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Bruno Patino (E90) : « Sans accès à une information fiable, notre démocratie est malmenée »

Interviews

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03/10/2024

Bruno Patino (E90), président d’Arte France, a pris les rênes du comité de pilotage des États généraux de l’information après le décès de Christophe Deloire (E94), secrétaire général de Reporters sans frontières. Il dresse le bilan de l’expérience et donne un aperçu des conclusions et propositions auxquelles les participants ont abouti. 

ESSEC Alumni : Quel parcours avez-vous eu dans les médias ? 

Bruno Patino : Je suis actuellement président d’Arte, professeur associé à Sciences Po et essayiste. J’ai auparavant été directeur éditorial d’Arte France après avoir occupé plusieurs postes dans les médias et le numérique, notamment correspondant étranger du Monde au Chili, président du Monde interactif de 2000 à 2008, président de Télérama et vice-président du groupe Le Monde, directeur de France Culture, directeur général en charge des programmes des chaînes, de la stratégie et du numérique de France Télévisions. J’ai également écrit plusieurs ouvrages sur les médias et le numérique. 

EA : Pouvez-vous présenter les États généraux de l’information ? 

B. Patino : Les États généraux de l’information ont été lancés par le président de la République en juillet 2023 et ont officiellement commencé le 3 octobre 2023 autour d’un comité de pilotage indépendant chargé de répondre aux enjeux actuels du monde l’information, en France mais aussi plus largement au niveau européen. Il s’agit d’un processus collectif qui a réuni durant plus de neuf mois des professionnels mais aussi des citoyens pour réfléchir ensemble à ces questions complexes mais essentielles. Car sans un accès à une information fiable et vérifiée nous sommes convaincus que notre espace démocratique est malmené. Nous avons rendu nos conclusions au Conseil économique, social et environnemental sous la forme d’un rapport que vous pouvez retrouver sur le site etats-generaux-information.fr. Ce document comprend les propositions du comité de pilotage que je préside mais également celles de cinq groupes de travail thématiques (espace informationnel et innovation technologique ; citoyenneté, information et démocratie ; l’avenir des médias d’information et du journalisme ; souveraineté et lutte contre les ingérences étrangères ; l’État et la régulation) qui représentent plus de soixante personnes ainsi que celles des citoyens, chercheurs et experts qui ont travaillé à nos côtés. 

EA : Concrètement, comment ces échanges se sont-ils déroulés ? 

B. Patino : Les échanges ont duré 9 mois et pris des formes plurielles : groupes de travail (avec des réunions une à deux fois par semaine), auditions, assemblée citoyennes en métropole et en outre-mer… Nous avons débuté par une phase de constats et de recueil de proposition puis a suivi une phase d’analyse et de construction des propositions définitives.

EA : Quels principaux constats avez-vous dressés ? 

B. Patino : Tout le monde s’accore pour dire qu’il y a urgence à agir. L’inquiétude est générale et profonde. Comme nous l’indiquons en ouverture du rapport final : « L’information, récit du réel indépendant, vérifié et engageant la responsabilité de celui qui la produit, est menacée et marginalisée. Les journalistes, dont c’est le métier, et les médias d’information, dont c’est l’activité, sont paupérisés. L’espace public est polarisé par une force nouvelle, celle des algorithmes et de leurs effets d’accélération et d’amplification, notamment sur les réseaux sociaux. Enfin, de nombreuses forces œuvrent à décrédibiliser l’information,  par la weaponisation du réseau, des interfaces et des algorithmes, dans des entreprises de désinformation ou de mésinformation. » 

EA : Face à ce constat, quelles propositions faites-vous ? 

B. Patino : Le rapport contient un grand nombre de propositions qui concourent toutes à l’élaboration d’une politique générale de sauvegarde de l’espace informationnel et de l’espace public. Pour bien en comprendre la logique et les subtilités, je vous recommande de parcourir les plus de 300 pages de contributions. Parmi celles-ci, le comité de pilotage que je préside a formulé neuf propositions pour l’espace public français, six pour l’espace public européen et deux à l’attention des professionnels de l’information. Nous couvrons des champs aussi essentiels que l’indépendance des rédactions, le modèle économique des médias ou encore la lutte contre les ingérences étrangères. 

EA : Certains médias ont critiqué l’initiative, voire « fait dissidence ». Quel regard portez-vous sur ces objections ? 

B. Patino : Libre à chacun de porter ses propres projets. Reste l’objectif commun de préserver l’information face aux défis qui se posent à elle aujourd’hui. 

EA : Quel a été le rôle des pouvoirs publics dans l’ensemble de ce processus ? 

B. Patino : Nous avons notamment travaillé avec les parlementaires, qui ont été auditionnés. Mais nous avons préservé notre indépendance tout au long des travaux comme convenu. 

EA : Quelles suites peut-on attendre des États généraux de l’information ?

B. Patino : Nous ne disposons pas du pouvoir législatif ou réglementaire. Il revient désormais aux pouvoirs publics de se saisir de nos propositions. 

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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