4 ESSEC s’engagent pour l’entrepreneuriat et l’investissement au féminin
Jessica Vignoles (M13) est passée par la scale-up Nickel puis par le venture capital. Lydia Seyler (E16) a porté un projet entrepreneurial dans la santé mentale avant de devenir mentor dans plusieurs incubateurs. Sophie Mina (E15) a débuté en fusion-acquisition puis appris à coder pour intégrer une start-up. Chloé Roubach (E14) a travaillé pendant 10 ans dans la finance d’investissement puis a lancé une entreprise à impact dans l’énergie. Aujourd’hui, elles font partie des fondatrices d’Olympe Capital, collectif de vingt femmes business angels qui s’engagent pour développer l'entrepreneuriat et l’investissement au féminin.
ESSEC Alumni : On sait que les femmes sont sous-représentées dans le monde de l’entrepreneuriat. Le constat s’applique-t-il aux business angels en France ?
Sophie Mina : Effectivement, le milieu de l’investissement souffre du même manque de parité. Côté venture capital, les équipes comptent 20 % de femmes sur les marchés matures et moins de 10 % sur les marchés émergents. Côté business angel, les niveaux s’avèrent relativement similaires.
EA : Comment expliquer cet état des lieux ?
Lydia Seyler : Plusieurs éléments jouent. L’accessibilité : il s’agit d’un milieu fermé où le réseau compte beaucoup et ces logiques continuent de favoriser les hommes aujourd’hui. La culture : parler d’argent reste tabou, encore plus pour les femmes. La barrière financière à l’entrée : en moyenne, les femmes ont toujours un pouvoir d’achat plus faible. Les freins psychologiques : les femmes manquent de modèles qui ouvrent la voie, même si les initiatives se multiplient en la matière, comme Sista ou Leia Capital.
EA : Vous-mêmes, avez-vous été confrontées à des discriminations ou d’autres formes d’exclusion en tant que femme business angel ou entrepreneuse ?
L. Seyler : Les discriminations me semblent porter surtout sur les entrepreneuses. En 2022, les startups fondées par des femmes sur les principaux marchés européens ne représentaient que 10 % des startups créées et seulement 2 % des fonds levés. Des chiffres d’autant plus inacceptables qu’on ne saurait établir une corrélation avec les performances des entrepreneuses. Au contraire, les startups comptant des femmes dans l’équipe fondatrice s’avèrent plus durables et plus rentables : selon le baromètre Sista x BCG , « les start-up fondées ou co-fondées par des femmes sont des investissements 2,5 fois plus rentables que les autres ».
Chloé Roubach : Dans l’investissement, la part des femmes à des postes de décisions n’en reste pas moins encore très largement minoritaire, de l’ordre de 20 % selon le rapport McKinsey 2023 sur la diversité dans les marchés privés. Les décisions d’investissement s’en trouvent inévitablement biaisées, selon les mêmes mécanismes qui font que les hommes sont majoritairement sélectionnés aux postes de direction en entreprise.
EA : Dans ce contexte, que propose Olympe Capital ?
Jessica Vignoles : Olympe Capital est un collectif de vingt femmes, aux profils complémentaires, qui souhaitent promouvoir l'égalité des chances dans le monde des affaires, de l'investissement, ainsi qu’encourager l'entrepreneuriat et l’investissement au féminin. Notre nom rend hommage à une figure emblématique, Olympe de Gouges : femme visionnaire, pionnière du féminisme, qui a défendu ardemment les droits des femmes et a lutté pour leur émancipation lors de la Révolution française.
EA : Pourquoi regrouper exclusivement des business angels femmes?
J. Vignoles : Nous avions envie de proposer un cadre nouveau, inhabituel, dans lequel les entrepreneuses se sentent à l’aise. Se réunir entre femmes qui partagent souvent des sujets professionnels et personnels communs rapproche et aide. Cette dimension contribue à la richesse de nos échanges, nous apprenons des expériences de chacune.
L. Seyler : Par ailleurs nous voulions marquer le coup pour le lancement et asseoir notre positionnement sur l’investissement au féminin. Notons qu’on s’étonne moins de voir des hommes se réunir entre eux pour prendre des décisions dans leurs fameux « boys clubs »… Cependant nous n’excluons pas d’inclure des hommes dans un prochain tour de table.
EA : Du côté des projets soutenus, vous sélectionnez des entreprises comptant au moins une femme dans l’équipe fondatrice. Pourquoi ce choix ?
C. Roubach : Là aussi, parce que les projets portés par des femmes sont très largement sous-financés alors qu’elles créent des entreprises en moyenne plus durables et mieux gérées. Il nous paraît essentiel d’encourager les femmes qui se lancent, particulièrement dans un monde où elles manquent cruellement de modèles de réussite à leur image, la figure de l’entrepreneur restant très largement masculine dans l’inconscient collectif.
J. Vignoles : Sans oublier que la mixité favorise l’émergence d’un leadership plus équilibré.
EA : Cherchez-vous aussi à soutenir des projets entrepreneuriaux traitant directement les enjeux de l’égalité femmes-hommes – que ce soit en interne, par leur organisation et leur culture, ou en externe, par leurs activités ?
J. Vignoles : Nous restons des investisseuses, nous cherchons donc la rentabilité – mais toujours en accord avec l'autre volet de notre thèse d'investissement : la durabilité et la responsabilité. Nous n'investissons donc pas dans des modèles économiques que nous jugeons dangereux pour l'environnement et la société.
EA : Quelles sont vos ambitions à moyen et long terme pour Olympe Capital ?
S. Mina : Nous souhaitons inverser la tendance pour plus d’équilibre et de représentativité entre femmes et hommes dans l’entrepreneuriat et l’investissement en France. À moyen terme, cette ambition se traduira par la constitution d’un premier portefeuille de 7 à 8 deals au cours des 18 prochains mois, avec un ROI globalement positif.
EA : Au-delà de vos activités, quelles mesures vous paraissent-elles nécessaires pour atteindre l’égalité femmes-hommes dans le monde de l’entrepreneuriat et de l’investissement ?
J. Vignoles : Il faut agir en priorité autour de l’éducation et de la représentation. Sensibiliser au sujet et faire témoigner des modèles inspirants dans les établissements scolaires. Multiplier les articles dédiés dans les médias, notamment ceux à destination des femmes, encore très (trop) portés sur la mode et la beauté.
C. Roubach : Et développer des initiatives de mentoring et de networking féminins pour accompagner les entrepreneuses dans leurs projets. Des initiatives commencent d’ailleurs à voir le jour dans ce domaine : les lignes bougent, doucement certes, mais il y a du mieux et il faut aussi le souligner !
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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