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Commencement Day : revivez le discours de Solène Lory (BBA 02)

Actus de l'ESSEC

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14/06/2024

Chaque année, le Commencement Day marque la remise de diplômes de tous les programmes de l’ESSEC, en présence d’alumni invités d’honneur. Découvrez le discours de Solène Lory (BBA 02), Head of Music France & Southern Europe chez YouTube, pour l’occasion.

Mes années à l’ESSEC ont gravé à jamais dans ma mémoire des souvenirs indélébiles : mes premières expériences du monde de l’entreprise, mon année universitaire aux États-Unis, les campagnes BDE, La Nuit de l’ESSEC, le Foy’s, des amitiés et des amours pour la vie –  mon conjoint (le père de mes 3 filles) faisait lui aussi partie de ma promotion. 

Le BBA ESSEC façonne donc encore ma vie d’aujourd’hui.

Avant d’accepter cette invitation, de nombreuses questions m’ont parcourue. 

Que pourrais-je bien partager avec vous qui puisse vous être utile pour votre avenir ? 

Quels sont les grands enseignements de mon parcours ?

Qu’est-ce que la réussite ?

Et puis j’ai pensé au lieu dans lequel nous nous trouvons, la salle Pleyel. Cette salle symbolise le fil conducteur de mon expérience : la musique. 

J’ai pensé à la chance que j’ai d’exercer un métier qui me passionne et qui me donne l’impression de ne jamais travailler vraiment. 

Ce matin, j’aimerais donc vous transmettre 4 précieuses leçons que j'ai tirées de mon expérience, 4 clés qui m'ont guidée vers le métier dont je rêvais en sortant diplômée ddu BBA ESSEC.

En premier lieu, je dois rectifier un point : être à la tête du département Musique de YouTube ne pouvait pas être véritablement mon métier rêvé à 20 ans puisque ce dernier n’existait pas encore ! 

Quand je suis sortie de l’ESSEC en 2002, YouTube n’était pas encore créé, tout juste commencions-nous à nous échanger des fichiers MP3 (moins lourds à transporter que nos gros classeurs de CD) pour écouter de la musique sur nos iPods. Les clips musicaux se regardaient encore sur les chaînes de télévisions. Il fallait souvent attendre la diffusion de l'émission Hit Machine sur M6 pour espérer voir le clip de son artiste favori. Pour toucher un public, les artistes dépendaient du bon vouloir de programmateurs radios qui décidaient ou non de jouer un titre sur leur antenne. Et leurs revenus provenaient principalement des ventes de CDs à la Fnac ou chez Virgin Mega Store. 

Vous l’avez compris, le monde la musique a changé. 

YouTube, par exemple, est à la croisée des chemins, entre une radio, un magasin de disques et une chaîne de télévision.

Je trouve ici le premier enseignement à vous transmettre : l’innovation est imprévisible. Très probablement que dans 20 ans vous exercerez un métier qui n’existe pas aujourd’hui. Peut-être même que si vous êtes vous même entrepreneur, vous allez créer de toute pièce ce nouveau métier. 

Pour cette raison, gardez un esprit ouvert, curieux et optimiste. Je crois que c’est en partie cet état d’esprit qui m’a permis d’orienter mes choix professionnels.

Revenons sur mon parcours. En 2018, une rencontre déterminante a fait pivoter mon destin.

Lyor Cohen, un grand leader de l’industrie musicale mondiale, venait d’être embauché chez Google, pour diriger la branche musique de YouTube dans le monde. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il s'agit de l’ancien PDG de Warner Music et le créateur d’un label de rap légendaire : Def Jam. Il est, entre autres, à l’origine de la carrière des Beastie Boys, Run DMC, Jay-Z ou Mariah Carey ! 

J’ai très vite identifié que si je souhaitais continuer à progresser et devenir un leader de la musique au sein de mon organisation, je devais le convaincre, lui, que j’étais la bonne personne à qui confier les rênes pour la France. 

