Guillaume Bonnet (BBA 09) : « Je fais des podcasts pour libérer la parole »
Psychanalyse, sexualité masculine queer, histoires de vie… Guillaume Bonnet (BBA 09) réalise des « podcasts de l’intime » qui visent à libérer la parole et proposer des récits alternatifs. Une approche singulière et bienveillante qui lui a notamment valu de remporter le Prix du meilleur podcast de Conversation au Paris Podcast Festival. Rencontre.
ESSEC Alumni : Comment es-tu devenu un « podcasteur de l’intime » ?
Guillaume Bonnet : Tout a commencé par une fin. Au bout de 10 ans, j’ai arrêté ma psychanalyse. Et cette décision, prise contre l’avis de mon thérapeute, m’a laissé avec une question : en vrai, comment on sait que c’est terminé, si ça a « marché » ou pas ? J’ai eu envie d’en discuter avec d’autres analysants et analystes. Le format du podcast m’a donné un prétexte pour initier ces échanges. C’est ainsi qu’est né Ma dernière séance de psychanalyse, sur lequel j’ai travaillé pendant environ 2 ans.
EA : Quel lien entre ce sujet et celui de la sexualité masculine queer que tu explores aujourd’hui ?
G. Bonnet : D’entretien en entretien, je me suis mis à me raconter autant que mes invités. Ce partage d’expérience m’a naturellement conduit à évoquer mon homosexualité, centrale dans mon analyse. Et là aussi, j’ai éprouvé le besoin de dialoguer avec des personnes traversées par des enjeux similaires, de comparer nos ressentis. D’où le lancement de mon autre podcast Comment devenir (sexuellement) épanoui, auquel je me consacre désormais pleinement.
EA : Qu’entend-on sur ce podcast ?
G. Bonnet : Dans chaque épisode, un homme gay, bi ou queer raconte son chemin de sexualité : ses pratiques, ses fantasmes, son rapport aux règles et aux normes. Ces témoignages alternent avec des interviews « hotline » où des spécialistes donnent des conseils. À noter, je refuse le montage : les propos sont livrés sans coupes, bruts, tels que les intervenants les ont prononcés pendant l’enregistrement.
EA : Pourquoi ce choix ?
G. Bonnet : Il me paraîtrait contradictoire d’effectuer des coupes alors que toute ma démarche vise justement à libérer la parole, à permettre à chacun de livrer sa vérité, selon ses termes. Avec ce podcast, il s’agit de briser un double tabou. D’abord le tabou portant sur l’acte sexuel en tant que tel : celui-ci reste encore largement entouré de non-dits, du moins en dehors des représentations dans les médias, les fictions et les publicités, d’ailleurs généralement très stéréotypées. Ensuite le tabou portant sur les difficultés qu’on peut rencontrer dans l’acte sexuel : on assume rarement d’en parler, tant l’injonction à la performance et à la jouissance est forte dans notre société. Pourtant, j’ai la conviction, directement tirée de la psychanalyse, que le mot soigne. C’est précisément en osant exprimer qu’on n’est pas épanoui sexuellement, en le verbalisant, en l’extériorisant, qu’on commence à le solutionner.
EA : Comment expliquez-vous ce mécanisme ?
G. Bonnet : En soi, rien de révolutionnaire là-dedans : on ne peut pas résoudre un problème qui n’a pas été énoncé ! Mais la dimension conversationnelle apportée par le podcast ajoute à la puissance du processus. En effet, il est à la fois très réconfortant et très encourageant d’entendre quelqu’un formuler tout haut ce que vous osez à peine formuler tout bas. Vous découvrez que vous n’êtes pas seul, ce qui aide à sortir de la honte : vous n’êtes pas ce que certains appellent « anormal », terme qu’il faudrait bannir… À partir de là, vous vous sentez plus à l’aise pour vous confier à votre tour. Ce faisant, vous inspirez d’autres auditeurs, et ainsi de suite. C’est une chaîne vertueuse.
EA : Avez-vous vous-même vécu ce mouvement ?
G. Bonnet : Je l’ai vécu et continue de le vivre. Au début du podcast, je souffrais de nombreux blocages sexuels – notamment d’une véritable hypocondrie à l’égard des infections sexuellement transmissibles, au point de faire des crises de panique après des rapports où je n’avais pourtant pris aucun risque. Et ce, alors même que j'ai travaillé pour Médecins Sans Frontières dans une autre vie… Autant dire que je suis bien informé sur le plan de la santé ! Mais le psychique prenait le pas sur le rationnel. J’ai d’abord consulté des sexologues pour tenter d’y remédier, sans succès. C’est le podcast qui a changé la donne.
EA : Comment ? Que vous ont appris les entretiens ?
