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Christian Masset (E78), ambassadeur à Rome : « La pandémie a consolidé la relation franco-italienne »

Interviews

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02/02/2022

Quai d’Orsay, Union Européenne, ambassades… Également diplômé de l’ENA, Christian Masset (E78) évolue dans les hautes sphères des affaires étrangères depuis près de 35 ans. Aujourd’hui ambassadeur de France en Italie, il nous raconte sa vie dans les coulisses de la diplomatie française depuis le palais Farnèse à Rome.

ESSEC Alumni : Comment et pourquoi êtes-vous passé de l’ESSEC à la diplomatie ? 

Christian Masset : Dès le lycée, je me suis découvert une vocation pour le service public. J’ai choisi la classe préparatoire et l’ESSEC pour la diversité de la formation et pour mon intérêt pour les questions économiques. Cela constitue une excellente préparation pour le métier de diplomate qui couvre des sujets à 360°. 

EA : Votre formation managériale vous aide-t-elle dans vos fonctions de diplomate ?

C. Masset : Sans doute. L’ESSEC m’a ouvert à l’international, et les fonctions de gestion sont essentielles dans toute organisation. Une ambassade est comme une PME, et même une grosse PME. J’ai servi à Tokyo et à Rome. Ce sont des équipes de plusieurs centaines de personnes. Et j’ai eu le privilège de mettre sur pied un projet d’établissement pour le ministère des Affaires étrangères lorsque j’étais Secrétaire général au Quai d’Orsay. Les qualités de management sont de plus en plus valorisées au sein de notre diplomatie, et tout particulièrement le management d’équipes.

EA : Vous avez notamment été membre du cabinet d'Hubert Védrine, alors ministre des Affaires étrangères. Quelles étaient vos missions à l’époque ? 

C. Masset : Cela a été pour moi un grand privilège que de travailler aux côtés d’Hubert Védrine. J’étais son conseiller technique pour les affaires européennes à une période charnière, entre le traité d’Amsterdam et le traité de Nice. Le poste couvrait aussi nos relations bilatérales avec l’ensemble des pays européens. J’ai beaucoup appris. On voit comment les décisions se prennent et comment fonctionnent l’interministériel et la préparation des Conseils Européens ou des visites d’État.

EA : Vous avez ensuite créé la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) au ministère des Affaires étrangères… 

C. Masset : J’ai en effet eu la chance, après mon passage à Bruxelles comme représentant permanent adjoint de la France auprès de l’UE, de me voir confier la préfiguration de cette direction générale. Il s’agissait pour notre diplomatie de mieux s’organiser pour traiter des sujets émergents – les sujets globaux comme le climat, la santé mondiale, la réforme du commerce international ou la régulation financière internationale. Cela avait fait l’objet d’un livre blanc sur la diplomatie française à l’heure de la mondialisation. Une des conclusions était de créer une grande direction générale capable de combiner les grandes négociations sur ces enjeux, notre diplomatie économique et notre diplomatie d’influence. Sur le climat par exemple, il s’agissait de définir la meilleure stratégie de négociation et de mobiliser l’ensemble de nos acteurs, que ce soit les entreprises ou les ONG, ainsi que notre réseau culturel et de coopération, pour parvenir à un résultat ambitieux et pour que la France soit pleinement partie prenante. La DGM est plus que jamais au cœur des négociations sur les sujets globaux et de notre coopération, elle contribue à l’action de la France au sein du G7 et du G20.

EA : Que retenez-vous de cette expérience ?

C. Masset : Ce fut une expérience passionnante. Tout d’abord en termes de management. Il s’agissait de mettre sur pied une équipe multidisciplinaire de plus de 400 collaborateurs, dotés d’une grande expertise. Nous avons recruté beaucoup de jeunes, très pointus dans leurs domaines, pour lesquels le passage dans cette direction générale a été très formateur. D’autre part, la création de la direction générale a coïncidé avec la grande crise financière de 2008 et à la modification des rapports de force économiques et politiques dans le monde en faveur des grands émergents. J’ai ainsi pu assister à la création du G20 et voir les lignes internationales bouger.

