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Private Equity & Sport : Opportunités et Questions ?

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Sport Business

05.11.2021

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Panélistes : 

 

Jean-Philippe Bescond : Associé Gérant et Managing Director – Lazard

Edouard Conques : Managing Director – CVC Capital Partners 

Mickael Betito : Principal – Novalpina 

Arthur Bernard : Founder & General Partner – Athletico Ventures

 

Lors de ce webinar, les panélistes sont invités à débattre autour d’une tendance majeure du sport business, l’investissement privé. Les fonds de Private Equity s’intéressent de plus en plus aux acteurs de l’écosystème du sport : les clubs, les ligues et les ayant-droits.

 

Quelles sont les motivations des fonds de PE à investir dans le sport business ?

 

Les fonds de PE analysent le sport comme étant une source de contenu premium à valeur importante. L’intérêt pour le sport est croissant car le secteur est acyclique. La pandémie actuelle peut représenter une opportunité pour les fonds de PE. En effet, la crise sanitaire a des conséquences sur les modèles économiques des acteurs du monde du sport qui mènent à une évolution des modes de gouvernance. Les fonds de PE peuvent avoir un rôle d’accompagnateur dans ces transitions. Il faut noter que malgré la crise, le secteur du sport est relativement résilient. Par exemple, les audiences du Tournoi des 6 Nations sont en croissance cette année.

Le sport est un secteur porteur et en changement. Les modes de consommation évoluent. Il est difficile aujourd’hui de capter l’attention du consommateur pendant 90 minutes. Néanmoins, c’est aujourd’hui le seul divertissement qui permet de capter une large audience en direct à heure fixe. La situation du secteur du sport peut avoir des ressemblances à celle du secteur de la musique il y a 10 ans. Les plateformes de streaming musical ont révolutionné une industrie en perte de vitesse.

 

Quelles différences entre investir dans un club sportif ou investir dans une ligue/compétition sportive ?

 

Les performances économiques d’un club sportif sont plus aléatoires que les performances d’une ligue ou d’une compétition sportive car les revenus d’un club dépendent de ses performances sportives. Cela est d’autant plus vrai en Europe, où le système de relégation est en vigueur dans la plupart des ligues sportives. A l’inverse, aux États-Unis, les ligues fermées empêchent les relégations et diminuent le risque lié à la performance sportive.

Les modèles économiques des ligues et compétitions sont plus lisibles et rentables que ceux des clubs. Les investissements ont une teneur plus « média » que « sportive » car l’aléa sportif n’impacte pas ou peu leur performance financière. Pour elles, il est question d’améliorer la valeur du produit, la monétisation des contenus alors que les clubs souhaitent améliorer la valeur de leurs actifs, majoritairement les joueurs et les infrastructures. Il est plus incertain et difficile de réaliser du profit. Les retours sur investissement des deals avec des clubs sont encore à démontrer.

Cependant, le modèle des clubs évolue aussi. Les opérations de trading de joueurs ou une bonne politique de scouting (recrutement) et de formation permettent de créer de la valeur pour les actifs. Historiquement, les fonds  de dette prêtaient de l’argent pour permettre aux clubs de payer les créances suite à l’achat de joueurs ou avancer les montants à recevoir des droits TV. C’est ce qui a poussé certains fonds à détenir des clubs sportifs. C’est le cas de Elliott Management, un fond spécialisé dans le rachat de dettes, avec l’AC Milan.

Les gains générés chaque année dépendent des recettes hospitalités, des droits TV, des performances sportives et sont très fluctuants. Avec la crise, les clubs ne touchent plus certains de ces revenus et manquent de liquidités. Cela pourrait amener des évolutions capitalistiques.

Le modèle est basé sur des relations BtoB entre clubs, sponsors et ayant-droits. Le modèle pourrait évoluer vers des relations BtoBtoC avec un focus sur le supporter. Certains clubs ont déjà franchi le pas en devenant des franchises à forte valeur à l’image d’une entreprise comme Disney. Accompagner les clubs pour créer de la valeur et changer de business model est une opportunité pour les fonds de PE.

 

Quel est le rôle des fonds de PE dans ces investissements ?

 

Le modèle d’investissement est un modèle de partenariat : par exemple, dans le deal avec le Tournoi des 6 Nations, CVC vient comme actionnaire minoritaire aux côtés des parties prenantes (les 6 Fédérations). Le fonds est impliqué exclusivement sur les aspects économiques et commerciaux, pas sur le sportif. L’aspect politique est un élément important, la gouvernance étant souvent complexe car il y a énormément de parties prenantes dont les intérêts peuvent diverger.

