Caroline Renoux (EXEC M10) : « À terme, on ne pourra plus faire carrière sans maîtriser la RSE »
Caroline Renoux (EXEC M10) a récemment publié 5 étapes pour se reconvertir dans la RSE et l’impact. Un guide pour les cadres et dirigeants qui veulent donner plus de sens à leur travail, par une experte de ces métiers.
ESSEC Alumni : Quel parcours avez-vous suivi dans la RSE ?
Caroline Renoux : En 2010, j’ai fondé Birdeo, le premier cabinet de recrutement spécialisé en RSE, ESG et impact en France. En 2018, j’ai publié un premier ouvrage, Faire carrière dans la RSE. En 2020, je lance People4Impact, plateforme de référence pour la mise en relation de freelances avec les entreprises dans le but d’accélérer la transition écologique. En 2022, j’ai créé la branche Executive Search de Birdeo pour les comités de direction et comité exécutif souhaitant incorporer des cadres dirigeants en mesure d’intégrer les enjeux sociétaux et environnementaux dans les business modèles.
EA : Pourquoi publier un ouvrage sur ce sujet aujourd’hui ?
C. Renoux : D’une part, les cadres expérimentés sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre plus de sens dans leur travail… sans pour autant rêver de devenir agriculteur dans le Larzac. D’autre part, les décideurs – dirigeants, conseils d’administration, fonds d’investissement – imposent de plus en plus aux entreprises de respecter les enjeux sociétaux et les limites planétaires. Reste à savoir comment faire. Je mets à profits mes 15 ans d’expérience pour donner certaines clés et aider à détecter les profils capables de changer la donne.
EA : Que préconisez-vous dans votre ouvrage ?
C. Renoux : Comme le titre l’indique, je structure mon propos en 5 étapes. La première étape pose les bases en expliquant ce que recouvre l’acronyme RSE et en définissant différents mots clés qui lui sont reliés : finance responsable, économie régénérative… La seconde étape invite à s’interroger sur ses appétences, ses aspirations, son parcours. La troisième étape explique comment se former : il est illusoire de penser qu’on devient expert en se contentant de suivre une Fresque du climat ! La quatrième étape donne la parole à des cadres et des dirigeants qui exposent comment ils intègrent concrètement la RSE dans leurs activités. La cinquième étape retrace une quinzaine de parcours de professionnels particulièrement inspirants, en s’attardant sur leur point de bascule et sur la manière de procéder. Chaque étape se conclue par une série de petits exercices permettant au lecteur de récapituler ce qu’il a appris et de faire le point sur ce qu’il souhaite mettre en place à son tour.
EA : Quel impact espérez-vous avoir avec cet ouvrage ?
C. Renoux : Je cible les cadres, les dirigeants et les freelances en quête de sens. Pour certains, il s’agira de se reconvertir en rejoignant des directions RSE ou des champs d’action comme la réduction des émissions carbone, la défense des droits humains ou la protection de la biodiversité. Pour d’autres, il s’agira de faire évoluer les métiers qu’ils exercent déjà, en intégrant par exemple l’ESG pour les directions financières ou l’économie circulaire pour les directions logistiques.
EA : Au-delà des velléités individuelles, reste la réalité du marché de l’emploi. Comment se portent les métiers de la RSE aujourd’hui ?
C. Renoux : Les métiers et missions techniques connaissent une forte croissance : reporting extra-financier, décarbonation, CSRD… Le sujet se complexifie et s’intensifie aussi, réclamant des compétences spécifiques et des effectifs dédiés. Le mouvement ne concerne plus seulement les grands groupes mais aussi les PME et les ETI qui commencent à intégrer ces métiers, notamment en recrutant des directeurs RSE en temps partagé. Mais je pense qu’à l’avenir, c’est surtout le marché traditionnel qui va évoluer. Je suis sincèrement convaincue qu’à terme, on ne pourra plus faire carrière comme cadre ou dirigeant sans maîtriser les concepts de la RSE en plus des composantes financières et managériales.
EA : Quelles sont les compétences recherchées ?
C. Renoux : En vrac : une excellente culture générale de la RSE et de la façon dont elle peut s’intégrer dans son métier et son activité, une connaissance réglementaire de base, une expérience de la conduite du changement et une capacité à travailler en coopétition – c’est-à-dire en collaboration avec ses compétiteurs car les transformations à mener doivent se faire à l’échelle sectorielle. Il est aussi nécessaire de s’entourer d’un réseau d’experts consultables à tout moment car il est impossible de tout savoir dans ce domaine.
EA : Vous focalisez votre propos sur les cadres. Quid des plus jeunes ?
C. Renoux : On a autant besoin des jeunes que des moins jeunes dans les métiers de la RSE – mais j’ai le sentiment qu’on parle moins des trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires et plus qui veulent à la fois progresser dans leurs carrières et (re)donner du sens à leurs activités. D’où mon parti pris. Ceci étant la transformation de nos entreprises est assurément un chantier intergénérationnel.
EA : Votre propos concerne-t-il la France exclusivement – ou peut-il s’étendre à l’international ?
C. Renoux : Grâce ou à cause de la réglementation, les premières directions RSE en France datent du début des années 2000. Même si nous ne sommes ni parfaits ni les meilleurs (notamment en diversité et inclusion), notre pays est globalement en avance. Nous comptons davantage de cadres formés, à des niveaux de décision supérieurs, que la moyenne. Cependant les autres régions du monde se positionnent. Par exemple, à Singapour, la cotation en bourse des entreprises est conditionnée à la formation des membres du conseil d’administration aux enjeux ESG et aux limites planétaires.
EA : Outre votre livre, quelles ressources conseillez-vous aux ESSEC qui s’intéressent à ces sujets ?
C. Renoux : Je vous recommande notamment de rejoindre ESSEC Transition ainsi que The Shift Project ou encore le réseau RSE de votre syndicat professionnel – ou de le créer s’il n’existe pas – et de participer aux salons spécialisés comme Produrable et Change Now. Vous pouvez aussi consulter les MOOCS (gratuits) du Collège des Directeurs du Développement durable (C3D), le livre Les 101 mots de la RSE de Fabrice Bonnifet, et les newsletters Novethic, Youmatter et RSE Datanews.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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