi le rendre accessible au plus grand nombre. Comment développer rapidement la capacité de production nécessaire ?

F. Belin : Pour constituer les stocks dont nous avons besoin dans les délais les plus courts possibles, nous n’aurons pas d’autre choix que de lancer la production en simultané de plusieurs vaccins en développement, et ce avant même d’avoir les résultats des études cliniques – ce qui représente naturellement un risque financier considérable pour les entreprises concernées. Ici encore, les organisations comme Gavi, la Fondation Bill & Melinda Gates, la CEPI ou encore l’Unicef peuvent aider à assumer ces financements potentiellement à perte.

EA : La mise en circulation du vaccin posera immanquablement deux autres question : pour qui en priorité ? Et à quel prix ? 

F. Belin : Il est probable que ces questions reçoivent des réponses diverses selon le pays, l’organisation ou la société privée ou non à l’origine du vaccin, et les accords éventuellement signés pendant le développement du dit vaccin. Ce qui importe, c’est que ces réponses soient coordonnées et influencées autant que possible par des considérations de santé publique globale, c’est-à-dire en prenant en compte la voix de toutes les organisations supranationales mentionnées plus tôt.

EA : Le COVID-19 remet-il en cause la manière dont nous appréhendons la recherche de vaccin ? 

F. Belin : La pandémie a permis de démontrer l’efficacité d’un modèle – celui consistant à confier à une organisation supranationale à but non lucratif comme la CEPI le rôle de lever des fonds et de coordonner les actions des secteurs public et privé pour faire avancer la recherche. Mais il convient de distinguer la gestion de crise et l’anticipation des crises suivantes. Ce travail-là doit s’inscrire dans la durée, s’effectuer sur le terrain, et pour ce faire, bénéficier d’un financement régulier. Il faut donc espérer que les engagements des gouvernements, des institutions philanthropiques et des particuliers qui ont permis d’établir le modèle actuel perdurent une fois que la pandémie aura perdu de sa virulence et de sa présence médiatique.


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets #133 spécial COVID-19. Pour recevoir les prochains numéros du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.

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