En parallèle, je devais aussi travailler sur moi car le syndrome de l’imposteur était très présent chez moi. Intérieurement, j’avais tendance à m’inférioriser, MOI, une femme parmi tous ces hommes dirigeants… 

Car en 2018 aucune femme ne dirigeait de grande entreprise du secteur de la musique en France. 

D’ailleurs, en 2024, peu de progrès ont été réalisés sur le sujet : seuls Sony Music et la Sacem ont à leur tête une femme.

Je reviens donc sur Lyor Cohen qui a eu un rôle déterminant dans mon parcours. Il est venu à Paris pour le lancement de la plateforme YouTube Music en 2018.       

J’ai mis toute mon énergie pendant les semaines qui ont précédées sa venue à préparer sa visite. Son séjour à Paris a forgé les fondations de notre relation professionnelle et je peux même dire, aujourd’hui, amicale. 

Pendant ce moment, je n’ai joué aucun rôle, je suis restée moi-même, la plus authentique possible, sans filtre, sans masque. 

Si je vous raconte cette anecdote, c’est pour partager avec vous le second enseignement : l’importance des rencontres. 

Je n’utilise délibérément pas le mot « réseau » car je le trouve galvaudé. On vous a certainement enseigné pendant votre programme l’importance d’entretenir votre réseau. Selon moi, ce conseil vaut à la condition que vous restiez vrais, authentiques dans les relations que vous établissez avec les autres. 

L’idée derrière le réseau n’est pas de remplir votre carnet d’adresses du plus de contacts possibles mais plutôt d’identifier, sur votre chemin, les personnes avec lesquelles vous allez pouvoir progresser, et avec lesquelles vous allez pouvoir nouer des relations humaines justes et sincères. 

Continuons à remonter le fil du temps : 2009 à 2016. Je réalise mon rêve le plus grand : celui de travailler pour la maison de disques Sony Music. 

Pourtant, quand je reçois mon offre d’emploi en 2009, je ne suis plus certaine de vouloir vraiment travailler dans une maison de disques. L’industrie de la musique est à ce moment-là sinistrée : les plans sociaux se multiplient, les ventes de CDs s’effondrent, le piratage explose, les nouveaux business models du streaming sont balbutiants et loin d’assurer un retour sur investissement. 

Toutefois, j’ai foi en les signes de la vie car ce poste m’est présenté à un moment crucial de ma vie personnelle et va nous permettre, avec mon conjoint, d’acquérir notre nid à Nanterre, où je vis encore aujourd’hui. 

Chez Sony, une prise de conscience se cristallise en moi, et elle continue d'influencer profondément mon existence : mon travail est au service de mon bien être – et mon équilibre vie personnelle / vie professionnelle m’est essentiel.

De 2012 à 2015, j’ai la joie de mettre au monde trois petites filles qui vont me demander beaucoup d’attention et de temps. Pour rien au monde je ne sacrifie ce temps là à mon travail. J’apprends à prioriser, à me sortir du dogme de la bonne élève qui doit tout réaliser parfaitement. Je choisis mes projets et le temps que je vais y consacrer en fonction de l’impact que je peux avoir. Je mets tout le reste de côté. 

Vous l’aurez compris, je vous transmets ici le troisième enseignement de ma réussite à moi : celui de n’avoir jamais sacrifié ma vie personnelle pour mon travail. 

La dernière histoire que je vais partager avec vous est la source de qui ce qui a déterminé ma volonté de travailler dans la musique, et la raison pour laquelle j’ai choisi à 18 ans de venir étudier à Paris dans une école de commerce – et pas n’importe laquelle !

Cette histoire prend naissance via une passion pendant mon adolescence. J’ai 13 ans, je chante faux, je ne pratique aucun instrument de musique… Et pourtant la musique, enfin plutôt un artiste, va changer ma vie. 

