Arnaud Marec (E08) : « La redirection écologique ouvre de nouvelles opportunités »
Arnaud Marec (E08) a récemment rejoint l’agence de redirection écologique Vingt & Un Vingt Deux ainsi que le Club ESSEC Transition Alumni. Une nouvelle étape dans son aspiration à une vie plus soutenable, tant sur le plan professionnel que personnel.
ESSEC Alumni : Pourquoi être passé de l’industrie à l’écologie ?
Arnaud Marec : J’ai toujours trouvé un intérêt immense aux projets industriels, à la croisée des problématiques d’ingénierie, de production, de commerce et de marketing. Cependant l’arrivée de mes enfants, une formation à l’ESSEC en conduite du changement et diverses lectures ont peu à peu fait naître chez moi le besoin impérieux de vivre et de travailler selon une trajectoire plus soutenable pour notre monde. Suis-je pour autant passé de l’industrie à l’écologie ? Non. L’objectif n’est pas d’opposer les deux, mais de faire évoluer l’industrie dans un sens plus respectueux des équilibres naturels à long terme.
EA : Comment votre agence Vingt & Un Vingt Deux s’inscrit-elle dans cette aspiration ?
A. Marec : L’agence a été créée par Vincent Rabaron et Aurélie Moy, tous deux diplômés de l’École Polytechnique, pour accompagner les organisations dans la redirection écologique de leurs activités, c’est-à-dire pour faire évoluer leur modèle dans un sens compatible avec une société bas carbone. J’ai rejoint le projet avec joie, d’autant que cette association entre ingénieurs et managers me paraît bien cadrer avec la réflexion globale que nous avons besoin de mener, dépassant les clivages et les silos.
EA : Pourquoi ce nom ?
A. Marec : 2 – 1 – 2 – 2. Ces quatre chiffres font référence à 4 équilibres vers lesquels notre système doit tendre, à savoir : 2 tonnes de CO2 par an et par personne ; 1 seule planète pour tous ; 2 hectares globaux par personne ; et 2°C maximum de réchauffement d’ici 2100. Autant d’objectifs dont la réalisation va nécessiter des actions énergiques.
EA : Qui sont vos clients ?
A. Marec : Nous recevons des demandes de tous types de clients : PME et multinationales, industriels ou prestataires de services, et même collectivités. Cette diversité montre que les entrepreneurs et les cadres dirigeants sont de plus en plus nombreux à vouloir un nouveau paradigme.
EA : Concrètement, quels services proposez-vous ?
A. Marec : Nous intervenons comme des tiers objectifs, en fournissant à l’organisation tous les outils pour mener la transformation de son activité : sensibilisation aux enjeux, formation des équipes à tous les niveaux hiérarchiques, conception de modèles d'affaires alternatifs et de stratégies de transition et accompagnement de leur déploiement…
EA : Avez-vous des exemples de projets sur lesquels vous avez travaillé ?
A. Marec : Nous sommes particulièrement fiers d’avoir participé au développement du TyVillage à St Brieuc – une résidence étudiante ultra bas-carbone, sans impact sur le milieu naturel, à partir d'habitats minimalistes en matériaux géo-sourcés.
EA : Différentes approches coexistent chez les tenants de la transition écologique. Quelle vision défendez-vous ?
A. Marec : Nous sommes convaincus que la redirection écologique ouvre de nouvelles opportunités aux entreprises, à moyen et long terme, tout en améliorant leur résilience – concept dont tout le monde redécouvre l’importance avec la crise sanitaire.
EA : La transition écologique soulève-t-elle des enjeux différents pour les PME et pour les grands groupes ?
A. Marec : La différence réside dans les moyens et la mise en œuvre. Les PME et ETI doivent aller vite, car elles ont besoin des ressources allouées à leur transition pour d’autres chantiers tout aussi nécessaires. Inversement, les grands groupes doivent consacrer beaucoup de temps à la sensibilisation et l’acculturation des équipes, car il est crucial d’ « embarquer » une grande majorité de collaborateurs avant de lancer les premières actions opérationnelles de redirection.
EA : Une industrie verte vous paraît-elle possible ?
