Reflets #135 | Vincent Moulin-Wright (A86) : « Il n’y a pas d’économie forte sans industrie forte »
Dans Reflets #135, Vincent Moulin-Wright (A86), directeur général de l’organisation professionnelle France Industrie, montre que la France a su rester une grande puissance industrielle – et qu’elle pourrait même accroître son leadership dans les années à venir. On vous offre son interview en version digitale… abonnez-vous pour lire tout Reflets !
Reflets Magazine : La France est-elle encore une puissance industrielle ?
Vincent Moulin-Wright : La France est une puissance industrielle historique dans l’aéronautique, l’agroalimentaire, la santé, l’énergie ou encore la chimie. La mondialisation nous a fait perdre des portions de cette puissance, mais nombre de secteurs ont su se transformer ou se spécialiser dans des productions haut de gamme pour survivre, notamment la sidérurgie, l’automobile, l’électronique, le textile, la mécanique et l’ameublement.
RM : Quid de la désindustrialisation amorcée dans les années 1980 ?
V. Moulin-Wright : Celle-ci a trouvé son inflexion en 2010, avec les États généraux de l’industrie, et plus encore en 2017, avec l’émergence d’une véritable politique de recherche de compétitivité. Les deux années qui ont suivi ont même vu une première vague de réindustralisation, avec des dizaines de milliers d’emplois industriels créés.
RM : Aujourd’hui, quelles sont les forces de l’industrie française ?
V. Moulin-Wright : La France se caractérise par sa capacité d’innovation, grâce à une politique active de soutien à la recherche, à un réseau de centres de recherche de haut niveau, et à des ingénieurs et techniciens formés par des universités et des grandes écoles réputées mondialement, dont la créativité est unanimement reconnue. Notre industrie est également forte de sa diversité sectorielle, avec bon nombre de champions « cachés », entreprises intermédiaires qui détiennent des savoir-faire solides avec des réputations mondiales.
RM : Quelle place l’industrie française occupe-t-elle sur la scène internationale ?
V. Moulin-Wright : Nous comptons plusieurs fleurons occupant une position de leader mondial – et plus largement, nous avons une forte présence à l’international : 75 % de nos exportations sont industrielles et contribuent positivement à notre balance commerciale. Cette force de frappe tient en grande partie à la stratégie d’implantation de nos grands groupes à l’étranger, qui ont fait en sorte de se rapprocher des marchés consommation en croissance.
RM : Quelles perspectives pour l’industrie française dans les années à venir ?
V. Moulin-Wright : Il n’y a pas d’économie forte sans industrie forte. Le plan de relance va dans ce sens, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Réindustrialiser la France permettra de réduire ses importations, donc sa dépendance en matière de sécurité sanitaire, alimentaire et militaire, mais aussi son empreinte carbone. Cela ne pourra pas passer uniquement par la compensation de la perte de production due au COVID-19. Il faut viser la transformation de notre industrie, en favorisant l’innovation de rupture, en digitalisant nos filières et nos PMI, en améliorant notre compétitivité, et en adoptant des pratiques écoresponsables.
RM : La France pourrait-elle jouer un rôle moteur dans le développement d’une « néo-industrie » plus respectueuse de l’environnement ?
V. Moulin-Wright : L’industrie française soutient massivement la transition écologique. Sans la technologie industrielle, pas de filtres pour la dépollution des eaux, pas de processus pour le recyclage des déchets, pas de véhicules électriques pour la mobilité verte, pas de turbines pour les barrages ou d’électrolyseurs produisant de l’hydrogène pour les énergies renouvelables, pas de matériaux éco-responsables, pas de chaleur bas carbone, pas d’efficacité énergétique…
RM : Quid des performances environnementales de l’industrie française elle-même ?
V. Moulin-Wright : Nos usines ne pèsent plus que pour 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, soit une diminution de 48 % depuis 1990, et nous avons déjà l’euro de PIB de le plus décarboné au monde, compte tenu de notre mix énergétique, de l’amélioration continue de nos processus de production, et de notre législation très avancée en matière d’économie circulaire. L’enjeu désormais, c’est de mettre en œuvre une diplomatie carbone solide au plan européen et mondial, pour inciter nos partenaires commerciaux à déployer une stratégie de niveau équivalent à la nôtre. Il faudrait en outre substituer la mesure de « l’empreinte carbone » à celle des seules « émissions carbone » pour tenir enfin compte du carbone importé. Être le meilleur n’a pas de sens lorsque l’on est seul dans sa catégorie, ou lorsque les autres pratiquent une autre discipline…
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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