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Charlotte Rondelez (E95), metteuse en scène : « Je suis convaincue de la fonction sociale et éducative du théâtre »

Interviews

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18/12/2017

Directrice de théâtre, directrice de compagnie, metteuse en scène, autrice, comédienne… Charlotte Rondelez (E95) vit par et pour les planches. Jusqu’au 9 janvier, elle présente Cabaret Liberté ! au Théâtre de Poche à Paris. 

ESSEC Alumni : Que raconte Cabaret Liberté ! ?

Charlotte Rondelez : Ce Cabaret, mené par quatre comédiens et un pianiste, tente de trouver la source des « idées neuves » qui se cachent en chacun de nous. De textes d’auteurs en chansons à textes, de parades magiques en parodies décalées, la dérision en bandoulière, la pensée, l’humour et le rire sont là pour célébrer la liberté d'esprit. « Si tout est à écrire, par quoi commencerions nous ? » C'est en suivant ce fil et en démontrant le possible par l'absurde que s'est construit ce spectacle. 

EA : Définiriez-vous votre travail comme du théâtre – et de l'humour – engagé, voire politique ?

C. Rondelez : Je défends l'idée d'un théâtre « politique »,  au sens large du terme, c'est-à-dire acteur pour la Cité. Dans cette optique, le théâtre que je mets en scène est toujours « engagé ». Mais je ne réduis pas cet engagement à un courant politique. Je pense que l'habileté d'un homme pour faire évoluer et avancer sa pensée tient dans sa capacité à s'étonner. Le théâtre peut créer cet étonnement, l'humour aussi.

EA : Pourquoi avoir fait le choix du format du cabaret pour faire passer votre message ?

C. Rondelez : Mettre en scène un cabaret est une première pour moi, et c'est une très belle expérience. Le cabaret ancre le spectacle dans le présent. Tout texte, par la force du cabaret, ne trouve écho que dans sa résonance avec l'actualité. Il ne peut y avoir ce qu'on appelle traditionnellement de « quatrième mur », barrière invisible au théâtre qui scinde l'espace-temps entre la scène et la salle. Au cabaret nous jouons avec la salle, en dialogue permanent. Pour parler de liberté d'esprit, cela me semblait être la forme idéale.

EA : Vous présentez des textes de nombreux auteurs différents. Qu'est-ce qui les rassemble ? 

C. Rondelez : Chaque texte est à sa manière un acte de résistance aux idées toutes faites et préconçues, aux dogmes de la pensée commune. À la croisée du cabaret politique, du cabaret chansonnier et du music hall, le Cabaret Liberté redécouvre des auteurs impertinents, parfois jugés libertaires, tels que Mirbeau, Devos, Visniec… Mais on a également la surprise de découvrir des textes d’Henri Roorda ou d’André Breton qui croisent la route de chanteurs insolents comme Brassens, Higelin et même, plus insolite, celle de Margaret Thatcher. Tous nous interrogent : sommes-nous certains de nos certitudes ? 

EA : Quelle a été votre part d'écriture dans ce spectacle ? Et comment l'avez-vous abordée, face à des auteurs emblématiques comme Vian et Mirbeau ?

C. Rondelez : J'ai écrit le prologue, quelques scénettes et sketchs, ainsi que le fil conducteur du spectacle. Évidemment, à côté d'auteurs géniaux, je me suis posée la question de la légitimité de ma propre écriture. Ce n'est pas ma première expérience d'auteur, mais c'est ma première « cohabitation ». Cependant, en me posant cette question et en ressentant ces scrupules, je me plaçais moi même au cœur de mon propos : chaque moment de ce spectacle invite à renverser les points de vue, à laisser s'exprimer son imaginaire, à ne pas effacer sa propre liberté d'esprit. Ce ne pouvait être que dans la forme, il fallait que ce soit également dans le fond. J'ai donc écrit, simplement, ce qu’il me semblait juste d'exprimer, de relier – et, chaque soir, le public est lui aussi invité à participer à cette écriture. Il y a une part d'improvisation dans ce cabaret, de spontanéité, certains spectateurs prennent même parfois possession du plateau… Le vent de liberté est alors palpable. Ces moments sont magiques.

EA : Comment en êtes-vous venue au jeu et à la mise en scène après l'ESSEC ? 

C. Rondelez : Le jeu est venu au lycée puis, intensément, à l’ESSEC, via l'association Comedia Dell’ESSEC. La mise en scène est venue plus tard, avec la maturité.
J'ai commencé mes aventures théâtrales après mes études, avec des anciens de l’ESSEC, Nicolas Moritel (E94) et Claire Basini (E98), mordus comme je l'étais. Nous avons monté ensemble nos premiers projets dans des petits lieux parisiens, le soir sur les planches et le matin sous les dossiers.
Puis, à 27 ans, j'ai quitté le monde de l'entreprise traditionnelle pour tenter pleinement ma chance. J'ai changé de mode de vie, commencé une formation de comédienne, créé ma compagnie, lancé des projets… Et après 1001 expériences, les différents chemins se sont croisés et on m'a demandé de diriger des lieux culturels, en parallèle de mes activités sur le plateau.

EA : Mettre en scène une troupe revient-il à manager une équipe ? Et monter un spectacle, à monter une entreprise ?

C. Rondelez : J'ai aujourd'hui plusieurs casquettes : directrice de théâtre, directrice de compagnie, metteuse en scène, autrice, comédienne… Je suis à la fois chef d'entreprise, manager, chef de projet et employée… Cela donne parfois un peu le tournis.
Oui, gérer un théâtre, une compagnie ou un projet ressemble à ce que l'on peut connaître dans une entreprise. L'objet et le contexte sont cependant particuliers. 
Le théâtre, c'est l'art de l'éphémère, tout peut être succès un soir, échec le lendemain. Comment construire sur l'éphémère ? Et puis les comédiens sont des êtres complexes et étonnants, on ne peut agir et réagir avec des méthodes traditionnelles.
Le contexte aussi est très particulier. Nous sommes dans une économie contrainte, que certains appellent « archaïque ». Il faut cependant veiller à ce que l'administratif et le financier ne deviennent pas les seuls critères de décision, sinon – in fine – le Théâtre s'appauvrit. Face aux contraintes financières, administratives, sécuritaires, il faut préserver la liberté d'entreprendre. 

EA : Quels sont vos prochains projets ? 

C. Rondelez : J'ai le projet de mettre en scène La Ménagerie de Verre de Tenessee Williams en septembre 2018. J'ai également un travail d'écriture en cours, qui parle du tigre qui sommeille en nous… Je prévois enfin de recommencer des ateliers théâtre dans des secteurs d'éducation prioritaire. Je suis convaincue de la fonction sociale et éducative du théâtre, et ces expériences sont toujours des moments de vie intense.

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11)

 

Cabaret Liberté !
Théâtre de Poche
75 boulevard du Montparnasse
75 006 Paris
Représentations les vendredis et samedis à 20h30 du 17 novembre 2017 au 6 janvier 2018


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Image - 2017 12 18 - Charlotte Rondelez 2.jpg
 

 



Illustration : © Juliette Renard

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