A. Marec : Je me méfie un peu de ce concept car il porte les germes du greenwashing. L’activité industrielle transforme le monde : c’est sa nature, sa raison d’être. Elle ne pourra jamais être totalement « verte ». Néanmoins, il me semble possible de minimiser ses impacts négatifs tout en maximisant les bénéfices pour les utilisateurs finaux de ses produits dans la durée. À condition d’avoir une acception très large et très exigeante de ces impacts !
EA : Quel visage une industrie éco-responsable aurait-elle ?
A. Marec : Je reprendrai à mon compte les 3 termes évoqués par les rapports de l’association Negawatt : sobriété, efficacité et énergies renouvelables. Et j’ajouterai : penser local, penser deuxième vie des produits, penser durabilité… En somme, répondre à des besoins fondamentaux, et donc ne pas produire si les impacts négatifs sont supérieurs aux bénéfices rendus.
EA : Les acteurs de l’industrie vous semblent-ils prêts à opérer leur transition ?
A. Marec : Même si l’industrie pèse aujourd’hui 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, nombreux sont les dirigeants de groupes industriels à avoir conscience qu’un autre modèle est nécessaire – et à tenter de prendre des mesures en ce sens. Nous avons d’ailleurs plusieurs industriels parmi les clients de notre agence !
EA : Plus largement, la France est-elle bonne ou mauvaise élève de la transition écologique des entreprises ?
A. Marec : C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre car, un peu comme pour le COVID-19, aucun pays ne fournit des éléments facilement comparables entre eux ! De mon petit point de vue en tout cas, les entreprises françaises sont attentives et désireuses de changer les choses, même si les préoccupations de court terme liées à la crise sanitaire tendent à retarder certains projets.
EA : Sur un plan plus personnel, vous avez vous-même quitté la ville pour la campagne – un choix que vous présentez comme la suite logique de votre engagement…
A. Marec : Effectivement, nous nous sommes installés avec ma famille dans la campagne angevine. Une décision qui nous a demandé 2 ans de réflexion et de préparation. Nous souhaitions passer moins de temps dans les transports, (re)trouver du lien à l’échelle locale, habiter dans un bel environnement… Bref, nous sentir plus alignés avec nos valeurs dans notre quotidien.
EA : Considérez-vous qu’il est impossible d’adopter un mode de vie écologique dans une grande ville ?
A. Marec : Au contraire, c’est en améliorant la complémentarité entre ville et campagne qu’on construira un futur plus écologique. Et nombreuses sont les actions vertueuses et soutenables qui peuvent être initiées quel que soit l’environnement. Après, force est de constater que souvent, le réveil écologique va de pair avec une envie de reconnexion à la nature, et par conséquent des aspirations moins urbaines...
EA : Vous avez désormais pleinement accompli votre redirection écologique. Le chemin a-t-il été plus ou moins difficile que vous ne le pensiez ?
A. Marec : Au risque de vous décevoir, j’ai l’impression d’avoir encore beaucoup de chemin à faire ! D’autant que cette dynamique de transition implique justement d’accepter de se remettre toujours en question, de ne rien prendre pour acquis et d’apprendre en continu. Néanmoins, si je regarde le chemin parcouru jusqu’ici, je dirais qu’il a peut-être été moins difficile que prévu, notamment parce que ma prise de conscience a été progressive, qu’elle s’est faite sans conflits dans mon foyer, et qu’elle a été orientée vers l’action. Cela ne signifie pas que la voie n’est pas semée d’embûches : quitter un CDI et abandonner un certain modèle de carrière, renoncer au confort urbain et refuser d’autres facilités comme les voyages en avion, sont autant de décisions pas toujours évidentes à assumer au quotidien. Mais le sens qu’on donne à ces choix donne la motivation nécessaire.
EA : Quels conseils donneriez-vous aux alumni souhaitant suivre une voie similaire à la vôtre ?
A. Marec : Je raconte mon cheminement sur un blog, Famille Durable, et dans un petit livre gratuit : ces lectures peuvent inspirer… Je vous encourage aussi à rejoindre le Club ESSEC Transition Alumni. Et si je ne devais donner qu’un conseil, ce serait de se questionner et de questionner le monde – comme nous y invite d’ailleurs l’ « esprit pionnier » qui caractérise notre école.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
Vous avez aimé cet article ? Pour que nous puissions continuer à vous proposer des contenus sur les ESSEC et leurs actualités, adhérez à ESSEC Alumni !
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés