En couverture de Reflets Mag #155, Cécile Béliot (E97) explique comment elle fait rimer durabilité et rentabilité au sein du groupe alimentaire Bel qui, à travers des marques iconiques comme La Vache qui rit, Babybel, Kiri, Boursin ou encore Pom’ Potes, emploie plus de dix mille employés dans une soixantaine de filiales et distribue ses produits dans plus de 120 pays. Découvrez un extrait de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !
Reflets Magazine : Quel est le business model de votre groupe ?
Cécile Béliot : C’est de comprendre quel est notre rôle, notre responsabilité face aux grands enjeux sociétaux autour de l’alimentation qui n’est pas une marchandise comme les autres. Pour nous l’alimentation est d’abord un droit humain, un droit fondamental, c’est en tout cas comme cela que nous vivons notre mission. Le constat que nous faisons tous aujourd’hui est que le modèle alimentaire actuel ne permettra pas de nourrir dix milliards de personnes à l’horizon 2050, c’est absolument impossible car nous n’aurons pas l’eau ou les surfaces nécessaires sans épuiser la planète. On peut même aller jusqu’à dire que le modèle actuel ne permet déjà plus de nourrir correctement l’ensemble de la population mondiale. On compte aujourd’hui un milliard de personnes qui souffrent d’obésité, sans compter toutes les maladies dues à une mauvaise alimentation qui sont de véritables épidémies comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Face à ce milliard de personnes qui souffrent de malbouffe, vous en avez un autre milliard qui, elles, souffrent de malnutrition, notre modèle ne nourrit donc plus les gens aujourd’hui. Je prends l’exemple de l’Indonésie d’où je reviens, qui fait partie de ces pays du Sud-Est qui bénéficient d’une forte croissance et voient apparaître une importante classe moyenne qui a désormais accès au packaged food. Il y a dix ans, les données épidémiologiques d’Indonésie indiquaient une sévère malnutrition des enfants qui manquaient de fer, de protéines et de tous les minéraux essentiels à une bonne croissance. Dix ans plus tard, une nouvelle étude indiquait non seulement qu’aucune déficience n’avait été réglée, mais que, dans le même temps, le nombre de kilocalories ingurgitées avait explosé – mais il s’agit de ce que l’on appelle des calories vides, du gras et du sucre. Résultat : aujourd’hui, l’Indonésie a des enfants à la fois malnutris et obèses, et c’est le modèle alimentaire qui est en train de se déployer dans le monde entier. Le groupe Bel a un rôle à jouer face à ces défis immenses autour de l’alimentation, car nous faisons partie de la chaîne.
RM : De quel rôle parlez-vous alors ?
C. Béliot : Nous devons nous battre chaque jour pour démontrer qu’il est possible de nourrir les enfants à l’aide d’une alimentation saine, durable et accessible. Pour cela, nous travaillons sur trois piliers clés : le premier, promouvoir un régime alimentaire plus sain et plus durable, car constitué de plus de fruits, de légumes ou de légumineuses. Nos marques qui sont joyeuses et populaires aident à cette transition. Le deuxième levier est de faire transitionner le plus vite possible l’amont agricole sur des pratiques d’agriculture régénératrice, car un sol sain capte mieux le carbone, retient l’eau, préserve la biodiversité et permet de meilleures récoltes in fine. Bel est engagé avec le WWF depuis plus de 10 ans, ainsi que nos éleveurs partenaires et arboriculteurs du monde en tier, à mettre en œuvre un amont laitier et fruitier durable partout où nous opérons. Le troisième levier est de lutter contre le gaspillage alimentaire car un tiers de la nourriture produite est jetée chaque année. Notre modèle de portion est très intéressant sur ce point-là car il préserve l’intégrité du produit et sa conservation. On ne jette jamais une portion de Pom’Potes ou de Vache qui rit !
RM : C’est donc ce qui définit naturellement votre business model ?
C. Béliot : La vraie spécificité du business model de Bel, c’est de piloter l’entreprise sur deux jambes : la jambe de la rentabilité et la jambe de la durabilité, qui sont aussi importantes l’une que l’autre. L’enjeu de mes actionnaires c’est la résilience, c’est la génération d’après. Et lorsqu’on travaille pour la génération d’après, on se dit que la profitabilité n’est qu’un moyen au service de la durabilité. Piloter l’entreprise sur deux jambes signifie que nous avons une double comptabilité, que chaque chef de produit qui travaille chez Bel va tous les mois, comme partout ailleurs, recevoir son profit and loss, et en même temps son impact carbone qui est déduit comptablement de son P&L. La mesure de notre impact n’est pas un simple outil de reporting, c’est un véritable outil de pilotage de l’entreprise et de nos projets d’investissements. Nos décisions et notre fonctionnement quotidien intègrent cette nouvelle compréhension de notre impact, à tous les niveaux de l’entreprise. Nous avons développé un indice d’impact positif pour refléter notre engagement et évaluer notre performance RSE sur la base de critères définis et intégrés à notre mission, à savoir notre empreinte environnementale, l’engagement de nos collaborateurs, notre capacité à proposer des produits pour tous, la mise en œuvre de pratiques agricoles régénératrices, et l’engagement de nos clients.
RM : Pourquoi avoir supprimé la fonction CFO au sein de l’entreprise ?
C. Béliot : Nous ne l’avons pas véritablement supprimée, nous l’avons mise sur deux jambes à cause justement de notre business model. In fine, quel est le rôle de la finance dans l’entreprise ? C’est celui de pilote. Le financier définit le cadre de la conversation de la performance et met en place des process de pilotage pour s’assurer que les objectifs sont atteints. Mon rôle est de créer de la valeur, mais la question est : comment définit-on la création de valeur ? Or, pour nous, le véritable objectif est la durabilité, la finance n’étant que l’outil permettant d’y arriver. Lorsque Antoine Fiévet était encore PDG de l’entreprise et qu’il a pris la décision de placer les équipes RSE sous la responsabilité de notre chief financial officer devenu chief global impact officer, c’était pour rendre lisible par l’ensemble de l’organisation que la création de valeur chez Bel se faisait à la fois sur le financier et sur la durabilité. Ce qui est absolument formidable, c’est à quel point ce changement a créé une accélération monumentale de notre capacité à opérationnaliser la RSE. Parce que d’un seul coup, toute la fonction qui s’appelait CFO et qui est donc devenue global impact a mis toute son énergie pour que toutes les conversations changent à tous les niveaux de l’entreprise. C’est pour cela que nous continuons à être pionniers et que nous avons réussi à accélérer sur l’ensemble de nos trajectoires.
RM : Quels sont vos objectifs de développement à l’international et êtes-vous impactés par les actuelles tensions internationales ?
C. Béliot : [suite de l’article à découvrir dans Reflets Mag #155]
Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag
Paru dans Reflets Mag #155. Voir le numéro exceptionnellement en accès libre. Recevoir les prochains numéros.
Image : © Christophe Meireis
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