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Recherche CDO désespérément

Experts Insights

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12.18.2017

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En partenariat avec le Service Carrière d’ESSEC Alumni, des chasseurs de tête vous informent sur les rouages et les actualités du marché du recrutement, pour vous aider dans votre parcours professionnel. Aujourd'hui, Philippe Feinsilber, cofondateur de la société un-plugg et digital specialist, explique pourquoi moins de 10 % des groupes internationaux ont un Chief Digital Officer dans leur organigramme, malgré la prégnance de la transition numérique : les profils manquent, et le périmètre de la fonction fait encore débat.

ESSEC Alumni : Quelles étapes doivent précéder le recrutement d’un CDO ?

Philippe Feinsilber : Avant de définir le profil idéal du candidat au poste de CDO, l’entreprise doit d’abord mener à bien deux réflexions. D’abord, dessiner à grands traits sa stratégie de transformation. Prendre la mesure de la maturité digitale de son organisation et définir, compte tenu de ses forces et de ses faiblesses, ce que devrait être sa stratégie numérique gagnante.
Ensuite et surtout, statuer sur la gouvernance et l’autorité qui seront attribuées aux CDO. La sélection du CDO est déterminante quant au succès de sa mission. Et, en même temps, attirer le bon CDO dans sa société n’est pas qu’une question de salaire. Les entreprises cherchant à obtenir les meilleurs talents doivent témoigner d’un engagement solide quant à cette volonté de transformation, afficher leur détermination en termes de budgets et de gouvernance ; elles risquent autrement de perdre ces candidats potentiels au profit de compétiteurs, de fonds VC ou de start-ups prometteuses.
Peut-être dans un esprit de « digital washing », afin d’afficher cette modernité numérique, certaines sociétés ont nommé des CDO sans leur allouer les budgets nécessaires. C’est un non-sens. Compte tenu de la tâche à mener, le rôle du CDO ne peut se résumer à une mission d’évangélisateur de la transformation à conduire. Les moyens à leur confier doivent être conséquents et en proportion avec l’ambition envisagée.
Les sociétés doivent démontrer que le CEO est totalement engagé vers la transformation digitale, et détient un mandat explicite du comité de direction et des actionnaires. 
En termes de gouvernance doivent être clairement définis ses responsabilités et ses tâches, son rôle lorsqu’il devra travailler avec les autres têtes de pont tels que COO, CMO, CSO et DSI. C’est cette gouvernance qui permettra au CDO de mener à bien son mandat. Cela se prévoit en avance. Et, par définition, son rôle cross-fonction va chevaucher d’autres périmètres. Les risques de conflits sont par conséquent trop élevés (notamment avec DSI et direction marketing) pour ne pas être déjoués en amont.

EA : Quel est le profil du CDO ?

P. Feinsilber : Préparez-vous au choc des cultures : il y a fort à parier que le candidat CDO détonnera quelque peu avec les profils d’un board de grands groupes. Son expertise digitale va de pair avec un digital mindset : Lean Startup, Design Thinking coulent dans ses veines.
Ce profil, en mesure d’apporter un regard entièrement neuf à ces enjeux, est familier avec des usages technologiques probablement inconnus des actionnaires et membres du Codir. Il viendra probablement d’un secteur complètement différent, sera sans doute un tantinet plus jeune, plus prompt à innover sans crainte de l’échec. La vraie complexité de ce recrutement tient aux deux principales attentes du profil : être un expert des nouvelles technologies, à la pointe des stratégies digitales performantes, tout en ayant la connaissance du fonctionnement des grosses organisations pour mener à bien avec le leadership, mais aussi l’empathie idoine, les transformations nécessaires.

EA : CDO, une fonction transitoire ?

P. Feinsilber : Je pense effectivement qu’il convient d’envisager cette fonction CDO comme une fonction transitoire qu’on ne verra plus d’ici quinze ans, quand le digital aura bel et bien imprégné chaque recoin de notre économie, de nos process… comme le défunt chief electricity officer disparu il y a cent ans.

EA : Compte tenu des moyens nécessaires à allouer à cette fonction, de sa proximité avec les forces dirigeantes, comment ne pas envisager cette fonction, par ailleurs, comme un vrai tremplin à une position de CEO ?

P. Feinsilber : Alors que la demande en CDO augmente, la compétition pour obtenir les meilleurs ne va que s’intensifier. Pourtant, pour beaucoup d’entreprises, le besoin numérique reste flou et la volonté de s’y engager reste à démontrer.

EA : Au final, un CDO, quèsaco ? 

P. Feinsilber : Bien plus qu’une tendance technologique, le numérique induit une transformation totale de notre économie – ne parle-t-on pas de « révolution digitale » ? Et ce n’est que le début, c’est un véritable tsunami digital qui va déferler dans les prochaines années. Cette « transformation digitale » exige un investissement d’envergure pour chaque entreprise… Au risque d’être dépassée par les innovations et de voir des prédateurs apparaître.
Le CDO incarne cette posture engagée d’une société en marche vers la digitalisation. Il incarne l’urgence de cette prise de conscience pour rester dans la compétition. Le CDO est un acteur actif qui conduit le mouvement (et le changement) vers cette révolution digitale plutôt qu’il ne le subit.
Cette transformation digitale est très profonde et ne se résume pas à moderniser l’IT ou le marketing. Elle concerne chaque aspect de l’activité d’une entreprise et repose sur trois piliers : générer de la croissance en créant de nouveaux business models, améliorer les performances en réinventant les process métiers, construire les infrastructures qui permettent de mettre en œuvre les deux points précédents (IT, organisation, culture, etc.).

EA : Et quel est son rôle en tant que leader de cette stratégie de transformation ?

P. Feinsilber : La fonction CDO est arrivée sur le marché dans les années 2010. L’ambition de sa mission est d’accompagner la stratégie digitale d’une organisation de manière globale et transfonctionnelle pour transcrire ses avantages concurrentiels dans ce nouvel environnement digital.
Une mission délicate, qui doit avant tout définir ce rôle et l’ajuster à la maturité digitale de l’organisation en place. Les sociétés orientées « consommateurs » ont été les premières à afficher leurs CDO et on notera que plus de 40 % des recrutements se sont faits en interne. Les entreprises de B2B sont plus à la traîne sur cette tendance. 
Certaines sociétés ont d’abord confié au DSI ou au directeur marketing ces enjeux de transformation. Mais, de plus en plus, un vrai rôle dédié semble mieux approprié pour rendre cohérentes et fonctionnelles les visions business, humaines et technologiques des opérations au travers de toutes les fonctions et de toutes les BU.

 

Propos recueillis par Solveig Debray Sandelin.

 

Paru dans Reflets #116. Pour accéder à l’intégralité des contenus du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.

 



Illustration : © Onlyyouqj / Freepik

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