G. Bonnet : Deux enseignements clés me sont apparus, dont l’articulation peut paraître paradoxale, mais qui en réalité procèdent l’un de l’autre. D’un côté, tous les chemins sont singuliers ; et même, ils se contredisent, ce qui plaît à un invité déplaît au suivant et inversement, il n’existe pas de recette d’épanouissement. De l’autre côté, tous les témoignages sont marqués par un même enjeu : l’obligation de se positionner par rapport à des normes. Des normes qui, littéralement, corsètent, astreignent les corps à un certain modèle, au mépris à la fois de leurs besoins réels et de leur diversité.
EA : Quelle sont ces normes ?
G. Bonnet : Les règles que nous connaissons tous et toutes, selon lesquelles la sexualité, c’est sale, c’est mal, c’est honteux. On prétend être sortis de ces croyances, héritées d’époques où la sexualité était réservée à la reproduction et où la morale religieuse structurait toute la société. À chaque fois qu’un de mes invités fait état d’un blocage et qu’on le décortique, on en revient à ce carcan. Il arrive même que celui-ci nourrisse des critiques d’auditeurs, qui se définissent eux-mêmes comme gays, et qui reprochent à mon podcast d’entretenir le cliché selon lequel les homosexuels seraient des « obsédés » aux pratiques « perverses » qui « surconsomment » le sexe…
EA : Que répondez-vous à ces critiques ?
G. Bonnet : Primo, j’ai choisi la focale de la sexualité mais je ne considère absolument pas qu’une personne homosexuelle – ou bi, queer, trans… – se définisse par ses pratiques sexuelles ou s’y réduise. Celles-ci peuvent faire partie de votre identité mais au même titre que d’autres composantes, comme votre pays ou votre région d’origine par exemple. Soit dit en passant, il en va de même pour les hétérosexuels ! Deuxio, ce type de critique constitue à mes yeux une simple variante de l’injonction sociétale à maintenir le silence autour de la sexualité. On n’y échappe pas sous prétexte qu’on s’est affranchis du modèle dominant en assumant notre homosexualité ; on l’a tellement entendue qu’on l’a intériorisée et qu’elle continue de nous rattraper.
EA : Si cette injection au silence reste aussi pressante, il doit être difficile pour vos invités de franchir le pas du témoignage et de se livrer publiquement. Comment vivent-ils cette expérience ?
G. Bonnet : L’enjeu se pose avec une acuité particulière pour moi : contrairement à mes invités, je ne témoigne pas sous couvert d’anonymat. Et au risque de surprendre vu mes activités, je tiens à mon jardin secret ! Je ne rêve pas du tout d’un monde de transparence obligatoire ; sur mon podcast, je partage à peine 20 % de mes expériences. Et je n’en demande pas plus aux intervenants, qui se cantonnent généralement à 2 ou 3 thématiques. Je m’efforce de faire la différence entre le silence qui est choisi, qui protège la vie privée, et le silence qui est subi, qui fait souffrir et dont on a besoin de sortir. C’est une question de responsabilité comme d’éthique.
EA : Concrètement, comment cadrez-vous vos entretiens pour tenir cet équilibre ?
G. Bonnet : Chaque enregistrement est précédé d’un pré-entretien obligatoire avec une triple visée : définir les sujets qu’on va aborder pendant l’échange ; vérifier que la personne ne perd pas ses moyens quand vient le moment de se dévoiler au micro ; et évaluer ses motivations. Si l’invité dit témoigner seulement pour m’aider dans mon projet ou parce que je lui ai demandé, je mets le holà. Je veux qu’il en ait envie, qu’il y trouve son propre intérêt. D’abord par principe, mais aussi parce que je travaille et compose avec l’énergie de mon interlocuteur : la qualité de l’échange dépendra de son élan, de son engagement. Pour cette raison, je dois aussi veiller lors de cette étape à rassurer. La plupart craignent de manquer de clarté, d’éloquence, ou pire, de n’avoir rien d’intéressant à raconter. Je leur réponds sans hésiter qu’ils se trompent. Car je l’ai constaté au fur et à mesure : c’est toujours intéressant, toujours puissant.
EA : Quelle approche adoptez-vous ensuite, pendant l’enregistrement ?
G. Bonnet : Je ne me positionne pas uniquement comme un journaliste : je ne me contente pas de poser des questions, j’interviens comme je le ferais dans n’importe quelle discussion hors antenne. Attention en revanche, je prends garde de ne pas juger, et si je sens que je déborde, je le conscientise, je signale que j’exprime une opinion strictement personnelle, que je reste disposé à en débattre, à changer d’avis, ou simplement que chacun a le droit à sa différence. Cet élément est déterminant : il met sur un pied d’égalité, il met en confiance. Par exemple, si un invité confie ses difficultés avec la pénétration, je réponds en partageant les miennes. Dès lors, il se détend et il élabore plus et mieux. Ce qui rejoint un autre point de vigilance : je veille à laisser la parole se déployer, la pensée se déplier. Je ne minute rien ; il faut laisser le temps au temps.