Le sport est un investissement différent car la dimension émotionnelle portée par les fans qui renient la présence de l’argent et la dimension business est prépondérante. De plus, l’arrivée d’acteurs du monde du PE est assez récente donc cela suscite des interrogations. L’objectif des fonds est d’accompagner les entités autour d’un projet.

La crise sanitaire a pu avoir un rôle de catalyseur. Elle a amené une prise de conscience d’un intérêt à réfléchir ensemble et à s’assurer que tous les acteurs ont la même vision et les mêmes objectifs. Le fait d’avoir un nouveau partenaire, neutre, peut agir comme un facilitateur de gouvernance.

L’investissement dans le sport doit être basé sur un projet commun, pas uniquement sur des éléments financiers. Les sujets sont divers : se développer dans le digital, rénover les infrastructures, créer une nouvelle structure commerciale… La décision doit être prise d’un commun accord entre les investisseurs et les différentes parties prenantes.

 

Au-delà d’un apport financier, qu’est-ce qu’un deal avec un fonds de PE peut apporter à une ligue/compétition sportive ? Comment justifier cette plus-value ?

 

Concernant l’expertise des ayant-droits, il y a un réel besoin de transformation au niveau du métier ou des équipes dirigeantes. L’investisseur doit apporter une dimension unificatrice. L’objectif des fonds n’est pas de tout révolutionner. Ce ne sont pas des experts secteur mais des investisseurs. Ils donnent leur avis en tant que conseillers mais n’ont pas vocation à imposer leurs idées. L’objectif est d’identifier et de s’appuyer sur les compétences des personnes en place. Finalement, chaque évolution est le fruit d’un consensus.

Une double réflexion s’opère dans la plupart des ligues européennes. D’une part, un aspect conjoncturel lié à la crise fait naître des besoins de liquidité auprès de certains acteurs. D’autre part, une prise de conscience de l’évolution rapide des modèles économiques dans le sport, avec en ligne de mire la perspective d’augmenter leur taille à l’international. Elles ont développé une volonté de travailler avec des fonds de PE car ils peuvent apporter des financements sur des problématiques court terme mais également être accompagnateurs sur du plus long terme.

Certaines ligues moins puissantes, comme la Belgique et les Pays-Bas se demandent si se rassembler ne rendrait pas leur produit plus attractif. Un investisseur, neutre, peut permettre de structurer la gouvernance et accompagner ces évolutions.

 

Est-ce que finalement le seul intérêt est d’essayer d’augmenter le nombre de matchs pour augmenter le nombre de revenus et donc d’augmenter la performance financière ?

 

Le sportif a un impact sur la valeur de l’actif. Nous pourrions croire que plus il y a de matchs, plus il y a de revenus. Ce raisonnement n’est pas forcément le bon car la valeur peut résulter de la rareté. Plus il y a de matchs dans un championnat, plus il y a de points en jeu et plus le suspens d’un championnat peut être anéanti. Par exemple, les présidents des clubs de L1 et la LFP (Ligue Française Professionnelle) débattent actuellement pour savoir s’il faut conserver 20 clubs en L1 ou réduire à 18 ou 16.

Il est difficile de trouver un équilibre entre les actions qui permettraient de valoriser les droits, donc de créer de la valeur sur le produit, et les blocages politiques et les réticences de l’écosystème sportif. Si réduire la taille d’un championnat ou créer une nouvelle compétition peut sembler être une solution valorisant le produit, les clubs non concernés ou éliminés ne vont pas être d’accord et tout leur écosystème va s’y opposer. Toutes ces évolutions ne se font pas instantanément et le temps est nécessaire pour qu’il y ait une prise de conscience. Enfin, c’est important d’avoir un narratif clair pour une compétition de façon à ce qu’elle soit attractive pour les fans.

 

Réflexion annexe :

 

Les événements récents qui ont secoué le monde du football européen comme le projet avorté de European Super League (ESL) ou la décision du fonds américain Kings Street de ne plus financer le club des Girondins de Bordeaux mettent en lumière cette tendance de l’investissement des fonds de Private Equity dans le sport. JP Morgan était prêt à investir entre 4 et 6 milliards euros dans l’ESL. On retrouve dans ces deux opérations des sujets évoqués durant cette conférence : la difficulté d’investir dans un club car trop dépendant de l’aléa et de la performance sportive, l’importance (ou la méfiance) des fans de sport pour les fonds d’investissement, la nécessité de revoir les modes de gouvernance, la nécessité de trouver des solutions pour rendre une compétition et son produit médiatique plus attractif etc.

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