Robert Vassoyan (E89), président de Cisco France : Le pari de la France
Robert Vassoyan (E89) fait la couverture de Reflets #119. À la tête de Cisco France, numéro un mondial des réseaux, il se dit absolument persuadé que la France dispose d'un énorme potentiel pour prendre le leadership en Europe, tant sur le plan économique que sur celui de la transformation digitale. C'est l'une des raisons qui l’ont poussé à investir massivement dans la formation et l'économie numérique de notre pays, en partenariat avec l'État. Ce jeune cinquantenaire préside également l'AmCham depuis dix-huit mois – l'American Chamber of Commerce France, dont le dernier baromètre Bain indique que le moral des investisseurs américains en France n'a jamais été aussi élevé. Mais qu'il faudra poursuivre sur le chemin des réformes. Par Michel Zerr.
ESSEC Alumni : Vous aimez à rappeler vos racines multiculturelles, sont-elles à l'origine de votre réussite ?
Robert Vassoyan : Je le crois. Mon grand-père est né en Arménie, mon père en Syrie, moi-même au Liban, et lorsque je suis arrivé en France à l'âge de 17 ans, sans y connaître personne, j'étais un adolescent plutôt maladroit, très admiratif de la beauté de ce pays, de sa liberté, mais aussi impressionné par l'impertinence de la jeunesse française. Je n'avais alors qu'une seule ambition, me faire accepter de tous ces gens qui m'entouraient, et c'est par le biais des études que cela a été possible. En prépa d'abord, puis à l'ESSEC, qui m'a offert l'excellence académique et m'a permis de prendre confiance en moi. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que ma différence, ce que je considérais être de la maladresse ou de la faiblesse compte tenu de mes origines, que tout cela était en fait une force. L'ESSEC commençait alors à mettre en place cette ouverture à l'international que nous connaissons aujourd'hui, un environnement dans lequel je me suis senti bien tout de suite et qui m'a donné confiance pour la suite, ce qui m'a construit. Tout cet ensemble, mes racines, mon départ du Liban, ma formation en France, apprendre à me débrouiller avec pas grand-chose, fait que j'ai dû constamment m'adapter. C'est une grande fierté.
EA : Quelles sont les raisons qui ont conduit Cisco, géant de la Silicon Valley, à investir massivement dans le digital en France ?
R. Vassoyan : Nous avions été frappés, lors du Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier 2014, par le nombre impressionnant de start-ups françaises présentes à cet événement mondial de l'innovation, qui représentaient tout simplement la deuxième délégation derrière celle des États-Unis. Il ne s'agissait pas de start-ups gadgets, mais bien de structures très pointues, au cœur des ruptures du moment, avec une véritable stratégie. J'ai alors attiré l'attention des dirigeants de Cisco, et particulièrement celle de John Chambers [ndlr : président exécutif de Cisco Systems], sur ce phénomène. On a commencé à regarder de plus près, et nous avons été très étonnés de constater cette vitalité entrepreneuriale, cette vitalité digitale qui commençait à poindre dans le pays à travers la mise en place des incubateurs et des fonds d'investissement. Il était évident qu'il se passait quelque chose, que cela allait monter en puissance et mettre une incroyable pression sur l'économie française. Notre pari, mais aussi notre responsabilité et notre opportunité en tant qu'entreprise, était donc d'accompagner ce mouvement, en y mettant des moyens importants.
EA : Quels sont les moyens engagés ?
R. Vassoyan : Depuis près de trois ans, nous déployons en France, en partenariat avec le gouvernement, l'un des plans d'investissement et de développement les plus ambitieux jamais réalisé dans un pays en dehors des États-Unis. Il y a d'abord un effort de formation considérable, nous nous sommes ainsi engagés à former en deux ans plus de 200 000 personnes aux nouvelles technologies, aux réseaux, à la cybersécurité, un objectif aujourd'hui largement dépassé. Nous avons également décidé d'investir dans des chaires avec au moins cinq écoles et universités pour faire de la recherche fondamentale et inventer les cours de demain ; c'est déjà le cas avec Polytechnique, Télécom ParisTech, le groupe Cesi, Sciences Po, et nous sommes en cours de finalisation de la signature d'un partenariat avec le groupe ESSEC, autour notamment du bâtiment connecté. Et puis nous avons fait le choix d'investir dans la French Tech, d'abord à hauteur de 100 millions de dollars, un chiffre rond qui marque ; nous pensions alors mettre dix ans à les investir, pourtant au bout de six mois seulement nous avions déjà investi la moitié de l'enveloppe, ce qui nous a conduits à passer à 200 millions de dollars. Aujourd'hui, nous avons 250 start-ups en qualification, une cinquantaine en accélération et une centaine que nous sommes en train de screener pour investir dedans. Nous allons donc vraisemblablement dépasser ces 200 millions de dollars, en tout cas je serais extrêmement déçu si nous ne les dépassions pas largement.
EA : Comment jugez-vous le niveau des entreprises digitales en France ?
R. Vassoyan : […]
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Illustration : © Arnaud Calais
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