EA : En définitive, quelle sexualité dessinent ces témoignages libérés des normes ?
G. Bonnet : Il existe autant de sexualités que d’individus ! Je tiens à le souligner car l’idée n’est pas de « remplacer » une sexualité par une autre qui, sous couvert de se vouloir alternative, s’avèrerait tout aussi policée – et polissée… Si vous appréciez la sexualité « traditionnelle » pour des raisons qui vous sont propres, et non par pression sociétale, grand bien vous fasse, et d’ailleurs contactez-moi, votre témoignage me passionnera tout autant. Ce qui m’importe, c’est que toutes les sexualités puissent être vécues dans la même joie.
EA : Posons la question autrement : quelles normes interrogez-vous au fil des épisodes ?
G. Bonnet : Premier exemple : pourquoi désigne-t-on la personne qui pénètre par le terme d’actif et la personne qui est pénétrée par le terme de passif ? Ce lexique n’a rien de neutre ni même de descriptif (car en l’occurrence on peut être très actif quand on se fait pénétrer) : être « passif », c’est subir, c’est donc être victime, humilié, dégradé, ou encore être improductif, sans valeur. Autrement dit, c’est lourd d’un sens très négatif dans notre société de la performance et du capitalisme. J’essaie donc d’utiliser et de promouvoir d’autres mots à mon micro : tout simplement, pénétré et pénétrant, qui ne me paraissent pas avoir cette portée péjorative et culpabilisante, et qui à ce titre contribuent très concrètement à dédramatiser et décomplexer la pratique qu’ils désignent.
EA : Deuxième exemple ?
G. Bonnet : Je suis frappé par la fréquence des jeux de domination et de soumission dans les pratiques de mes invités – et par la manière dont ils les appréhendent, à rebours complet de ce que ces qualificatifs évoquent. Encore le vocabulaire ! En fait, nombre d’adeptes du BDSM expliquent d’une part qu’ils ne cherchent pas à ressentir ou infliger de la douleur mais à entrer dans un rôle, dans une mise en scène ; d’autre part que dans ces scénarios, le pouvoir appartient au soumis, qui décidément porte mal son nom, car celui-ci définit les règles à respecter, les limites à ne pas dépasser, décide en somme de tout, dont du moment où arrêter. Je parle bien sûr de configurations où aucune ambiguïté ne plane sur le consentement, le libre-arbitre et la santé mentale des participants.
EA : Un troisième exemple pour la route ?
G. Bonnet : J’ai récemment publié un épisode avec Victor qui prend du plaisir sans érection ni éjaculation. Et qui doit constamment rassurer ses partenaires, convaincus qu’ils ont échoué à le satisfaire tellement ils sont persuadés que la jouissance passe uniquement par ce biais – vision entretenue par les représentations du sexe dont nous abreuve notre société au quotidien, notamment dans les films, les séries ou encore la pornographie.
EA : Finalement, vous soulevez des enjeux qui concernent autant les hommes que les femmes, les homosexuels que les hétérosexuels…
G. Bonnet : Tout à fait. Je compte d’ailleurs une part d’auditrices hétérosexuelles qui me disent elles-mêmes à quel point mon travail a une portée universelle. Les normes que je remets en cause ne relèvent pas uniquement de l’homophobie. Elles ont aussi trait au sexisme et à la misogynie, et plus largement encore, au modèle référent de la masculinité toxique, c’est-à-dire d’une masculinité censée ne pouvoir s’affirmer que par le refoulement de toute manifestation de fragilité ou d’émotion – donc par la force, la domination, et dans les pires des cas, par la violence. Vous avez noté ? Dans ce que je viens d’exposer, il s’agit une nouvelle fois de musellement, de bâillonnement ; du silence et de ses ravages. Au fond, qu’est-ce qu’un harceleur de rue, si ce n’est un homme qui n’a pas appris à extérioriser son désir autrement, à la fois dans un autre contexte (celui du consentement) et dans d’autres termes (ceux du respect) ? La plupart des femmes en souffrent – il suffit de voir la proportion écrasante d’entre elles qui déclarent avoir subi des agressions sexuelles, physiques ou verbales, au cours de leur vie – mais aussi, dans une certaine mesure, nombre d’hommes hétérosexuels qui ne se reconnaissent pas dans ces comportements et sont moqués voire attaqués s’ils tentent d’incarner une autre vision, bienveillante et égalitaire. Celle que je défends moi-même dans mon podcast. De ce point de vue, on peut dire qu’il y a une forme de convergence des luttes.
EA : Peut-on considérer que votre podcast a une vocation militante ?
