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Philippe Nicolas (E88) : « Mon roman va plaire aux amateurs de tech et de fusac »

Interviews

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10.04.2021

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Philippe Nicolas (E88) publie Les Fleurs jumelles, roman d’anticipation autour des nouvelles technologies et de la finance à New York. Une manière d’explorer l’impact du numérique sur nos vies et nos sociétés.  

ESSEC Alumni : Que raconte Les Fleurs jumelles 

Philippe Nicolas : Deux grands patrons tombent au même instant de la terrasse d'un building. L'inspecteur Paul Askins retrouve dans leurs yeux une lentille étrange, sur laquelle est imprimée la photo d'un œil. Lawrence Vitti, un jeune Français traumatisé au pied de la victime qui a failli l'écraser, clame qu'il s'agit d'un meurtre. Par quels liens obscurs le touriste débarqué le matin même, dans un pays où il n'a jamais mis les pieds, se sent-il brutalement rattrapé par son passé ? Et complice de ce policier qui semble envoûté par la pupille mystérieuse ?

EA : Le titre fait-il référence aux tours jumelles de Manhattan ? 

P. Nicolas : Absolument. J’ai vécu à New York avant le 11 septembre. J’allais prendre des verres au bar du restaurant Windows on the World situé tout en haut des tours, faisais mes courses dans le centre commercial situé tout en bas. Chacun se rappelle ce qu’il faisait ce jour là. J’étais cloué sur mon lit par un accident de moto lorsque ma mère m’a appelé pour me presser d’allumer la télévision… Images insoutenables, réalité impossible à assimiler… Avec mes « Twin Flowers », j’ai voulu un inventer un avenir à New York, à la fois inédit et radieux.

EA : À travers ce récit, vous parlez aussi de la révolution numérique…

P. Nicolas : Lorsque j’ai commencé à écrire Les Fleurs jumelles, l’iPhone n’était pas encore sorti. Vous verrez que mon roman était visionnaire sur ce point et qu’il le reste sur bien d’autres, avec des produits que les GAFAM développent actuellement. Je suis fasciné par l’impact qu’a le digital sur nos vies – j’ai d’ailleurs fait de l’informatique dans ma jeunesse, j’avais créé avec des camarades le premier club dédié de mon école. Mon regard : les nouvelles technologies rendent ce qui est bon en l’homme encore meilleur et ce qui est mauvais en lui encore pire. C’est pourquoi mon intrigue est à la fois noire et lumineuse.

EA : Quitte à aborder ce sujet, pourquoi avoir situé votre intrigue à New York plutôt que dans la Silicon Valley ?

P. Nicolas : J’ai un peu vécu en Californie, à San Francisco et à Los Angeles, connu la Silicon Valley, j’ai même fondé des start-up. Mon propos n’est cependant pas la technologie en soi, mais son impact sur la communauté des hommes, qui dans mon esprit ne peut être qu’urbaine. Comment l’innovation plongée au cœur de la cité, au cœur de chacun de nous, change-t-elle notre façon de vivre, nos rapports aux autres, notre appréhension même du réel ? Au point d’être salvatrice ou fatale ?

EA : Vous présentez également votre livre comme un polar boursier. Qu’entendez-vous par là ? 

P. Nicolas : Les deux grands patrons dont la mort ouvre le livre s’apprêtaient à signer un accord de fusion, immédiatement remis en cause du fait du drame. En dévissant, les deux champions du Nasdaq entraînent dans leur sillage leurs groupes cotés, qui entraînent à leur tour les autres valeurs technologiques, créant un effet de souffle sur les marchés boursiers. Quels produits révolutionnaires imaginaient en haut du gratte-ciel le président d'un groupe d'optique et le père d'un géant mondial des smartphones ? Quelles clauses contenaient l’accord, permettant d’annuler une fusion jugée moribonde par la presse financière, ou au contraire autorisant à la poursuivre pour peu qu’une tête s’empare des rênes ? Les amateurs de fusions et acquisitions devraient apprécier.

EA : Après le roman historique Les Âmes peintes, vous passez au roman d’anticipation… tout en restant dans le domaine du roman policier. Pourquoi privilégiez-vous le format de l’enquête pour raconter vos histoires ? 

P. Nicolas : J’aime cette notion d’anticipation, qui était déjà présente dans mon premier roman, et que je qualifie parfois de science-fiction de proximité. J’écris pour réenchanter le monde et je veux monter que le merveilleux est en nous, que nous pouvons le matérialiser, notamment par l’art, ou par la technologie. Et vous avez raison de parler d’enquête, car ce terme est plus vaste que celui de polar. Dans mes intrigues, tout le monde recherche la vérité, avec les moyens qui lui sont propres : le raisonnement, la sensibilité, l’amour… Une enquête pour moi permet de faire mieux que démontrer la vérité : juste la montrer.

EA : Il s’agit d’une littérature de genre, très codée. Comment entre-t-on dans ce moule ? 

P. Nicolas : Dans une thèse très documentée sur le roman policier qui cite d’ailleurs mon précédent ouvrage, Les Âmes Peintes, Tchéring Bazire rappelle les règles édictées par plusieurs écrivains anglo-saxons durant la première moitié du XXème siècle, qu’il s’agisse de Van Dine, de Knox, ou encore de Chandler. Et elle constate, à mon grand soulagement, que bon nombre d’auteurs les dépassent ou les contournent, justement pour faire évoluer le genre. Il existe aujourd’hui à mon sens une continuité entre la littérature générale et le roman policier. Mon éditeur estime par exemple que Les Fleurs jumelles est un mélange entre Don de Lillo et Agatha Christie, ce dont je suis très fier. Si je rencontre des auteurs de polars, notamment dans ma maison d’édition ou sur les salons littéraires, je n’ai pas suivi de formation ni lu de manuels. J’écris pour faire partager une vision du monde qui m’est propre, en l’espèce un regard français sur New York, une bande-son mélangeant Gainsbourg et le jazz américain, la couleur orangée de New York durant l’été indien et la saison des citrouilles d’Halloween. Les lecteurs ne veulent pas tenir entre leurs doigts des règles, mais de la vie !

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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