EA : Puis vous êtes devenu ambassadeur – d’abord au Japon, ensuite en Italie. On imagine que l’expérience a été différente d’un pays à l’autre…

C. Masset : Le Japon et l’Italie sont deux grands pays, très différents bien sûr l’un de l’autre, mais qui se caractérisent par une très grande culture, comme la France, ce qui facilite les liens. Mon séjour à Tokyo a correspondu à un moment particulier : la volonté du nouveau premier ministre japonais d’alors, Shinzo Abe, de se projeter davantage à l’international et de s’appuyer sur des partenariats privilégiés. C’est ainsi que s’est noué le partenariat d’exception scellé entre la France et le Japon, à l’occasion d’une visite d’État du président de la République en 2013. 

EA : Quid de votre expérience en Italie ? 

C. Masset : L’Italie est un pays voisin, membre fondateur de l’Union européenne : la relation est d’une nature différente. Il s’agit pour l’ambassadeur de favoriser et de valoriser toutes les coopérations avec ce pays qui est le deuxième partenaire de la France, que ce soit dans les domaines économique, technologique, de défense, culturel, universitaire… Mais aussi de faire en sorte que l’Italie et la France jouent ensemble un rôle moteur dans la construction européenne. Nous avons beaucoup de convergences que nous devons transformer en propositions ou en actions communes au niveau européen. C’est le sens du traité d’amitié – le traité du Quirinal – qui a été conclu en novembre dernier à Rome.

EA : Indépendamment de la destination, quelles sont les constantes du métier d’ambassadeur ?

C. Masset : La première caractéristique est que l’ambassadeur est le point focal d’une relation entre deux pays. Il représente la France auprès des autorités du pays où il exerce, il apporte une aide à la décision pour ses autorités, il veille aux intérêts de la France et de la communauté française, il agit pour l’image de la France et pour le développement de la coopération entre les deux pays dans tous les domaines. 

EA : Quels ont été les moments forts de votre mandat au Japon ? 

C. Masset : La visite des zones sinistrées et de Fukushima après le tsunami, la visite d’État du président de la République et la conclusion du partenariat d’exception, les rencontres avec l’empereur, les discussions avec les grands patrons japonais, la visite du paradis culturel de Naoshima. 

EA : Et quels ont été les moments forts de votre mandat en Italie jusqu’ici ? 

C. Masset : Les bouleversements politiques, la première vague de la pandémie qui a touché en premier si durement l’Italie, la capacité des Italiens à faire face, la découverte des savoir-faire exceptionnels de ce pays, les rencontres avec le président Mattarella, la patrouille de France et leur homologue italienne, les frecce tricolori, dans le ciel de Rome pour la conclusion du traité du Quirinal. 

EA : Vous avez notamment été rappelé en France en 2019, situation qui se produit relativement peu souvent. Aujourd’hui, où en est la relation franco-italienne ?

C. Masset : Ce rappel a constitué un choc salutaire qui a permis de reprendre le fil d’une coopération dense que nous avons voulu approfondir pas à pas, de façon à la porter à un niveau encore supérieur. C’est aujourd’hui une relation d’une exceptionnelle qualité, qui donne de l’ambition au projet européen comme nous l’avons vu avec le Next Generation EU. 

EA : La crise du COVID a-t-elle impacté cette relation ? 

C. Masset : La pandémie a consolidé notre relation, en soulignant nos interdépendances, en renforçant notre solidarité et en nous conduisant à faire des propositions communes pour la relance économique et pour le développement d’une Europe de la santé.

EA : Quels sont vos prochains projets ?

C. Masset : Je serai dans les prochains mois totalement engagé sur deux priorités : la mise en œuvre du traité du Quirinal pour renforcer encore notre relation bilatérale et la présidence française du Conseil de l’UE qui s’exerce dans tous les pays européens, durant cette année décisive à tous égards. 


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

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