Je viens de voir mon premier concert et je suis fascinée, je suis chamboulée, je n’ai jamais rien vu de pareil. 

L’artiste en question s’appelle Michael Jackson et est représenté par la maison de disques Sony Music. 

Je deviens une fan comme vous pouvez en voir dans certains documentaires avec ma chambre recouverte de posters de mon idole. Mon adolescence tourne autour de lui. Mes parents sont parfois terrifiés mais heureusement je garde le cap à l’école et je reste une bonne élève, ce qui les rassure.

Mon rêve, comme tout fan, est de le rencontrer. Ce rêve, je le frôle du bout des doigts lors d’un concert au Parc des Princes à Paris.

Une amie fan et moi assistons au concert au premier rang, nous hurlons dès les premières notes de musique du show et à la quatrième chanson, un garde du corps s’approche de nous et sort mon amie de la fosse.

La minute suivante, elle est sur scène, en train de danser un slow avec Michael Jackson. Je suis effondrée. Je hurle, je pleure pendant toute la suite du concert. J’aimerais tellement être à sa place. 

Mais très vite, je me reprends. Qu’à cela ne tienne, je décide d’assister à tous les concerts de sa tournée européenne jusqu’au jour où moi aussi je monterai sur scène. 

Et ce jour finit par arriver. 

Je monte sur scène un 6 juillet à Munich en Allemagne. Je danse un slow de 3 minutes avec Michael. Je suis en transe pendant ce moment. Et je comprends l’une des leçons les plus puissantes de ma vie : tous les rêves sont réalisables, quels qu'ils soient. Nous avons tous en nous un pouvoir créateur. 

La vie m’enseigne que nous pouvons lui faire confiance et que si cela ne fonctionne pas du premier coup, c’est que généralement elle a un plus beau plan pour nous derrière. 

Le concert pour lequel je suis montée sur scène était filmé pour les télévisions du monde entier, mes parents ont pu le regarder quelques semaines plus tard sur Canal Plus et aujourd’hui encore vous retrouvez l’extrait avec des millions de vues sur Tik Tok, Reals et bien sûr… YouTube. 

Pour conclure, j'aimerais partager avec vous un dernier conseil : le succès ne se résume pas à un titre de directeur ou de directrice, à des chiffres ou des résultats financiers.

Ce constat vaut aussi pour la sphère privée : la réussite n’est pas le reflet de nos biens matériels ou de notre statut marital. 

La réussite, c’est celle qui nous aligne avec notre cœur et notre authenticité. C’est celle qui nous fait dépasser nos peurs, celle qui déconstruit nos schémas préétablis, celle qui retire les masques sous lesquels nous nous cachons parfois. 

Parce qu’une fois que nos rêves sont réalisés, dans la sphère professionnelle ou privée, c’est ce qu’il nous reste : notre façon d’être au monde, notre impact sur les autres et sur notre environnement. 

Aujourd’hui, c’est ce qui me tient le plus à cœur : être un leader responsable. Et si je me tiens debout devant vous aujourd’hui, c’est aussi pour vous passer ce message. Le monde change et nous devons incarner une nouvelle forme de leadership où bienveillance et compassion sont valorisées. 

Vous êtes les leaders de demain. N’attendez pas d’avoir 40 ans pour entreprendre le chemin de la connaissance de vous-même, pour comprendre vos mécanismes inconscients, vos croyances limitantes et l’impact que vous pouvez avoir sur vous et sur les autres. 

Je suis convaincue que le changement collectif passe d’abord par le travail sur soi.

Apprendre à reconnaître cette petite voix qu’est l’ego, comprendre comment l’appréhender pour qu’elle ne nous domine plus et que nos décisions et nos actions soient tournées vers le meilleur pour l’autre avant toute chose.

Comme le disait Gandhi : « Be the change that you wish to see in the world. » 


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Images : © Nicolas Launay

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