G. Bonnet : Je ne cherche pas à avancer un programme ou à promouvoir une cause. Cependant mon propos, par sa nature subversive et par le commentaire qu’il porte sur notre société, a nécessairement une teneur politique. Je le qualifierais de « post #MeToo ». Nous venons de connaître une vaste et douloureuse prise de conscience. Et maintenant, on fait quoi ? J’aimerais, à mon échelle, contribuer à la suite : un monde apaisé où on peut enfin aborder la sexualité positivement, sans le prisme d’une oppression à lever ou d’un traumatisme à réparer. C’est d’ailleurs ce que me renvoient mes auditeurs et auditrices ; beaucoup disent qu’avoir accès à ce podcast 10 ou 20 ans plus tôt leur aurait fait gagner un temps fou sur leur chemin d’épanouissement.
EA : Savez-vous évaluer plus largement l’impact qu’a votre podcast ?
G. Bonnet : J’entends beaucoup d’histoires touchantes : des couples qui écoutent les épisodes ensemble pour faciliter et nourrir leurs échanges et réflexions sur leur propre vie sexuelle ; des personnes isolées qui n’ont aucun proche avec lesquels aborder ces sujets et qui trouvent du réconfort mais aussi des éclairages dans les témoignages que je collecte… Un auditeur suisse m’a carrément affirmé que j’avais changé sa vie et que mon podcast marquait un tournant historique. Sans aller jusque là, je comprends ce qu’il veut dire avec un enthousiasme peut-être un peu excessif : de fait, je ne connais pas d’équivalent, d’endroit où on parle de sexualité de cette manière. C’est sans précédent, et c’est transformatif.
EA : À terme, espérez-vous atteindre le grand public ?
G. Bonnet : Je rêve en tout cas de faire grandir la communauté de mes auditeurs et auditrices – et de multiplier les interactions avec eux et elles. Dans cette optique, j’ai ouvert un groupe sur la plateforme Discord, géré et animé par deux bénévoles, qui compte déjà plus de 300 membres, et où nous prolongeons et élargissons les débats. Je m’apprête aussi à enregistrer un premier épisode en public, avec une vingtaine de personnes qui pourront posent leurs questions à un médecin et à un sexothérapeute, et à organiser une première rencontre entre auditeurs et auditrices à Paris, simplement pour échanger, là aussi sous l’impulsion de deux bénévoles. À moyen terme, je voudrais parvenir à éditer une sorte de guide, un référentiel, qui permettrait à tout un chacun de lancer son propre cercle de parole en autonomie et autogestion, sans avoir besoin de formation ou de qualification particulière, selon les principes de l’intelligence collective et de la croissance organique ; idéalement, on verrait ainsi essaimer un peu partout des « safe spaces », des espaces sécurisés et sécurisants dédiés à l’épanouissement sexuel.
EA : Quels autres projets nourrissez-vous pour votre podcast ?
G. Bonnet : Je veux continuer de diversifier les profils des invités. J’ai créé un questionnaire sur mon site pour recueillir les suggestions de mes auditeurs et auditrices. Jusqu’ici, je retiens en particulier trois idées de thématiques que je n’ai pas encore eu l’occasion d’explorer. Primo : l’asexualité, qui consiste à ressentir peu ou pas d’attirance sexuelle. Deuxio : le cheminement sexuel des hommes de plus de 60 ans – à la fois ce que leur génération a vécu, notamment lors des années SIDA, et ce que devient leur sexualité avec l’âge. Tertio : la transidentité masculine et là encore, les enjeux qu’elle soulève dans la vie sexuelle.
EA : Comment les ESSEC peuvent-ils soutenir vos activités ?
G. Bonnet : D’abord en m’appuyant financièrement. Je me consacre à cette aventure à temps plein et pour l’heure, je me rémunère sur mes économies. Vous pouvez me faire un don via la plateforme Tipeee, ponctuel ou régulier : si 400 personnes me versent 5 euros par mois, ce qui s’apparente à une sorte d’abonnement, j’atteindrai grosso modo un SMIC, soit une sécurité minimum. À date, je compte 73 contributeurs et contributrices, que je remercie chaleureusement ! Je recherche en outre des sponsors ou des annonceurs : si vous travaillez pour une entreprise ou une ONG qui cible une audience aussi spécifique que la mienne, n’hésitez pas à me contacter à l’adresse guillaumefaitdespodcasts@gmail.com. J’aimerais aussi nouer des partenariats avec des médias, pour du partage de contenus, des chroniques spécialisées en format audio ou vidéo, ou simplement de la visibilité. À cet égard, vous pouvez aussi m’aider en me laissant un commentaire positif ainsi que 5 étoiles (pas 4 !) sur toutes les plateformes où figure mon podcast.
Écouter :
- l’intégralité de l’interview
- le podcast Ma dernière séance de psychanalyse
- le podcast Comment devenir (sexuellement) épanoui
- le podcast Histoire de devenir moi
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Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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