Reflets Mag #155 | Qu’est-ce qu’une bonne question ?
En voilà une bonne question… Dans Reflets #155, Jérémy Borot (E05) propose sept principes à respecter pour bien (s’)interroger – et surtout obtenir de bonnes réponses. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !
Le sujet paraît tellement évident qu’il n’existe pas d’ouvrage de référence qui le traite. La bonne question échappe en effet aux règles chaque fois que l’on tente de les définir. Tout dépend de l’objectif, du contexte et de l’interlocuteur. Mais s’il n’existe aucune vérité absolue, on peut dégager certains principes.
1. Ouverte
Une question fermée propose un choix restreint ou appelle une réponse par oui ou non. Par exemple : « Fromage ou dessert ? », ou alors : « Prendrez-vous un dessert ? ». Une question ouverte appelle en principe une réflexion plus large en utilisant souvent un mot interrogatif comme comment-pourquoi-qui-quoi-quand-que-où pour empêcher la réponse par oui ou non. « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir pour continuer votre repas ? » offre un champ des possibles plus ample que les propositions précédentes.
2. Intelligente
On vous a dit qu’il n’y a pas de question idiote ? C’est faux. Celles dont vous devriez connaître la réponse, celles qui font perdre du temps, celles qui mettent inutilement votre interlocuteur sur la défensive… La liste est longue. Pour un commerçant, « Et avec cela, qu’est-ce que ce sera ? » s’avère une question bien plus intelligente que « On s’arrête-là ? ». Même si les questions naïves peuvent se révéler acceptables si vous venez d’arriver quelque part ou si vous n’avez pas compris un point important, attention à ne pas aller tout demander à tout le monde tout le temps.
3. Courte
Les plus courtes sont souvent les meilleures. Une question longue se révèle généralement contre-productive : la probabilité que votre interlocuteur la comprenne mal augmente. Le nombre de mots employés indique presque toujours un manque de clarté. Et une question longue cache fréquemment en fait plusieurs questions. Plutôt que « Tu as plusieurs plats à la carte ? En général parmi les plats les plus commandés, lequel est celui que tes clients demandent le plus fréquemment ? », préférez demander à votre ami restaurateur : « Quel est le plat le plus commandé ? ». Par ailleurs, faire court vous évitera de tendre une perche.
4. Sans perche
Tendre une perche, c’est introduire un élément qui influence la réponse. Dans un questionnaire de satisfaction, « Que pourrions-nous améliorer ? (prix, livraison, qualité) » va biaiser les résultats. En tentant de clarifier, on pousse les répondants à se focaliser uniquement sur ces trois domaines ; prix, livraison et qualité. « Que pourrions-nous améliorer ? » se révèle en fait une meilleure question car elle pourra faire émerger des thèmes additionnels.
Imaginez un responsable de projet en charge d’un plan d’économie. Mal à l’aise, il demande : « Peut-on réduire cette dépense ? ». La réponse ne se fait pas attendre : sa collègue se jette sur l’opportunité d’asséner un « non » catégorique et d’expliquer pourquoi. Le responsable de projet a tendu une perche. En demandant « Comment peut-on réduire cette dépense ? », il aurait rendu le « non » plus difficile et poussé à la réflexion.
5. Préfacée
On peut proposer mieux encore : « Quelles dépenses pouvons-nous réduire et comment ? ». Pour répondre « non », notre responsable de département va devoir expliquer : « Aucune. Et voici pourquoi sur chaque sujet… ». C’est un exercice plus ardu et une position difficile à tenir. On peut aller encore plus loin dans l’assertivité : « Nous devons diminuer les dépenses. Que pouvons-nous réduire et comment ? ». Cela reste court… mais on fait comprendre que « non » n’est pas une option. Plutôt qu’une perche, il s’agit alors d’une préface.
La préface peut servir à convaincre votre interlocuteur de l’intérêt de la question. Répondre demande un ef fort. La moindre des politesses est que cet effort ait un but. Sinon, on cessera vite de vous parler. L’ouvrage You’re Not Listening de Kate Murphy contient un chapitre éclairant sur les bonnes raisons de ne pas écouter quelqu’un. Attention à ne pas finir dans la liste de l’autrice !
Une bonne préface indique que la question est la meilleure à ce moment-là de la discussion ; celle qui fait progresser l’échange dans le bon sens et qui se révèle un choix supérieur à toutes les autres que vous auriez pu poser. Pour parvenir à ne poser que des questions utiles, il faudra… les préparer.
6. Préparée
Poser la question parfaite bien exprimée au bon moment se révèle difficile lors d’une discussion à bâtons rompus. Ce serait plus aisé si nous pouvions prendre le temps d’écrire chaque question avant de la poser. Les professionnels s’approchent de cette situation idéale en rédigeant un guide d’entretien en amont. Essayez ! Cela vous aidera à poser d’excellentes questions dans le bon ordre.
Les meilleurs interviewers préparent une liste de questions qui couvrent les thèmes à aborder. Ensuite, ils ne suivent pas toujours leur guide. Et avec le temps et l’expérience, ils peuvent donner l’illusion du naturel : on ne voit plus le guide d’entretien. Mais attention à ne pas confondre expérience et amateurisme. Écrivez vos questions à l’avance pour mieux les choisir le moment venu !
7. Au bon moment
« Veux-tu m’épouser ? » se demande dans un contexte particulier. Les questions importantes ou difficiles requièrent une mise en conditions. Dans un chapitre de Secrets of a Master Moderator, Naomi Hendersen explique comment, lors d’un focus group de trois heures, les trente premières minutes servent à créer la confiance et à habituer les participants à parler. Sans ces préliminaires, les questions difficiles restent sans réponse honnête. Alors, pour vos questions importantes, construisez la mise en scène, l’atmosphère et l’ensemble de la discussion qui y amène.
Toujours plus loin
Considérez la liste suivante : commerciaux, négociateurs, consultants, facilitateurs de focus groups, philosophes, psychanalystes, coachs, inspecteurs de police, avocats pénalistes et médecins. Chacune de ces professions a développé une science du questionnement qui va bien au-delà des sept règles ci-dessus. Comment pourriez-vous apprendre leurs méthodes et vous en inspirer ?
Paru dans Reflets Mag #155. Voir le numéro exceptionnellement en accès libre. Recevoir les prochains numéros.
Image : © AdobeStock
Comments0
Please log in to see or add a comment
Suggested Articles